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crédit photo : Nathalie Kirschvink (UNamur)

Les chèvres marocaines sous l’œil des chercheurs

2 août 2019
par Camille Stassart
Durée de lecture : 5 min

Série (5/5) : Sciences Nord-Sud

Le Maroc, ses plages de sable blanc, son soleil, et… ses chèvres ! On le sait moins, mais le tourisme n’est pas le seul pan important de l’économie marocaine. Près des trois-quarts de la population du nord du pays travaillent en réalité dans l’élevage de caprins. Le mot « maroquinerie » désigne ainsi à l’origine un cuir provenant de peaux de chèvres, dont le tannage a été inventé au Maroc.

L’activité n’est pourtant pas toujours rentable. De nombreux éleveurs finissent par jeter l’éponge, attirés par la meilleure qualité de vie qu’offrent les villes. Afin de maintenir cette activité dans le pays, il est donc nécessaire de moderniser la profession. Pour ce faire, Nathalie Kirschvink, professeure et chercheuse en médecine vétérinaire à l’Université de Namur, s’attelle depuis 2013 à améliorer la gestion et la productivité de ces élevages.

Ses travaux sont menés en collaboration avec l’Institut National de la Recherche Agronomique (Maroc), l’Ecole nationale d’agriculture du Maroc, l’Université d’Hassan 1er (Maroc) et l’Université de Liège.

Quelque 1200 chevreaux sous la loupe

Ce projet s’est notamment intéressé à la gestion des parcours des troupeaux de chèvres. « Au cours du projet, nous avons pu noter qu’il y avait une mortalité anormalement élevée chez les chevreaux. Près d’un tiers des petits de moins de deux mois ne survivaient pas » indique Dr Kirschvink.

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Dans certains élevages, le taux de mortalité parmi les chevreaux est très élevé. Crédit photo : Nathalie Kirschvink (UNamur)

« Dans certains élevages, ce taux de mortalité est très important. Cela entraîne des grandes pertes financières pour les éleveurs », précise Kaoutar Bahri, doctorante à la faculté des sciences et technique de l’Université d’Hassan 1er. Voilà deux ans qu’elle se concentre sur ce volet du projet. « Pour comprendre ce qui causait cette mortalité néonatale, nous avons dans un premier temps tenté de la caractériser ».

Pas moins de 28 élevages du nord du Maroc ont ainsi été suivis, comprenant 1000 chèvres et 1200 chevreaux. « C’est la première fois qu’une telle recherche de terrain était menée dans cette région » souligne Kaoutar Bahri.

Toutes les deux à trois semaines, la chercheuse s’est rendue chez ces éleveurs afin d’identifier les nouveaux-nés. Mais aussi de les peser, d’effectuer des prises de sang et de récupérer les cadavres congelés de chevreaux en vue de les autopsier.

Un manque d’anticorps dès les premiers jours de vie

La malnutrition, voilà le mal qui a emporté ces chevreaux. Sous-alimentés, les petits ont la santé plus fragiles. Ils sont davantage touchés par des infections, notamment respiratoires.

Écoutez Nathalie Kirschvink expliquer pourquoi ces chevreaux sont sous-alimentés :

 

Selon toute vraisemblance, la mortalité néonatale serait due à une mauvaise gestion du troupeau. Cela s’explique par les nouvelles contraintes auxquelles sont confrontés les éleveurs. Le boom démographique au Maroc a entraîné au fil des ans une augmentation de la demande en viandes caprines. Le nombre de chèvres par cheptel a alors augmenté. « Ces troupeaux cherchent donc davantage de pâtures à brouter, parcourent plus de kilomètres et quittent de fait plus longtemps leurs petits » explique Kaoutar Bahri.

« Les pratiques traditionnelles d’élevage étaient bien adaptées aux petits troupeaux. Mais elles ne collent plus avec la réalité d’aujourd’hui. Les techniques misent en place doivent être revues. Les agriculteurs marocains sont clairement demandeurs de solutions » confirme Nathalie Kirschvink.

La solution proposée et testée pour le moment par les scientifiques consiste à apporter aux chevreaux un complément alimentaire. « Les premiers jours d’allaitement sont cruciaux pour transférer assez d’anticorps aux chevreaux. L’idée est que l’éleveur leur procure ce complément afin d’éviter les carences et augmenter leurs chances de survie » stipule Nathalie Kirschvink.

Ce complément serait vendu aux éleveurs à un prix abordable, facile à préparer et à administrer aux petits. Côté résultat, bien que l’expérience n’ait été menée que sur un nombre restreint de chevreaux, les scientifiques ont déjà pu constater une baisse de la mortalité durant les trente premiers jours de vie.

Des solutions appliquées et applicables au Maroc

Toujours dans la volonté d’améliorer la productivité des éleveurs, une seconde thèse de doctorat vient de débuter. Elle porte sur une maladie infectieuse touchant les moutons du centre du Maroc. Et cherche à mettre en place des mesures de prévention.

Selon Nora Elkhalfaoi, doctorante à l’UNamur et responsable de cette étude, la lymphadénite caséeuse du mouton est sans danger pour l’humain, mais provoque chez l’animal des abcès au niveau des ganglions externes et internes. « Les animaux n’en meurent pas, ou rarement, mais la maladie altère l’état général du mouton, et donc sa valeur sur le marché de la viande ».

L’étude de ces aspects sanitaires, dans l’optique d’améliorer la productivité, est une nouveauté pour l’Unité de recherche vétérinaire intégrée de l’UNamur. « Un objectif important dans ce type de projet de coopération nord-sud est de chercher la meilleure façon d’appliquer nos connaissances à la réalité du terrain étudié. Et de les décliner dans des actions concrètes en phase avec les conditions de ces élevages », conclut Dr Kirschvink.

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