Le pédopsychiatre Jean-Yves Hayez témoigne

2 septembre 2014
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
«Psychothérapies d’enfants et d’adolescents»,  par Jean-Yves Hayez,  Edition Presses universitaires de France , version papier 26 euros
«Psychothérapies d’enfants et d’adolescents», par Jean-Yves Hayez,
Edition Presses universitaires de France , version papier 26 euros

En atteignant l’âge de la retraite, Jean-Yves Hayez a ressenti le besoin de faire un bilan de sa vie professionnelle. Le professeur émérite de la Faculté de médecine de l’Université catholique de Louvain témoigne aux Presses universitaires de France dans «Psychothérapies d’enfants et d’adolescents». Il s’appuie sur ses rencontres avec neuf jeunes en grande souffrance, des patients du service de psychiatrie infanto juvénile. Créé et dirigé par le pédopsychiatre aux cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles.

 

«J’ai fait le pari de ne pas ennuyer le lecteur, tout en étant honnête dans mes sélections», raconte le psychothérapeute. «Ce n’est pas le plus agréable que j’ai choisi ni ce qui mettait en valeur mon narcissisme. Mais bien ce que je considérais comme le plus important pour comprendre ces jeunes. On y trouvera le compte rendu de moments arides, difficiles. Et d’autres où je me suis trompé. Je ne me dissimule pas derrière de la théorie ni de la rhétorique aussi creuses qu’envahissantes. J’émets des hypothèses à partir de fonctionnements vécus dans des contextes précis. Je suis un professionnel éclectique, probablement à l’instar de la majorité silencieuse de notre corporation. Je n’en tire aucune gloire. Mon réalisme et mon indépendance d’esprit ne m’ont jamais permis d’adhérer complètement à une école».

 

Respecter la confidentialité

 

D’après le docteur en psychologie, respecter la confidentialité est une condition souvent nécessaire pour qu’un ado ose se confier lors des rencontres thérapeutiques.

 

«Ce respect n’a rien à voir avec une quelconque position d’approbation ou de complicité par rapport aux transgressions que l’adolescent viendrait à raconter. Il faut le lui faire comprendre: il vient travailler chez moi pour réfléchir, se sentir heureux de vivre et faire des choix judicieux».

 

Le degré de confidentialité varie selon les circonstances. Pour les enfants, le psychothérapeute préfère tenir les parents informés. Sans détailler ce qui se passe pendant les séances pour ne pas mettre les enfants ou leur famille en difficulté. L’objectif est de mobiliser le vécu des parents. Et d’en dégager des implications dans la vie quotidienne.

 

Les ados ont droit à une confidentialité totale, discutée avec eux et leurs parents. Mais, si le pédopsychiatre estime qu’un jeune est à l’origine d’un danger grave et rapproché par un comportement transgressif ou dangereux, il alerte des personnes, des institutions sociales ou judiciaires pour éloigner la menace.

 

«Une démarche plutôt rare pour moi. Il faut vraiment bien réfléchir aux dangers futurs que court le jeune ou qu’il fait courir à autrui et à l’efficacité plus grande que nous attribuons à ceux qui seraient informés. Seuls motifs valables pour sortir de la confidentialité avec ou sans le consentement du jeune».

 

Recourir à Internet

 

Si Jean-Yves Hayez n’avait pas utilisé Internet, Jérémie, mort d’inhibition, aurait mis des mois pour se confier. Ou ne l’aurait jamais fait pour sortir d’une passe très délicate concernant sa sexualité.

 

«Même si nos deux ordinateurs étaient branchés, c’est davantage moi qui ai franchi la porte d’un des territoires favoris des ados plutôt que l’inverse. Je suis allé visiter Jérémie et il a apprécié. Cela a accru son envie de se confier à moi qui pouvais me montrer proche. Tous les adolescents n’apprécient pourtant pas autant de partager les formes et rites spécifiques de leur monde avec un adulte. Même si elle a l’air de s’indiquer, l’éventualité doit être négociée au cas par cas».

 

Rapidité et flexibilité temporelle avaient été cruciales pour les échanges avec Jérémie âgé de 17 ans. Avec une conjonction de courriels, de clavardages par écrit ou audiovisuels, de SMS, de séances au service de psychiatrie infanto juvénile. Et une grande variété de moments, de durées.

 

«Le thérapeute peut s’adapter plus largement au tempo de l’adolescent et à son vécu expérientiel si souvent intense, fluctuant, rapide. Pour autant, il ne doit pas se sentir l’obligé d’éventuels sentiments d’urgence et d’appels à l’aide intempestifs qui s’avéreraient davantage impulsifs, démonstratifs. Ou en recherche d’attention et de pouvoir. C’est lui le professionnel qui continue à garder la maîtrise sur l’organisation du processus».

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