Localisation de la nouvelle cavité géante détectée dans la Grande Pyramide de Chéops. © ScanPyramids
Localisation de la nouvelle cavité géante détectée dans la Grande Pyramide de Chéops. © ScanPyramids

Les muons cosmiques font parler la Grande Pyramide de Chéops

2 novembre 2017
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 6 min

Une nouvelle salle gigantesque vient d’être découverte au cœur de la Grande Pyramide de Chéops, la plus haute pyramide du plateau de Gizeh, en Égypte. Une découverte majeure, réalisée grâce à l’utilisation de rayons cosmiques pour scanner de manière innovante le fameux monument, âgé de 4.500 ans.

 

La pyramide de Chéops est la plus haute du plateau de Gizeh. © ScanPyramids
La pyramide de Chéops est la plus haute du plateau de Gizeh. © ScanPyramids (Cliquer pour agrandir)

Les archéologues sont à la fête, dont le Pr Laurent Bavay (ULB), actuel directeur de l’Institut français d’archéologie orientale au Caire. Il est le premier directeur « non Français » de cette prestigieuse institution.

 

Le dessinateur belge François Schuiten est lui aussi aux anges! Il est un des trois cofondateurs de « ScanPyramids ». Une association internationale regroupant les scientifiques qui viennent de réaliser cette incroyable découverte. Gizeh n’avait plus connu ce genre d’événement depuis un siècle.

 

Une salle de trente mètres de long

 

La nouvelle salle est gigantesque. La Grande Pyramide abriterait une pièce inconnue longue de 30 mètres. Elle présenterait un diamètre aussi impressionnant que celui de la Grande Galerie qui mesure 8,6 m de haut × 46,7 m de long × 2,1 à 1,0 m de large.

 

Localisation de la nouvelle cavité détectée par muongraphie. © Scan Pyramids. (Cliquer pour agrandir)
Localisation de la nouvelle cavité détectée par muongraphie. © Scan Pyramids. (Cliquer pour agrandir)

 

Située juste au-dessus de la Grande Galerie, qui mène à la Chambre du Roi, la nouvelle cavité a été détectée grâce à l’utilisation d’une technique de sondage innovante. Plutôt que de tenter de voir à travers la pierre en utilisant des méthodes  déjà mises en oeuvre avec peu de succès à Gizeh dans le passé (radar de sol, thermographie, microgravimétrie…), l’équipe du projet « ScanPyramids », a préféré s’en remettre au… ciel pour sonder l’antique bâtiment. Ou plus exactement aux particules cosmiques. 

 

Les muons jouent aux rayons X

 

Les chercheurs français, japonais et égyptiens du projet ScanPyramids,  ont utilisé les muons pour explorer l’intérieur du monument. Les muons sont générés par les particules cosmiques qui frappent la Terre. Ils proviennent des interactions des rayons cosmiques avec les atomes de la haute atmosphère. Les muons évoluent à des vitesses proches de celle de la lumière et présentent un flux moyen environ 10 000 muons par m2 et par minute.

 

Mise en place d'un détecteur de muons sur la face nord de la grande Pyramide. © ScanPyramids (Cliquer pour agrandir)
Mise en place d’un détecteur de muons sur la face nord de la grande Pyramide. © ScanPyramids (Cliquer pour agrandir)

 

Trois techniques muoniques différentes ont été utilisées pour sonder Chéops. Toutes les trois confirment l’existence d’une grande cavité inconnue à mi-hauteur de la pyramide.

 
Semblables aux rayons X qui peuvent pénétrer dans le corps et permettre l’imagerie osseuse, ces particules élémentaires peuvent garder une trajectoire quasi linéaire en traversant des centaines de mètres de pierre avant de se désintégrer ou d’être absorbées. 

 

Détection de vides connus et… inconnus

 

En enregistrant la position et la direction de chaque muon qui traverse leur surface sensible, les détecteurs de muons utilisés par l’équipe peuvent distinguer des cavités dans des édifices pierreux.

 

Quand les muons traversent des édifices comme la Grande Pyramide de Chéops, et qu’ils rencontrent des cavités, ils ne génèrent quasi aucune interaction et ne sont donc pas absorbés ou déviés par les pierres.

 

Détecteur de muons dans la Chambre de la Reine. © ScanPyramids (Cliquer pour agrandir)
Détecteur de muons dans la Chambre de la Reine. © ScanPyramids (Cliquer pour agrandir)

 

Des muons traversant une région avec une densité plus faible que prévu entraîneront donc au final un flux plus élevé qu’attendu sur les détecteurs utilisés par les scientifiques.

 

C’est exactement comme cela que les équipes françaises, japonaises et égyptiennes ont procédé. Suivant la configuration de ces détecteurs et des sites où ils ont été installés, les physiciens ont pu détecter soit des vides connus (comme la Grande Galerie), soit, en installant leurs détecteurs dans la Grande Galerie, des cavités inconnues », telle celle révélée aujourd’hui.

 

Les trois techniques différentes, disposées dans et autour de la Grande Pyramide, attestent toutes de l’existence de ce « Big Void » (grand vide), jusqu’ici inconnu.

 

 

Nouvel éclairage sur la complexité des aménagements intérieurs

 

« Les résultats présentés dans l’article ouvrent bien sûr des perspectives passionnantes pour les égyptologues », s’enthousiasme le Pr Laurent Bavay, directeur de l’Institut français d’archéologie orientale au Caire.

 

« Il faut rappeler que la pyramide de Chéops est très particulière au sein des pyramides de l’Ancien Empire : moins par sa taille (celle de son fils Chéphren a presque les mêmes dimensions) que par la complexité extraordinaire des aménagements intérieurs. C’est l’aboutissement d’une évolution continue depuis la première pyramide du roi Djéser, moins de deux siècles plus tôt, et surtout sous le règne du père de Chéops, Snéfrou, et qui ne sera plus jamais égalée ».

 

« On peut tout imaginer, mais gardons la tête froide! »

 

« La technique des muons mise en oeuvre par le projet ScanPyramids semble bien avoir révélé de très vastes espaces vides dans le corps de la pyramide, et cela avec un degré de certitude présenté comme très élevé et des résultats reproduits par trois équipes différentes ».

 

« On peut tout imaginer bien sûr et il est naturel d’espérer des découvertes sensationnelles. Mais les scientifiques que nous sommes restent prudents et évitent de s’échauffer ou de faire des prédictions hasardeuses. À ce stade, si l’on peut confirmer l’existence d’espaces vides inconnus et de grandes dimensions, c’est déjà une découverte extraordinaire. Mais il reste à l’interpréter et beaucoup d’hypothèses sont possibles, moins fabuleuses que la découverte d’une chambre funéraire intacte ; on peut penser par exemple à des aménagements liés au mode de construction de la pyramide, des espaces techniques en quelque sorte ». 

 

Un drone explorateur dans la nouvelle cavité?

 

Le dessinateur François Schuiten est membre fondateur de ScanPyramids. Pourquoi s’est-il lancé dans cette aventure?

 

«  Parce qu’il s’agit d’une équipe pluridisciplinaire. Nous nous intéressons à toutes les dimensions de ce monument et toutes les techniques pour le comprendre sont les bienvenues », explique-t-il. « Le dessin par exemple peut apporter un éclairage différent sur sa structure, sa construction. Il élargit la vision qu’on peut avoir de ce type de construction humaine antique. Dessiner, c’est comprendre ».

 

« Dans le même ordre d’idée, des musiciens ont étudié l’acoustique de la Chambre du Roi. Ici aussi, leurs apports peuvent permettre une autre compréhension des lieux ».

 

Quelle va être l’étape suivante de ce projet?  « Nous aimerions pouvoir avoir accès à cette nouvelle grande cavité. Nous allons proposer aux autorités égyptiennes de forer un petit trou afin de pouvoir y déployer un petit drone ballon, un dirigeable télécommandé qui nous permettrait d’explorer cette mystérieuse cavité ».

 

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