Les bâtisseurs de Stonehenge ne voyageaient pas léger

3 août 2018
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Le monument mégalithique de Stonehenge, en Grande-Bretagne, vient de livrer un de ses secrets. Grâce aux recherches du Dr Christophe Snoeck (VUB), du Pr Nadine Matielli (ULB) et de leurs collègues belges, français et britanniques, l’origine des constructeurs du fameux monument vient d’être mise au jour.

« De nombreuses hypothèses tentent d’élucider pourquoi et comment Stonehenge a été construit », indique-t-on à l’ULB et à la VUB. « Par contre, la question de l’origine des constructeurs du site a reçu moins d’attention ».

Les recherches du Dr Snoeck apportent un nouvel éclairage à ce sujet. Elles montrent qu’une partie au moins des bâtisseurs du monument est venue avec les gigantesques blocs de pierre bleue nécessaires à la construction du site. Des voyageurs lourdement chargés qui ont transporté des tonnes de pierres sur des centaines de kilomètres.

Pour arriver à cette conclusion, l’équipe a analysé la composition isotopique des ossements calcinés découverts en 1920 sur le site. C’est le strontium qui les a mis sur la piste…

Le strontium comme mouchard

« Notre alimentation et notre environnement influencent notre composition isotopique », rappelle le Pr Debaille (ULB/ Laboratoire G-TIME). « Les plantes et l’environnement dans lequel nous vivons nous marquent ainsi de manière spécifique. Le strontium est dans ce cadre intéressant. Cet élément présente la particularité de se substituer au calcium. Cela se voit donc dans nos os”.

“Si on change durablement d’environnement ou de régime alimentaire, notre composition isotopique est donc modifiée. Lorsqu’on enterre des êtres humains, le strontium présent dans l’environnement continue à se substituer au calcium de nos os. Sauf si ces os ont été préalablement calcinés. Leur signature isotopique est alors figée. C’est comme si on avait cadenassé ce système, ces échanges. On peut donc lire dans ces ossements carbonisés différentes signatures en strontium, qui témoignent, entre autres, des différents lieux par lesquels l’être humain est passé durant sa vie ».

Les analyses isotopiques du strontium permettant la démonstration que les os brulés préservaient fidèlement leur composition en isotopes de strontium ont été faites à l’ULB. Les analyses isotopiques du strontium des ossements de Stonehenge ont également été réalisées avec l’aide du Pr Nadine Matielli, du laboratoire G-TIME de l’ULB.

25 crânes du Néolithique tardif « parlent »

Dans le cadre de la présente étude, l’équipe a analysé les os du crâne de 25 individus autour de Aubrey Holes, la circonférence intérieure et le fossé de Stonehenge. L’analyse de petits fragments d’os humains incinérés a montré qu’au moins 10 des 25 individus n’avaient pas vécu près de Stonehenge. Selon les analyses isotopiques de strontium, ils pourraient venir de l’ouest de la Grande-Bretagne, une région qui comprend l’ouest du Pays de Galles.

Bien que les rapports isotopiques du strontium ne puissent à eux seuls faire la distinction entre des lieux ayant des valeurs similaires, les chercheurs estiment que l’ouest du pays de Galles, qui est la source connue des pierres bleues de Stonehenge, est donc probablement aussi la région d’origine d’une partie des personnes enterrées.

Des techniques d’analyse de pointe

« Ces individus ont vraisemblablement migré au cours du Néolithique tardif », estiment les chercheurs. Cela illustre l’importance des contacts et des échanges entre ces régions, il y a 5.000 ans, avec des déplacements de matériaux et d’individus sur des distances de quelque 300 kilomètres ».

« Les avancées récentes nous permettent d’extraire des informations de corps après crémation, donc exposés à des températures pouvant atteindre 1000 degrés. Elles nous offrent la possibilité passionnante d’étudier enfin l’origine des personnes enterrées à Stonehenge », commente Christophe Snoeck.

La technique de pointe utilisée dans cette étude pourrait être appliquée dans d’autres recherches et améliorer notre compréhension du passé. Rick Schulting, coauteur de l’étude et professeur associé en archéologie scientifique et préhistorique à Oxford explique : « Les restes incinérés de Stonehenge ont été fouillés pour la première fois par le colonel William Hawley dans les années 1920 et, bien qu’ils n’aient pas été placés dans un musée, William Hawley a eu la prudence de les reboucher et de les documenter. C’est ce qui a permis de les ré- examiner aujourd’hui, avec des techniques novatrices. Nos résultats soulignent l’importance de revoir d’anciennes collections ».

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