Le classement U-Multirank pointe les forces et les faiblesses de nos universités

4 avril 2016
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Les universités n’aiment pas les classements internationaux, mais toutes les regardent pourtant avec attention. La publication du troisième classement européen U-Multirank de ce jour n’échappe pas à la règle.

 

Ce « ranking » concerne cette année 1.300 universités réparties dans 90 pays. Lors de sa première édition, en 2014, le multi-classement ne portait que sur 879 institutions, essentiellement situées en Europe. A l’époque, l’université de Namur et l’Université Saint-Louis, à Bruxelles, n’étaient pas reprises dans ce classement. Elles le sont désormais.

 

Les universités sont « cotées » de diverses manières. Plutôt que de donner un chiffre unique à une université, ce classement l’évalue sur un ensemble de critères, sans agrégation des résultats. Cinq catégories, totalisant une trentaine de critères, sont proposées : l’enseignement, la recherche, les transferts de connaissance, l’orientation internationale et l’engagement régional.

 

Moins d’un bachelier sur deux arrive au diplôme en FWB

 

En ce qui concerne l’enseignement, les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) affichent des scores de prime abord affligeants! Le taux de « diplomation » des bacheliers n’atteint pas 50% pour cinq des six universités belges francophones. Seule l’Université Saint-Louis, à Bruxelles, tire son épingle du jeu, avec un taux de réussite à ce niveau de 58,05%.

 


« Il faut souligner d’emblée quelques biais essentiels pour bien décoder et contextualiser les résultats de ce classement », prévient le Pr Pierre Jadoul, recteur de l’Université Saint-Louis.

 

« Certes, toutes les universités de la Communauté française connaissent des résultats apparemment décevants au niveau du taux de diplomation des bacheliers. Ceux-ci doivent toutefois être mis en parallèle avec l’absence d’épreuve d’accès à l’enseignement universitaire, à l’exclusion de l’un ou l’autre domaine, comme les études d’ingénieur par exemple. »

 

A noter toutefois: au niveau des diplômes de Master, la situation est nettement meilleure. Ici, toutes les universités de la FWB affichent un taux de réussite de plus de 93% (98,77% à l’UMons, qui occupe le haut du classement pour ce critère), sauf l’Université Saint-Louis, qui plafonne à 77,63%. Pourquoi?

 

« Nous ne sommes pas habilités à délivrer de diplôme de Master », rappelle le recteur Pierre Jadoul. « Sauf dans le cadre d’un master conjoint proposé avec l’Université Catholique de Louvain. Pour le reste, nous délivrons uniquement des diplômes de Master de spécialisation qui sanctionnent des cours dispensés en horaires décalés ».

 

Ces Masters s’adressent donc à des personnes qui sont pour la plupart déjà actives professionnellement. Afin de pouvoir combiner études et travail, certains de ces étudiants choisissent d’étaler leurs études sur deux années. Ce qui explique le taux plus faible de réussite pour Saint-Louis en ce qui concerne ce critère. »

 

Faible représentation de la recherche en sciences humaines et sociales

 

Autre bémol de l’U-Multirank pointé à l’Université Saint-Louis: l’impossibilité d’appliquer certains critères de ce classement au secteur des sciences humaines et sociales. C’est le cas du nombre de brevets, de «partenariats industriels» ou encore du relevé du nombre de publications scientifiques.

« Le nombre des publications est comptabilisé par le moteur de recherche « Web of Science », dont la fiabilité est sans doute adéquate dans le secteur des sciences ou dans celui des sciences de la vie, mais totalement insuffisante dans le secteur des sciences humaines et sociales », pointe le Pr Jadoul. « Pour cinq articles de sciences humaines et sociales publiés dans des revues scientifiques à comité de lecture, un seul est en effet recensé par «Web of Science» », estime-t-il.

Chiffres absolus du nombre de publications scientifiques par université recensés par le classement U-Multirank

 

  • U.Saint-Louis: 59 publications
  • UNamur : 1.240
  • UMons: 1.737
  • UCL : 5.347
  • ULg : 6.668
  • ULB : 7.336
  • Le champion en ce qui concerne le nombre de publications est l’Université d’Harvard (USA) avec 64.989 publications scientifiques…

Points forts en FWB

 

Le classement européen pointe cependant quelques points forts des universités de la FWB. Il dresse une dizaine de palmarès de type « top 25 », pour les 1300 universités étudiées.

 

En ce qui concerne l’encadrement des étudiants en mathématique, chimie et biologie par exemple, deux universités belges se retrouvent dans le « top 10  mondial »: l’ULB et l’UCL.
L’université Saint-Louis se retrouve dans le top 25 en ce qui concerne son « engagement régional » (recherche régionale).

 

L’université de Mons est présente dans le top 25 des publications scientifiques réalisées avec des partenaires internationaux.

 

En ce qui concerne la mobilité des étudiants, il faut par contre regarder du côté de la Flandre. Le Vésalius College (VUB) et l’Université d’Hasselt sont les seuls à être mentionnés pour la Belgique. Ce sont d’ailleurs les seules universités belges néerlandophones à apparaître dans un de ces dix « top 25 » en 2016.

 

Les universités belges mécontentes de U-Multirank

 

Quand le nouveau classement européen U-Multirank a été lancé, les universités belges regardaient cette initiative avec un certain intérêt. A l’usage, l’engouement est nettement retombé. Au point que l’UCL a décidé, bien avant que ne soit publié le troisième classement U-Multirank, de ne plus y participer à l’avenir.

 

“L’outil semblait prometteur, plus précis, plus nuancé dans ses informations”, indique le Pr Jean-Christophe Renauld, prorecteur à la Recherche de l’Université Catholique de Louvain. “A l’arrivée il s’avère très complexe à alimenter en données exactes, ce qui nécessite un important travail administratif pour les universités. D’autre part, les contacts avec U-Multirank s’avèrent difficiles, même pour faire rectifier un chiffre erroné”.

 

“Des erreurs qui démontrent la fiabilité toute relative du ranking, notamment en termes de méthodologie”, pointe-t-on à l’UCL. “Une méthodologie trop hasardeuse, qui se manifeste par un manque de constance et des erreurs significatives au vu des résultats publiés d’une année à l’autre”…

 

D’autres grandes universités francophones belges pourraient suivre le mouvement et se désengager de ce projet largement subventionné par l’Union Européenne.

Note: les derniers paragraphes de cet article, à la suite du dernier intertitre, ont été ajoutés au texte principal le 5 avril à 9h45.

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