Record de mesure de la gravité à Membach (Belgique). Photos ORB
Record de mesure de la gravité à Membach (Belgique). Photos Coveliers/ORB

Huit mille jours : record de lévitation en Belgique

4 octobre 2017
Par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

Ce mercredi, cela fait exactement 8097 jours qu’une petite sphère de 4 grammes lévite dans un champ magnétique entretenu dans un laboratoire souterrain de l’Observatoire royal de Belgique à Membach, en province de Liège.

 

« Depuis la mi-septembre, cette lévitation continue constitue même un double record, physique et gravimétrique », signale l’Observatoire, et plus particulièrement son service de sismologie et de gravimétrie.
 

Fluctuations du champ de pesanteur

 
Cette petite bille sert en réalité à mesurer les fluctuations du champ de pesanteur terrestre. Elle surveille les variations de gravité avec une précision extrême. Hier, par exemple, les variations de gravité mesurées à Membach fluctuaient de quelques centaines de nanomètres par seconde au carré (il s’agit de la mesure d’une accélération). Et les effets cycliques de marée y sont parfaitement visibles.

 

Rappelons que la gravimétrie est la science de la mesure de la pesanteur (« g ») et de ses variations dans le temps et dans l’espace.

 

La valeur de g dépend notamment de la latitude, de la répartition des masses à l’intérieur de la Terre ou encore des saisons, comme on le verra plus bas. Cette valeur dépend aussi de la position relative de la Lune et du Soleil (au fil de la rotation de la Terre) qui génèrent les forces de marée, comme le montre le graphique ci-dessous. 

 

Mesures de la fluctuation de la gravimétrie à Membach pour la journée du 3 octobre 2017.
Mesures de la fluctuation de la gravimétrie à Membach pour la journée du 3 octobre 2017.

 
Gravimètre à supraconductivité

 

La bille en lévitation dont il est question ici flotte en réalité dans un gravimètre à supraconductivité. Il s’agit d’un appareil destiné à mesurer la pesanteur installé dans le laboratoire souterrain de Membach (près d’Eupen). Depuis plus de 22 ans, il fonctionne sans relâche. Soit 8097 jours! C’est le premier record du genre.

 

L’autre record concerne la lévitation de sa petite bille. Il s’agirait de la plus longue lévitation d’un objet supraconducteur dans un champ magnétique connu à ce jour. 

 

Et, cerise sur le gâteau, si on ose dire, cet exploit est rendu possible grâce à un courant électrique injecté dans le gravimètre depuis plus de 22 ans.

 

Un courant électrique injecté en 1995 et jamais dissipé
Pour générer le champ magnétique qui soutient en lévitation la petite bille, il a fallu injecter un courant électrique dans l’instrument de mesure. Cela a été fait au démarrage de la mesure. Ce champ a été généré par des courants persistants, injectés dans des bobinages supraconducteurs du gravimètre en 1995. Ils n’ont jamais été dissipés depuis lors. 

 

Pour des domaines de recherches comme la géophysique, ces mesures sont importantes, entre autres parce qu’elles donnent accès aux variations à long terme de la pesanteur, encore mal connues, causées par des mouvements tectoniques lents ou des variations climatiques. C’est également important pour l’étude du cycle de l’eau qui influence la pesanteur.

 

Ainsi, des variations saisonnières sont généralement bien visibles sur les mesures gravimétriques. Ces effets sont dus à la recharge des nappes aquifères l’hiver, causant une augmentation de la pesanteur au printemps, et inversement, une baisse à l’automne. À Membach cependant, l’effet est inverse car la station est souterraine et les masses d’eau stockées se trouvent au-dessus des gravimètres.

 

Le gravimètre à supraconductivité se situe au bout d’une galerie de 130 m de long, à 48 mètres sous le plateau des Hautes-Fagnes, sur le territoire de la commune de Membach-Baelen. Le capteur de l’instrument est plongé dans l’hélium liquide où règne une température de -269°C, à savoir 4 degrés au-dessus du zéro absolu. Des conditions extrêmes indispensables à la supraconductivité.

 
A ce jour, ce gravimètre est une pièce centrale de nombreux projets de recherche et l’Observatoire espère pouvoir encore le voir fonctionner pendant de nombreuses années.

 

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