Anant Agarwal, Docteur Honoris causa de l'UCL.
Anant Agarwal, Docteur Honoris causa de l'UCL.

edX: un milliard d’étudiants d’ici dix ans

5 février 2018
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

« Nous sommes en train d’inventer un nouveau modèle éducatif ».  À Louvain-la-Neuve, le Dr Anant Agarwal est tout sourire. Ce lundi, il reçoit les insignes de Docteur honoris causa de l’Université Catholique de Louvain (UCL) avec deux autres acteurs engagés des « mondes numériques »: l’Américaine Mitchell Baker, présidente de la Mozilla Foundation, et son compatriote Milad Doueihi, un historien originaire du Liban.

Tous les trois ont séduit les autorités de l’UCL par leurs engagements et leurs réalisations en faveur des « mondes numériques »: le thème de l’année académique de l’université belge.

edX met le savoir à portée de tous

Anant Agarwal à 58 ans et est d’origine indienne. Depuis 35 ans, il étudie et enseigne aux États-Unis. Mais surtout, depuis 2011, il est à l’origine de la plateforme éducative edX. Et l’initiative de ce professeur du Massachusetts Institute of Technology (MIT) fait carton plein!

« Depuis son lancement, nous avons proposé plus de 2000 cours en ligne », souligne le Pr Agarwal. « Ils ont été suivis par 15 millions de personnes dans le monde et traitent de tous les domaines: sciences humaines, sciences exactes, technologies… »

La plateforme de cours en ligne edX, fondée par le MIT et l’Université d’Harvard, défend le principe d’une formation de qualité pour tous. Elle offre gratuitement des Moocs (Massive open online courses) des meilleures universités du monde à toute personne ayant accès à internet. Et parmi ces universités, on retrouve l’UCLouvain, première université belge à avoir proposé des Moocs. C’était il y a quatre ans.

«  Aujourd’hui, nous proposons 24 cours en lignes, bientôt 25 », précise Françoise Docq, coordinatrice des Moocs de l’UCL. Ces cours publics ont séduit un large public. « 400.000 personnes s’y sont inscrites. Et 65.000 d’entre elles les ont entièrement suivis ».

Accélérateur de carrière

Anant Agarwal est lui aussi satisfait. Depuis 2011, sa plateforme éducative en ligne a séduit 15 millions de personnes.

Pour quel bénéfice personnel? « C’est une question classique », souligne le patron de cette organisation sans but lucratif qui emploie à ce jour quelque 200 personnes, principalement aux États-Unis.

« Nous avons deux types de publics », précise-t-il. « D’une part, il y a les personnes qui veulent développer leurs connaissances par plaisir, par simple curiosité intellectuelle. D’autre part, nous avons un public composé de personnes qui veulent parfaire leur éducation afin de faire progresser leur carrière. Cette deuxième catégorie représente 70 à 80% de nos étudiants».

Pour ceux-ci, comme pour les autres, les cours sont accessibles gratuitement. Ils se composent généralement de trois types d’outils en ligne: des séquences vidéo, des notes de cours et un forum d’échange où on peut poser des questions et obtenir des réponses.

Les micromasters se multiplient

Toutefois, si on désire obtenir un certificat attestant qu’on a suivi entièrement le cours en fin de cycle, il faut alors mettre la main au portefeuille. En moyenne, cela coûte quelque 50 dollars. Dans le cadre d’un  « micromaster » (une série de cours qui se donnent sur plusieurs mois autour d’une même thématique), le certificat coûte plusieurs centaines d’euros. C’est ce certificat qui fait foi et qui peut ensuite être valorisé auprès d’un (futur) employeur ou sous forme de crédits de cours auprès de l’université qui a proposé le micromaster.

« 43% de nos étudiants qui bouclent un micromaster » nous disent avoir ensuite, grâce à lui, pu bénéficier d’une promotion, avoir obtenu un job ou avoir au minimum décroché un entretien d’embauche », précise le Dr Agarwal.

On notera aussi que tous les étudiants qui suivent ce genre de formation en ligne ne réclament pas le certificat payant. « Le taux d’assiduité à ces cours en ligne est de l’ordre de 60 à 80% des inscrits », souligne Anant Agarwal. Un taux de réussite qui tombe à moins de 6% pour la catégorie des « curieux ».

Vitrine universitaire et outil de recrutement

On notera aussi que ces Moocs et autres formations plus longues proposées par edX  constituent également, dans certains cas, un outil de recrutement d’étudiants pour les universités. « Au MIT, certaines filières d’études ont vu, depuis l’introduction de ces Moocs, leur nombre d’étudiants augmenter sensiblement », concède Anant Agarwal.

C’est donc aussi un outil promotionnel pour les institutions qui investissent dans les cours gratuits en ligne. Dans certains cas, ils permettent même de repérer un étudiant de grande valeur et de lui proposer de rejoindre l’université comme assistant…

« Les Moocs sont également intégrés à nos propres formations », souligne de son côté le recteur de l’UCL, le Pr Vincent Blondel. Ils permettent aux étudiants de découvrir la matière et d’en discuter ensuite, lors des cours, avec leurs professeurs.

C’est le principe de la classe inversée. Les étudiants commencent par suivre le cours en ligne, à leur rythme et durant les plages horaires de leur choix.  « Et croyez-moi, ils préfèrent regarder des vidéos de cours à minuit plutôt que de se traîner dans un auditoire à 8 heures du matin », indique le Dr Agarwal. Le temps disponible avec le professeur est alors plus utilement mis à profit.

« Le Mooc et le micro master ont manifestement de beaux jours devant eux. Anant Agarwal en est persuadé. « Cette évolution du modèle éducatif est l’avenir », dit-il. Son rêve le plus fou? « Éduquer d’ici 10 ans un milliard de personnes dans le monde grâce aux Moocs », conclut le patron d’edX.

Outre le Dr Agarwal (à gauche sur la photo), l’UCL décerne aussi ce lundi le titre de Docteur honoris causa à Mitchell Baker et Milad Doueihi.

Mitchell Baker est présidente de la Mozilla Foundation. Elle est depuis toujours militante en faveur d’un web open source, lieu d’échange accessible, compréhensible et source des mêmes opportunités pour tous.

Milad Doueihi est lui actuellement titulaire de la Chaire d’humanisme numérique à la Sorbonne (Paris). Il a été l’un des premiers à penser le numérique non pas comme une technique mais comme une nouvelle culture, qui modifie notamment les liens sociaux.

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