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239.383 maravédis pour un Memling

5 mars 2018
par Daily Science
Durée de lecture : 3 min

Le « Christ entouré d’anges chanteurs et musiciens » est le titre des trois peintures monumentales du Primitif flamand Hans Memling. Elle est conservée au Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA).

Le Dr Bart Fransen, coordinateur du Centre d’étude des Primitifs flamands de l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA), un des établissements scientifiques fédéraux (BELSPO), vient de découvrir l’origine de ces panneaux, mais aussi leur prix.

Il s’agit d’une commande passée au peintre en juillet 1483 par un prieur du nord de l’Espagne. Une commande à réaliser « à tout prix » et pour laquelle une somme de 239.383 maravédis, une ancienne monnaie espagnole, était mise sur la table.

Une commande pour le couvent bénédictin de Nájera

Hans Memling a peint le Christ entouré d’anges chanteurs et musiciens à Bruges, où il a passé la majorité de sa vie. C’était une commande importante. Les trois panneaux mesurent un peu moins de 2 m sur 7,5 m. A l’origine, ils formaient un ensemble d’un retable qui comportait d’autres fragments, aujourd’hui perdus. Ces derniers se trouvaient à la fin du XVIIIe siècle dans le couvent bénédictin de Nájera (Nord de l’Espagne), pour lequel ils avaient vraisemblablement été exécutés.

Voilà ce que le Dr Bart Fransen, de l’IRPA, a pu démontrer. Il a identifié le commanditaire, la date exacte du paiement de cette œuvre ainsi que son coût.

Ces découvertes ont été faites dans un livre des comptes conservé à l’Archivo Histórico Nacional de Madrid, datant du dernier quart du XVIIIe siècle. Un auteur anonyme y a scrupuleusement recopié un livre des comptes plus ancien et l’a commenté.

Ce type de découverte, c’est le rêve de tout historien de l’art. Celui de pouvoir mettre en relation une œuvre d’art avec un document d’archives original. C’est très rare pour les Primitifs flamands. Soit les archives ont disparu, soit un document est retrouvé mais l’œuvre est perdue. “C’est le genre d’expérience qui arrive une fois dans une vie”, estime-t-il.

Une œuvre à réaliser “A toda costa”

Le commanditaire était Gonzalo de Cabredo, prieur du monastère de 1453 à 1486. Il a commandé l’œuvre peu avant le 20 juillet 1483, mais n’a pu assister à la fin du chantier. Elle s’est achevée sous son successeur, Pablo Martínez de Uruñuela. Il insistait pour que l’œuvre soit terminée ‘a toda costa’ (à n’importe quel prix). Le prix est également connu: 239.383 maravédis, une commande très onéreuse en comparaison à d’autres retables de cette période. Le retable a été installé en 1494 dans l’église abbatiale, l’année même de la mort de Memling.

“ Ce que signifie l’Agneau mystique pour Van Eyck équivaut au retable de Nájera pour Memling », estime le Dr Fransen. « Durant toute sa carrière, Memling n’a pas réalisé d’autre retable équivalent. Le coût était très onéreux et la durée de onze ans entre la commande et la mise en place dans l’église est très longue, mais le responsable n’était pas nécessairement le peintre. Il est probable que la livraison tardive s’explique par des problèmes financiers du monastère, après la mort de Don Gonzalo, liés à des années de troubles durant lesquelles l’abbaye s’est détachée de Cluny et est devenue indépendante ».

Entre 2001 et 2007 les panneaux du Christ entouré d’anges chanteurs et musiciens de Hans Memling ont fait l’objet d’une restauration importante dans les ateliers du Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers. Un projet de restauration qui était accompagné par une commission d’experts en histoire de l’art, chimie et restauration.

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