Représentation de la nouvelle particule XIcc, découverte au LHCb (Genève). © CERN
Représentation de la nouvelle particule XIcc, découverte au LHCb (Genève). © CERN

Le proton a un nouveau cousin: le «Xi» a été découvert au Cern

7 juillet 2017
par Daily Science
Durée de lecture : 7 min

Cinq ans après la découverte du fameux boson de Brout, Englert et Higgs, qui valut en 2013 au Pr François Englert, de l’Université Libre de Bruxelles, et au Pr Peter Higgs (Université d’Édimbourg), de recevoir le Prix Nobel de Physique, le CERN, à Genève, vient d’annoncer la découverte d’une nouvelle particule élémentaire.

 

Cette fois, il s’agit d’un baryon, soit une particule élémentaire de la même famille que le proton ou le neutron, une particule élémentaire composée de trois quarks.

 

Une découverte réalisée à l’expérience LHCb, sur le Grand collisionneur de hadrons

 

Si l’existence du boson de Brout, Englert et Higgs a été découvert par deux des quatre grandes expériences placées sur le grand accélérateur de particules du CERN, à Genève (les expériences CMS et ATLAS), la détection de la nouvelle particule a elle eu lieu sur l’expérience LHCb, également située sur le LHC.

 
La nouvelle particule élémentaire a été baptisée « Xicc++ ». Elle contient deux quarks charmés et un quark up. « Les théories actuelles prédisaient l’existence de cette particule de la famille des baryons, mais, malgré de nombreuses années de recherche, ces baryons à deux quarks lourds échappaient aux physiciens », explique le CERN. « La masse de la nouvelle particule identifiée est d’environ 3621 MeV, soit près de quatre fois celle du proton (le baryon le plus connu), propriété qu’elle doit à ses deux quarks charmés. C’est la première fois qu’une telle particule est détectée sans ambiguïté ».

 
Pratiquement toute la matière que nous observons autour de nous est faite de baryons, particules courantes composées de trois quarks ; les baryons les plus connus sont les protons et les neutrons. Mais il existe six sortes de quarks, et, en théorie, de nombreuses combinaisons différentes pourraient former d’autres types de baryons. Jusqu’ici, les baryons observés étaient tous constitués d’un quark lourd au maximum.

 

Comme un mini système planétaire

 
« Le fait d’avoir trouvé un nouveau baryon, contenant deux quarks lourds, présente un grand intérêt, car celui-ci nous offre un outil exceptionnel pour sonder plus avant la chromodynamique quantique, à savoir la théorie décrivant l’interaction forte, l’une des quatre forces fondamentales, déclare Giovanni Passaleva, nouveau porte-parole de la collaboration LHCb. Ces particules nous aideront par conséquent à améliorer la capacité prédictive de nos théories. »

 
« Contrairement aux autres baryons, dans lesquels les trois quarks effectuent une danse subtile les uns autour des autres, un baryon à deux quarks lourds devrait se comporter comme un système planétaire, où les deux quarks lourds jouent le rôle d’étoiles lourdes en orbite l’une autour de l’autre, le quark léger étant, lui, en orbite autour de ce système binaire, » ajoute Guy Wilkinson, ancien porte-parole de la collaboration.

 

« Mesurer les propriétés de Xicc++ nous aidera à établir comment un système de deux quarks lourds et un quark léger se comportent. Nous pourrons obtenir des informations importantes en déterminant précisément les mécanismes de production et de désintégration ainsi que la durée de vie de cette nouvelle particule ».

 

La valse des particules élémentaires

 

En juillet 2012, le boson de Brout, Englert et Higgs faisait son apparition. « Je pense que nous l’avons, n’est-ce pas ? » ; telle était la question posée par le Directeur général du CERN de l’époque, Rolf Heuer, le 4 juillet 2012, dans l’amphithéâtre principal du CERN, devant un parterre de scientifiques venus de tous les coins de la planète, dont le Pr François Englert (ULB) et Peter Higgs (Université d’Édimbourg).

 

La réponse était évidente, tout comme l’émotion qui se lisait sur les visages des personnes rassemblées en nombre pour l’événement. Les porte-parole d’ATLAS et de CMS de l’époque, Fabiola Gianotti et Joe Incandela, venaient de présenter les derniers résultats des recherches sur le boson de Higgs, portant sur environ deux ans d’exploitation du LHC. L’annonce était prévisible vu les indices de l’existence du Higgs présentés quelques mois plus tôt, en décembre 2011, la quantité de rumeurs qui circulaient sur les blogs et l’agitation médiatique qui avait entouré le CERN les semaines précédentes, sans parler du titre du séminaire, qui ne laissait guère de place à l’imagination. Mais l’enthousiasme était malgré tout à son comble.

 

« Le boson de Higgs est la particule la plus intéressante du Modèle standard, et elle est venue le parachever », estime le CERN.

 

« Depuis 2012, nous en avons appris beaucoup sur les propriétés de la nouvelle particule, mais nous ne sommes encore qu’au début de cette exploration. Si l’on remonte aux premières recherches sur le boson de Higgs, la masse que pouvait avoir cette particule n’était pas connue : le Modèle standard ne pouvant la prédire, il fallait donc la mesurer. De fait, en 1975, dans le premier article publié décrivant les possibles signatures expérimentales de la particule, la gamme de masses envisagées pour le Higgs à cette époque s’étendait sur quatre ordres de grandeur, allant de 18 MeV à plus de 100 GeV.

 
Au 4 juillet 2012, la situation est radicalement différente. Le fait de n’avoir pas détecté le Higgs dans les collisionneurs précédents, notamment le LEP au CERN et le Tevatron au Fermilab, a conduit à établir que sa masse devait être supérieure à 114 GeV, alors que la théorie la situe obligatoirement au-dessous d’environ 800 GeV. Une fois le LHC du CERN mis en route, le boson de Higgs n’avait plus beaucoup de place pour se cacher : si le Higgs se trouvait dans la gamme d’énergies définie, le LHC pourrait sûrement le produire. 

 

La chasse au Higgs pouvait alors commencer. L’ingéniosité humaine allait être repoussée à ses limites. Les physiciens d’ATLAS et de CMS allaient devoir travailler jour et nuit pour extraire des données intéressantes des débris produits par les innombrables collisions proton-proton. Cette quête supposait d’immenses défis sur le plan de la résolution en énergie et de la capacité d’identification des détecteurs, sans parler des énormes volumes de données à traiter.  Le résultat de ces recherches se résumait finalement à deux graphiques. La découverte ne faisait aucun doute pour chaque collaboration, la signification statistique dépassant le seuil des 5 sigmas requis pour qu’on puisse parler de découverte.

 

 

L’origine du mécanisme de Brout, Englert et Higgs

 

Le CERN explique le mécanisme de Brout, Englert et Higgs de la manière suivante:

 

“Dans les années 1970, des physiciens ont compris que deux des quatre forces fondamentales étaient étroitement liées : la force faible et la force électromagnétique. Ces deux forces peuvent être décrites à l’aide d’une seule théorie, sur laquelle s’est érigé le Modèle standard. Une théorie dite «unifiée» parce qu’elle décrit l’électricité, le magnétisme, la lumière et certains types de radioactivité comme des manifestations d’une seule et même force fondamentale, appelée la force électrofaible”.

 
“Les équations fondamentales de la théorie unifiée rendent parfaitement compte de la force électrofaible et des particules porteuses de force qui s’y associent, à savoir le photon et les bosons W et Z. Sauf que selon ce modèle, ces particules seraient dépourvues de masse. Or, si le photon n’a bel et bien aucune masse, nous savons que les particules W et Z en ont une, équivalente à près de 100 fois la masse du proton. Heureusement, les théoriciens Robert Brout, François Englert et Peter Higgs ont élaboré une théorie qui allait résoudre le problème. Ce que nous appelons aujourd’hui le mécanisme de Brout-Englert-Higgs donne une masse au W et au Z lorsqu’ils interagissent avec un champ invisible mais omniprésent dans l’Univers, récemment baptisé « le champ de Higgs ».

 
“Immédiatement après le Big Bang, le champ de Higgs était de valeur nulle. L’Univers a toutefois commencé à se refroidir et, lorsque sa température est descendue en dessous d’une valeur critique, le champ de Higgs a augmenté spontanément – et communiqué une masse à toutes les particules qui interagissaient avec lui. Plus une particule interagit avec ce champ, plus elle est massive. Les particules qui, comme le photon, n’interagissent pas avec lui, restent dénuées de masse. Tous les champs fondamentaux sont associés à une particule. Le champ de Higgs est associé au boson de Higgs, qui est la manifestation visible du champ de Higgs, un peu comme une vague à la surface de la mer”.

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