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© Michal Jarmoluk

L’Europe réussira-t-elle son pari de l’innovation ?

7 août 2019
par Michel Claessens
Durée de lecture : 4 min

« Avec l’ERC, nous disons au monde que la meilleure science se fait en Europe. Avec l’EIC, nous disons aux innovateurs : venez innover ou restez innover en Europe. » C’est en ces termes que Jean-Eric Paquet, Directeur-général de la recherche et de l’innovation à la Commission européenne, présentait le 11 avril dernier, la version pilote du Conseil européen de l’innovation, l’EIC.

Après l’European Research Council (ERC), l’Union européenne vise en effet à reproduire cette success story en créant l’European Innovation Council (EIC). Ce sera la grande nouveauté du prochain et neuvième programme-cadre européen, « Horizon Europe ». Il devrait être doté de quelque 11 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Une manne pour les chercheurs et innovateurs belges ?

Le talon d’Achille de l’Europe

L’innovation est souvent présentée comme le talon d’Achille du vieux continent. L’antienne est bien connue : l’Europe a des idées, mais celles-ci sont souvent appliquées ailleurs. Prenez le World Wide Web : inventé en Europe (au CERN), il fut toutefois développé aux États-Unis.

Rien n’indique que notre manque d’innovation sera irrémédiable. Si les experts pointent une culture du risque (ou de la prise de risque) insuffisamment développée, certains pays européens voient leur jeunesse s’enthousiasmer pour les start-up et prendre Steve Jobs comme modèle. « Dans la Silicon Valley, on passe son temps à échouer. On se casse la figure et on recommence », expliquait le fondateur d’Apple.

Un autre problème européen est la faible intervention des pouvoirs publics. Or, aux États-Unis, les instances politiques ont massivement soutenu les marchés du capital-risque, il y a plus d’une trentaine d’années. Une bonne nouvelle : en Europe, ce mouvement s’est amorcé depuis une vingtaine d’années avec le Fonds européen d’investissement comme principal acteur du marché du capital risque.

Éclaireurs  et accélérateurs

L’innovation est déjà une priorité des programmes européens. Ceux-ci ont toujours inclus un volet financier pour favoriser la transcription de la recherche en applications. Une approche radicalement nouvelle a été annoncée il y a 2 ans. La Commission européenne en effet lancé une version pilote de l’EIC dans Horizon 2020.

Un financement de plus de 2 milliards d’euros est disponible en 2019-2020, couvrant toute la chaîne de l’innovation à l’aide de deux outils-clés. Le premier, appelé « éclaireur », veut débusquer les innovations de rupture par des approches collaboratives. Le second est un « accélérateur » d’entreprises à haut potentiel (principalement des PME) qu’il prévoit d’aider en octroyant financement et accompagnement.

Cette nouvelle approche est déjà en place. Le 27 juin 2019, un comité consultatif de l’EIC composé de 22 innovateurs réputés a été installé. Le même jour, la Commission annonçait le financement de 53 projets « explorateurs » et de 83 PME « accélérées ». Un nouvel appel à propositions est ouvert depuis le 6 juin dernier. Les entreprises retenues se partageront jusqu’à 17,5 millions d’euros.

Bon score de la Belgique

Si l’EIC ouvre des portes pour les innovateurs et les entreprises belges, il est toutefois à noter que dans notre pays, l’innovation ne se porte pas si mal. D’après « l’innovation scoreboard » de la Commission européenne, nos performances se situent dans la moyenne européenne supérieure.

En matière d'innovation, les performances de la Belgique se situent dans la moyenne européenne supérieure
En matière d’innovation, les performances de la Belgique se situent dans la moyenne européenne supérieure. © Commission européenne

L’année passée, la KUL était l’université européenne la plus innovante, selon le baromètre de Thomson Reuters. L’ULiège est quant à elle impliquée dans l’Eurégio Meuse-Rhin. Cette structure de collaboration transfrontalière porte notamment sur l’innovation et couvre la Province de Liège ainsi que les régions de Maastricht et d’Aix-la-Chapelle.

Mais la Belgique peut encore mieux faire. Il y a encore, selon le site consacré à l’innovation en Belgique développé pour la Politique Scientifique fédérale, trop peu d’entreprises à forte croissance d’emploi. Par ailleurs, les compétences se font rares. Notamment dans le sud du pays où scientifiques et ingénieurs représentent à peine 10 % des jeunes diplômés. Nos PME souffrent également d’une capacité d’innovation inférieure aux autres pays européens.

Quelle recette pour l’innovation ?

La sauce de l’EIC prendra-t-elle ? Établir un parallèle entre l’ERC et l’EIC est assez osé. L’ERC met en œuvre un concept simple : financer la recherche fondamentale. En revanche, l’innovation est un sujet complexe. Et le chemin est parfois long de la recherche à l’exploitation commerciale.

Le professeur Marc Van Montagu, l’un de nos grands scientifiques et innovateurs, pionnier de la génomique végétale et créateur de Plant Genetic Systems, en parle d’expérience : « La création d’une nouvelle structure comme l’EIC a le mérite d’attirer l’attention et de concentrer les efforts. Mais l’innovation est souvent le résultat d’une vision à long terme et d’une conjonction de plusieurs facteurs et d’interactions favorables. » Sans compter que de nombreuses innovations n’ont rien à voir avec la science. Et que toute invention ne devient pas innovation.

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