A l'UCL, le Pr Pierre Sonveaux lutte contre le cancer en ciblant les métastases.
A l'UCL, le Pr Pierre Sonveaux lutte contre le cancer en ciblant les métastases.

La piste du recyclage pour prendre le cancer de vitesse

8 mai 2015
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Faire du neuf avec du vieux pour gagner du temps ? La formule peut sembler péjorative. Aux yeux du Pr Pierre Sonveaux, Chercheur qualifié F.R.S.-FNRS à l’Institut de Recherche Expérimentale et Clinique de l’UCL, cela prend plutôt des allures de passionnant défi!

 

Et sa démarche s’apparente davantage à de « l’innovation » dans le domaine de la santé qu’à de la « récup ». Son projet : faire appel à une molécule thérapeutique destinée à lutter contre l’hépatite pour allonger la vie… des patients cancéreux. Comment? « En empêchant les métastases d’une tumeur de s’implanter dans l’organisme », explique-t-il.

 

La piste des mitochondries

 

L’été dernier, le docteur en sciences pharmaceutiques découvrait un mécanisme permettant de contrer l’apparition des métastases d’un cancer du sein humain induit chez des souris.  « Nous avons continué à travailler dans cette voie », dit-il. « Nous avons identifié des molécules qui permettent de lutter contre la dissémination des cellules malignes, mais surtout, nous avons pu passer à la vitesse supérieure: envisager un essai clinique avec des patients cancéreux humains. Rien n’est encore fait, mais les discussions concernant la faisabilité de cet essai sont en cours. »

 

La recherche fondamentale du Pr Sonveaux a permis de découvrir un des mécanismes qui déclenche la dissémination de cellules métastatiques. « Cela se joue dans les mitochondries, » explique le scientifique. « Il s’agit des centrales énergétiques des cellules. Dans les cellules cancéreuses, elles sont surdéveloppées et produisent une sorte de signal qui expédie certaines cellules cancéreuses dans le sang ou dans le système lymphatique. Ces cellules vont alors se fixer et générer des cancers secondaires dans d’autres organes ».

 

« Nous avons identifié le mécanisme moléculaire à l’origine de ces signaux migratoires qui proviennent des mitochondries. Celles-ci surproduisent des radicaux libres appelés “superoxyde” dans certaines cellules cancéreuses. Et c’est cette surproduction de superoxyde qui entraîne la formation de métastases ».

 

Cibler les mitochondries pour juguler le cancer, un retour aux sources ? Ecoutez le Pr Sonveaux à ce sujet.

« Dans la foulée de cette découverte, nous avons déjà testé des molécules thérapeutiques existantes sur nos modèles cellulaires, histoire de vérifier qu’elles présentent bien l’activité recherchée », explique le Pr Sonveaux. « Nous les avons ensuite testées pour traiter des mélanomes métastatiques chez des souris. Et là aussi, nous avons pu apprécier leur effet inhibiteur. Ces résultats encourageants sont aujourd’hui en cours de validation dans des modèles encore plus proches de la situation clinique. »

 

Certaines de ces molécules avaient déjà donné de bons résultats dans le cadre du traitement contre l’hépatite. Les recherches actuelles du scientifique portent sur l’efficacité des molécules en question, bien sûr, mais aussi sur le fait que plusieurs d’entre elles ont déjà passé le cap des études cliniques de phase 1 et de phase 2 chez l’être humain. « En d’autres termes, elle a déjà été testée chez l’homme pour une autre maladie que le cancer », souligne le scientifique. Ce qui laisse entrevoir des développements rapides: un des grands attraits de ses travaux.

 

Sélectionner les bons cancers et les bons patients

 

Le projet est donc en pleine effervescence à l’Institut de Recherche Expérimentale et Clinique de l’UCL.
Avant d’avancer vers l’élaboration d’un nouveau médicament, les chercheurs doivent encore identifier les types de cancers métastatiques sensibles à ces molécules (côlon, prostate, sein, etc.). Ce qui implique de nouvelles études sur l’animal. « Ensuite, nous devrons déterminer quelles populations de patients pourraient effectivement entrer en ligne de compte pour de futurs essais cliniques. »

 

Ces travaux de recherches complémentaires ont un coût: environ 2 millions d’euros. « L’idée est de solliciter un financement de recherche européen ou régional », dit-il. « Suite au travail de la Fondation Louvain, qui a fait connaître nos résultats de recherches auprès de mécènes intéressés, des dons privés ont aussi commencé à affluer. »

 

Du laboratoire au chevet du malade

 

Grâce au soutien du Louvain Technology Office, le projet est dans sa phase de maturation technologique. Elle doit permettre une première validation de faisabilité clinique afin d’élaborer un transfert de technologie de qualité. Il restera alors encore à convaincre le Comité de bioéthique du bien-fondé de ces travaux et…de croiser les doigts.

 

 

Les molécules, préalablement destinées à lutter contre d’autres pathologies pourraient se muer en tueuse de métastases.. « A ce stade, nous ne pouvons pas garantir que les molécules auront l’effet attendu chez l’homme, mais nous voulons nous donner les moyens de l’évaluer », conclut le Pr Sonveaux.

 

 

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Ce week-end, dans son supplément de 80 pages « l’Avant-Garde », le journal l’Echo vous propose d’en apprendre davantage sur la recherche et l’innovation en biotechnologies qui se développent dans nos régions. Les avancées du Pr Sonveaux, notamment, y sont détaillées.

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