Mythes et réalités de l’immersion linguistique dans les écoles de Wallonie

8 mai 2019
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

En Fédération Wallonie-Bruxelles, 3,5% des élèves qui fréquentent les écoles primaires et secondaires suivent les cours en « immersion ». « On parle ici d’immersion linguistique », souligne le Pr Philipe Hiligsmann, de l’Institut Langage et Communication, de l’UCLouvain. « Il s’agit pour ces élèves de suivre certains cours dans une autre langue que le français : c’est-à-dire le néerlandais ou l’anglais ».

Avec une dizaine d’autres chercheurs de son université, mais aussi de l’Université de Namur (UNamur), le Pr Hiligsmann a lancé voici cinq ans un programme de recherche sur les atouts et les implications de cette pratique.

928 élèves du primaire et du secondaire suivis pendant deux ans

L’équipe multidisciplinaire a ainsi travaillé dans 22 écoles primaires et secondaires de Wallonie proposant ou non l’immersion linguistique. Au total, 928 élèves de 5e et 6e du primaire et du secondaire ont été suivis pendant 2 années scolaires. Les parents, les directions d’école et les corps enseignants ont été étroitement associés à cette étude. « Il s’agissait d’un véritable partenariat », souligne Philippe Hiligsmann.

Les premiers résultats de cette étude commencent à tomber. Ses principaux enseignements ? « L’immersion linguistique n’a pas d’impact négatif sur la maîtrise du français des élèves immergés », indique le coordinateur de cette recherche.

Tant au niveau du vocabulaire réceptif, de la lecture à voix haute, de l’orthographe, de la complexité des productions écrites que des résultats des évaluations certificatives externes (qui se font uniquement en français), les élèves en immersion obtiennent en français des résultats identiques, voire meilleurs que les élèves non immergés.

Les élèves Wallons préfèrent l’anglais au néerlandais

Autre constat : en ce qui concerne la maitrise de la langue cible (l’anglais ou le néerlandais), les élèves en immersion ont en général un vocabulaire plus large et plus varié (primaire et secondaire), ainsi que de meilleures compétences écrites (uniquement étudiées chez les élèves en secondaire) que ceux suivant les cours dans un environnement non immersif. Leurs erreurs lexicales et grammaticales sont moins nombreuses. Par contre, les progrès linguistiques des élèves en immersion plafonnent plus vite que ceux des élèves de l’enseignement traditionnel. Pour arriver à ces constatations, les chercheurs ont comparé les résultats de tests au cours desquels les élèves étaient amenés, par exemple, à rédiger un mail de 15 lignes au moins où ils relataient leurs vacances ou leur participation à une fête.

Au niveau socioaffectif, tous les élèves s’avèrent motivés, mais les élèves du secondaire traditionnel qui suivent le néerlandais nettement moins. Les attitudes varient surtout au niveau de la langue cible, l’anglais s’avérant plus attrayant que le néerlandais. L’immersion ne compense que partiellement les idées reçues relatives au néerlandais et leur moindre intérêt, dès la 6e année primaire, pour cette langue par rapport à l’anglais.

Ne pas surestimer ni généraliser l’immersion

« Ces résultats ne doivent cependant pas nous faire surestimer les effets de l’immersion », estime le Pr Hiligsmann. « Les effets positifs observés sont certes des effets retrouvés en immersion… mais ils ne sont pas nécessairement dus à l’immersion. Dans l’enseignement non immersif, il est également possible d’améliorer l’apprentissage des langues en mobilisant différents facteurs : les qualités pédagogiques des enseignants notamment ou en favorisant des activités extrascolaires mettant les enfants en contact avec des locuteurs d’une autre langue. Des résultats similaires devraient pouvoir être atteints dans l’ensemble de notre système éducatif ».

« Quant à la généralisation de l’immersion linguistique en Wallonie, je pense que c’est une fausse bonne idée. Cela nécessiterait de recruter des enseignants de toutes les matières capables de donner leurs cours dans l’une ou l’autre des langues cibles. Ce qui me semble difficile quand on connaît déjà les difficultés qu’il y a à recruter des professeurs de langues. Par contre, développer davantage les collaborations entre les deux communautés du pays pour favoriser l’apprentissage du néerlandais en Wallonie me semble être une piste intéressante à suivre ».

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