Quand la bière abreuve… la chimie verte 

8 juin 2018
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 3 min

74 litres par personne et par an… La consommation de bière en Belgique est impressionnante. Elle est bien plus importante qu’en France (30 litres) mais bien moins qu’en Allemagne, où la consommation bondit à 106 litres par an et par personne.

Ces chiffres donnent une idée de l’importance du secteur brassicole dans l’économie. Ils donnent aussi une indication sur les quantités de matière première nécessaire à la fabrication de la bière et… du volume de déchets que cette industrie peut produire.

La drêche, un déchet brassicole à mieux valoriser

Un problème, ces déchets? « Pas vraiment », estime Alexander Akermann, doctorant à l’Université technique de Kaiserslautern, en Allemagne. «Traditionnellement, la drêche (les déchets d’orge de l’industrie brassicole) est recyclée en alimentation animale. Aujourd’hui, nous explorons d’autres voies de valorisation pour cette ressource renouvelable ».

Lors de la dernière conférence internationale organisée par le cluster Greenwin sur la chimie verte, fin mai à Louvain-la-Neuve, avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International et de l’Awex, Alexander Akermann a détaillé certaines phases des recherches en cours pour mieux valoriser cette drêche. Une « matière première » qui, selon son université, avoisinerait les 400.000 tonnes, chaque année, rien qu’en Europe. La valoriser grâce à la R&D au profit de l’économie: c’était là un des messages portés par la conférence proposée par Greenwin.

Plutôt que de transformer ces déchets de brasserie en aliments pour l’élevage, les chercheurs allemands, belges (ULiège et Centre de recherche agréé Celabor, à Verviers), français (Université de Lorraine) et grand-ducaux (Luxembourg Institute of Health), explorent, via un projet collaboratif Interreg baptisé Bioval, la mise en place d’une filière de valorisation de ces drêches dans un contexte d’économie circulaire.

Récupérer des composés à haute valeur ajoutée

L’idée est d’abord de mieux connaître cette matière première, afin d’en extraire d’éventuels composés à forte valeur ajoutée. Cela passe notamment par des études de spectrométrie de masse. « L’idée est donc de récupérer des molécules biosourcées au départ de cette masse de déchets afin de remplacer des produits de synthèse provenant traditionnellement de la pétrochimie », explique un partenaire du projet.

Les secteurs alimentaire, chimique, pharmaceutique et cosmétique sont ainsi visés.

Au cours de la fabrication de la bière, la levure transforme le sucre contenu dans le malt en alcool et en dioxyde de carbone. D’autres composants, notamment des micro-organismes, sont également mis à contribution.

En fin de cycle, la drêche contient encore beaucoup d’ingrédients précieux. C’est là que les partenaires du projet Bioval entrent en piste.

« Nous utilisons divers micro-organismes tels que des champignons et des bactéries », Alexander Akermann. « Ils permettent de récupérer par exemple de l’acide lactique, qui par la suite pourrait servir à la fabrication de bioplastiques ».

Une nouvelle piste pour contrer le diabète?

Les acides gras insaturés que contient la drêche peuvent également être valorisés. Lors de la fermentation, ils ne sont pas utilisés par les levures.

Les partenaires de Bioval s’intéressent aussi aux effets toxicologiques de certains composés, d’abord afin d’en déterminer leur innocuité sur la santé mais surtout pour tenter d’en extraire les molécules intéressantes afin de lutter contre le diabète.

« Diverses substances présentent dans la drêche empêchent l’absorption du sucre dans le sang », précise un collègue d’Akkerman. « Nos recherches pourraient, un jour, peut-être déboucher sur un nouveau produit influençant le métabolisme du glucose… ».

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