« Halszka », le raptor qui courait se jeter à l’eau

8 décembre 2017
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

Il y a 75 millions d’années, un dinosaure pas comme les autres gambadait dans un territoire situé dans l’actuelle Mongolie. Mais à la différence de ses congénères, Halszkaraptor ne se contentait pas de courir. A l’occasion, il se jetait aussi volontiers à l’eau et se mettait à nager!

Cette découverte a été réalisée par une équipe de scientifiques comprenant notamment des chercheurs de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, situé à Bruxelles. Ils ont baptisé le nouveau dino  Halszkaraptor escuilliei. Mais les chercheurs la surnomment entre eux « Halszka », en l’honneur de la paléontologue polonaise Halszka Osmólska, qui a beaucoup contribué à l’étude des dinosaures mongols du Désert de Gobi.

Un long cou de cygne

« Les dinosaures étaient des animaux terrestres. Du moins, c’est ce que nous avons toujours cru. Mais, pour la première fois, nous pouvons affirmer que certains nageaient», indique Pascal Godefroit, paléontologue à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.

« Halszka » évoluait probablement dans l’eau comme les manchots et autres oiseaux aquatiques grâce aux mouvements de ses pattes avant. Son long cou de cygne et ses dents allongées lui permettaient d’attraper les poissons sous l’eau. Le prédateur, qui mesure 80 cm de la tête à la queue, est étroitement lié à Velociraptor.

Découvrez et manipulez ici virtuellement le fossile scanné à Grenoble


© Royal Belgian Institute of Natural Sciences.

 

Un dinosaure « volé », à défaut de volant

Mais là ne s’arrête pas les particularismes « d’Halszka ». Exceptionnellement bien conservé, ce fossile qui date de 71 à 75 millions d’années, a été mis au jour à Ukhaa Tolgod, dans le sud de la Mongolie. Il s’agit d’un site connu des paléontologues… mais aussi des voleurs de fossiles.« Le fossile a été exporté illégalement de Mongolie et a circulé pendant 10 ans dans des collections privées de par le monde », indique le Dr Godefroit . « En 2015, il est arrivé entre les mains d’un collectionneur français qui m’a contacté. J’ai tout de suite vu qu’il s’agissait d’un spécimen exceptionnel. Le collectionneur l’a offert à l’Institut pour que nous puissions l’étudier puis le rapatrier en Mongolie ».

Le synchotron européen de Grenoble au chevet d’Halszka

Parce que le fossile provenait du circuit illégal et qu’à première vue, il montrait une combinaison inédite de caractéristiques, les paléontologues ont voulu s’assurer de son authenticité. Celle-ci a été confirmée par le synchrotron européen de Grenoble (ESRF), une machine mille fois plus précise qu’un classique scanner médical à rayons X.

Ce scan a permis de visualiser des parties encore prises dans la roche (le fossile n’est dégagé qu’à moitié) ou cachées (comme les dents dans la bouche fermée).

Un dino piscivore aux doigts palmés

L’analyse de ce scan montre que « Halszka » présente des caractéristiques communes avec les prédateurs aquatiques : un nombre plus grand de dents, les dents de devant (longues et tubulaires) typiques des piscivores et un système neuro-vasculaire à l’intérieur du museau semblable à celui des crocodiles modernes.

Représentation d'Halszkaraptor. © Lukas Panzarin
Représentation d’Halszkaraptor. © Lukas Panzarin

Les mains, avec un troisième doigt allongé, étaient probablement palmées et, en termes de structure, ressemblent à celles des plésiosaures (des reptiles marins éteints). Dans l’eau, Halszkaraptor se déplaçait t à l’aide de ses bras, comme les manchots, et il cherchait et attrapait ses proies par surprise grâce à son long cou.

De la structure de ses hanches, les paléontologues ont déduit que, sur terre, il se déplaçait sur deux pattes comme les canards.

«Halszkaraptor est une découverte remarquable », estime Koen Stein (Vrije Universiteit Brussel), l’un des co-auteurs de l’étude. « Il a vécu comme un oiseau aquatique, à la fois sur terre et dans l’eau. Les paléontologues ne s’attendaient pas à ce que les dinosaures explorent ce biotope ».

Un nouveau groupe

« Halszkaraptor est un théropode, un dinosaure bipède carnivore, tout comme T. rex et Velociraptor. Il y a 160 millions d’années, les théropodes étaient les prédateurs dominants sur tous les continents », précise le Muséum des Sciences Naturelles dans son communiqué, largement reproduit ici. « On sait que certains, comme Spinosaurus, mangeaient des poissons, mais le fait qu’ils se déplaçaient peut-être aussi dans l’eau est toujours en discussion ».

« Halszka est classé au sein des Maniraptora, un groupe qui comprend les oiseaux et leurs plus proches parents. Au cours du Crétacé, de nombreuses lignées de Maniraptora ont développé différentes caractéristiques liées aux écosystèmes dans lesquels elles vivaient : le vol est apparu chez certains groupes, d’autres prenaient des proportions gigantesques, d’autres pouvaient courir vite, d’autres encore devenaient herbivores. Halszkaraptor escuilliei présente un certain nombre de caractéristiques qui ne se retrouvent pas dans ces lignées. Les paléontologues ont donc directement placé cette nouvelle espèce dans un nouveau groupe, les Halszkaraptorinae ».

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