Le CT-scan permet de mieux cerner la morphologie du cerveau en analysant les structures de l'endocrâne
Le CT-scan permet de mieux cerner la morphologie du cerveau en analysant les structures de l'endocrâne

Les crânes de grands singes font “parler” les hommes préhistoriques

9 juillet 2014
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

A quoi ressemblait le cerveau des hommes préhistoriques ? Présentait-il des structures similaires au nôtre ? Disposait-il de toute la machinerie nécessaire pour permettre la communication? Le langage ? Répondre à ces questions révélait jusqu’à présent de la mission impossible. « Les fossiles dont disposent les chercheurs ne concernent jamais les tissus mous, comme le cerveau », rappelle le Dr Emmanuel Gilissen, du Musée Royal de l’Afrique Centrale de Tervuren.

 

Avec ses collègues paléoanthropologues français et américains, il vient cependant de faire « parler » nos lointains ancêtres. « Nous avons pu montrer que les hommes préhistoriques disposaient d’un cerveau asymétrique, similaire au nôtre », précise le biologiste, qui est également conservateur des collections de mammifères du MRAC, un des 10 établissements scientifiques fédéraux belges. « Cela nous laisse supposer qu’ils disposaient des structures nécessaires au langage ».

 

Etude comparative d’endocrânes

 

Comment les chercheurs sont-ils arrivés à cette conclusion ? En menant une analyse comparative d’endocrânes provenant d’humains actuels, de grands singes africains et d’hommes fossiles ».

 

L’endocrâne correspond à l’ensemble des empreintes laissées par le cerveau (l’encéphale et ses enveloppes méningées) sur la surface interne du crâne. C’est le seul matériel disponible pour étudier la forme du cerveau chez les homininés fossiles (voir l’illustration en tête d’article).

 

Les scientifiques ont passé au scanner (ct-scan de l’hôpital universitaire de Louvain) plusieurs crânes de grands singes africains actuels conservés au Musée Royal de l’Afrique Centrale de Tervuren. Le MRAC dispose d’une collection de ce type unique au monde. Plusieurs centaines de crânes et de post-crânes (squelettes) de bonobos, de chimpanzés et de gorilles y sont conservés.

 

Asymétrie similaire chez les bonobos et les humains

 

Les images en trois dimensions de ces endocrânes ont permis aux chercheurs de mieux comprendre la structure du cerveau qui occupait jadis ces cavités. Ces scans en 3D ont également été comparés avec ceux d’endocrânes humains actuels et d’hommes fossiles.

 

Résultat ? L’étude, en passe d’être publiée dans le « Journal of Human Evolution », démontre un même type d’asymétrie d’une zone impliquée dans le langage, l’aire de Broca, chez les bonobos, les hommes actuels et les homininés fossiles. Pour rappel, les homininés regroupent tous les Hommes préhistoriques et actuels et ont comme caractéristique commune la bipédie. Les hominidés réunissent pour leur part les homininés et les grands singes.

 

Les asymétries du cerveau humain suscitent l’intérêt des scientifiques depuis 150 ans en raison de leurs possibles relations avec la latéralisation manuelle, le langage et les capacités cognitives. L’aire de Broca a d’ailleurs été la première à être reconnue comme une aire fonctionnelle liée au langage par Paul Broca dans les années 1860.

 

« Les résultats de cette recherche montrent donc l’existence d’une continuité dans la structure du cerveau entre les grands singes et les homininés, avec un schéma similaire à celui des Hommes actuels », indique l’équipe. Elle montre aussi que les chimpanzés sont différents à ce propos des bonobos et des homininés.

 

Notre dernier ancêtre commun avait déjà un cerveau asymétrique

 

« La lignée humaine s’est séparée de celle des chimpanzés et des bonobos voici 7 à 8 millions d’années environ. De leurs côtés, les chimpanzés et les bonobos ont vu leurs lignées se séparer il y a 1 à 2 millions d’années, » précise le Dr Gilissen. En clair, nous sommes plus proches, à ce propos, des bonobos que des chimpanzés.

 

« Il n’est évidemment pas possible de faire des hypothèses sur la présence du langage chez les hommes fossiles uniquement en se basant sur la forme du cerveau », précise encore l’équipe internationale. « Toutefois, notre étude révèle que la latéralisation du cerveau au niveau des lobes frontaux, qui semble être un caractère essentiel pour l’apparition du langage, est probablement présente chez tous les homininés. Ceci indique également que le dernier ancêtre commun aux grands singes africains et aux Hommes actuels avait aussi un cerveau asymétrique ».

 

 

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