Entrée de l'Institut Baker pour l'étude des politiques publiques, Rice University.
Entrée de l'Institut Baker pour l'étude des politiques publiques, Rice University.

Politique scientifique aux États-Unis: le “trou noir”

12 décembre 2016
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Quelle sera la politique du nouveau président américain en matière de science et de recherche ? La question préoccupe les chercheurs d’outre-Atlantique. Une question à 140 milliards de dollars (par an!).

 

«La politique scientifique du président élu ? Pour l’instant, nous n’en savons rien, c’est le trou noir», indique le Dr Neal Lane, de l’Institut Baker pour l’étude des politiques publiques, à l’Université Rice (Houston/États-Unis).

 
La semaine dernière, cet astrophysicien qui a été le conseiller du président américain Bill Clinton, en matière de sciences et de recherche, a expliqué ses craintes à une délégation conduite par le Ministre belge Jean-Claude Marcourt, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

Neal Lane a été le Conseiller scientifique du Président américain Bill Clinton.
Neal Lane a été le Conseiller scientifique du Président américain Bill Clinton.

« Nous savons que nous nous trouvons dans une période de transition et que le nouveau président a sans doute d’autres priorités pour l’instant que de réfléchir à ses objectifs en matière de recherche », précise Neal Lane. « Mais nous attirons l’attention du président sur la nécessité de bien s’entourer dans ce domaine. Notamment via l’OSTC (Office of Science and Technology », le service administratif de la Maison Blanche chargé de ces matières) et en choisissant rapidement un conseiller scientifique de qualité ».

 

Une politique nationale aux implications bien plus larges

 

A l’initiative de Wallonie-Bruxelles International (le ministère en charge des relations internationales de la FWB), et plus particulièrement de son service «Recherche et Innovation», le Pr Eric Haubruge, Premier vice-recteur de l’Université de Liège (ULg) était également venu prendre connaissance de la situation de la « science », actuellement aux États-Unis, de même que les Professeurs Pierre Wolper (ULg) et Bruno Dumas (UNamur). Une visite organisée à l’Université Rice, en marge de la mission économique belge au Texas.

 

Si la Politique scientifique américaine ne donne pas le « la » à l’échelle mondiale, ses priorités peuvent cependant influencer de nombreux partenariats internationaux, voire mettre à mal des collaborations menées avec des universités situées hors des États-Unis.

 

Alan Leschner, l’ancien directeur de l’Association américaine pour l’avancement de la Science (AAAS) ne disait pas le contraire à la fin de son mandat, en 2015. « Ce qui est bon pour la science quelque part dans le monde est bon pour la science partout dans le monde », martelait-il volontiers. Si la Politique scientifique américaine marque un certain repli, les effets se feront sans aucun doute ressentir bien au-delà de la seule Amérique du Nord.

 

Dix recommandations, aucune réaction

 
Pourquoi cette semi-angoisse de Neal Lane face à ce « trou noir » présidentiel ? « Nous avons rédigé en septembre dernier au sein de l’Institut Baker pour l’étude des politiques publiques, une série de recommandations destinées au futur président », explique le Dr Lane. « Depuis les élections, nous n’avons pas encore eu le moindre signal de la part du président élu à ce propos ni de son entourage ».
« Or, à nos yeux, la mise en place d’une nouvelle équipe à l’OSTC est une priorité. De même que la nomination d’un conseiller présidentiel pour la Science ».

 

La capacité d’innovation est également en jeu

 

« L’innovation repose sur une série de paramètres », continue-t-il. Un de ses moteurs repose bien entendu sur le financement public de la recherche. Par ailleurs, les principales découvertes scientifiques dans notre pays sont le fruit de travaux menés dans les universités et les laboratoires nationaux grâce aux financements fédéraux », dit encore Le Dr Lane.

 
« Afin d’utiliser au mieux cet argent, il faut une coordination efficace », indique de son côté le Dr Kristin Matthews, qui a participé à l’élaboration de ces recommandations. « Il n’y a rien de pire que les doublons. Une politique publique efficace doit se nourrir des apports du terrain, des personnes qui sont au cœur de la recherche. Une stratégie strictement « top down » est dangereuse, même si des signaux clairs doivent venir d’en haut à un moment précis ».

 

Neal Lane craint lui aussi qu’un trop grand dirigisme en matière de recherche venant de la Maison Blanche soit néfaste. « Le grand piège, c’est de dire ce qu’on doit trouver. C’est absurde », dit-il. « Avec un président créationniste et particulièrement imprévisible, nous sommes sur le qui-vive ».

 

La recherche publique aux États-Unis

 

Les spécialistes des politiques publiques américains de l’Institut Baker apportent quelques précisions en ce qui concerne les budgets fédéraux consacrés à la recherche scientifique et technique.

 

Le budget global annuel est de l’ordre de 140 milliards de dollars, dont la moitié concerne la défense. Les montants alloués à la recherche civile se ventilent comme suit:

 

  • 32 milliards de dollars pour la recherche médicale (NIH)

  • 6 milliards sont alloués à la NSF (National Science Fondation), l’équivalent américain, à une autre échelle, du Fonds de la Recherche scientifique (F.R.S.-FNRS) en Fédération Wallonie-Bruxelles

  • 5 milliards de dollars sont alloués à la recherche sur l’énergie (DoE)

  • 5 milliards de dollars vont à la recherche spatiale (NASA)

  • 5 milliards complémentaires vont encore au département de la Défense, pour financer la recherche fondamentale.

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