Comment et où voyagent les mangroves

14 janvier 2019
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Les arbres ne se déplacent pas. Par contre, leurs fruits peuvent prendre le large et donner naissance, à distance, à de nouvelles formations végétales. C’est le cas des mangroves, ces forêts littorales dont les racines sont soumises à des alternances d’émersion et d’immersion.

Nico Koedam, du Laboratoire de biologie des végétaux, de l’écologie et de la biodiversité de l’Université (flamande) Libre de Bruxelles (Vrije Universiteit Brussel) et ses collègues du California Institute of Technology, viennent de dresser la carte des migrations de ces forêts si particulières.

Une question de survie face aux changements climatiques

« La dispersion des fruits des diverses essences qui composent les mangroves est un mécanisme clé pour ces végétaux », indique-t-il. « Les mangroves sont très sensibles au changement climatique. La dissémination de leurs fruits est donc une question de survie. Mais l’échelle spatiale de leur dispersion restait largement inconnue ».

En utilisant un modèle numérique de courants océaniques à haute résolution, qui tient compte des marées, des courants, des gyres « des tourbillons océaniques » mais aussi de la durée de flottaison des fruits, ils proposent désormais une carte mondiale précisant l’extension de la dispersion des « propagules » (les fruits et les graines capables de flotter).

Des propagules qui flottent de quelques jours à plusieurs mois

« Les propagules présentent des périodes de flottaison allant de quelques jours à plusieurs mois », indiquent les chercheurs. Ces fruits flottent en moyenne pendant 1 à 5 semaines avant de développer des racines qui leur servent à s’ancrer dans un nouveau site.

Cette propriété détermine les échelles de temps durant lesquelles les propagules viables peuvent être transportées vers un nouvel habitat approprié. En combinant ces informations avec les données relatives aux courants océaniques, il est possible de cartographier les zones de dispersion des mangroves. Cette carte montre notamment quelles sont les zones en contact les unes avec les autres et  celles qui sont plutôt isolées.

 

Simulation de la densité de propagation de la mangrove à travers l’océan mondial. Les trajectoires ont été générées à l’aide de champs de vitesse à partir d’une simulation à haute résolution du modèle océanique ECCO2. Les particules ont été libérées toutes les heures pendant une année entière (du 1er avril 2011 au 1er avril 2012) pour trois valeurs de durée de flottaison différentes (1 mois, 6 mois tel qu’illustré ici) et 12 mois.
© Tom Van der Stocken, Dustin Carroll, Dimitris Menemenlis, Marc Simard et Nico Koedam/PNAS.

 

« Les chercheurs identifient des situations préoccupantes. Certaines  îles et archipels tels que les Galapagos, Hawaï ou encore la Polynésie française, la Réunion, Maurice, les Maldives et les îles Chagos dans l’océan Indien, deviennent de plus en plus isolés. En effet, elles libèrent des propagules mais n’en reçoivent que peu ou pas», notent-ils.

« Généralement, les propagules se déplacent sur un rayon de moins de cinquante kilomètres avant de s’établir dans un nouvel habitat », précise l’équipe. « Mais certains fruits sont capables de rester à flots pendant des mois, ce qui étend considérablement leur aire de dispersion ».

Les Galapagos comme tremplin

« Nous constatons des taux élevés de transport le long de la côte et de dispersion transocéanique à travers les océans Atlantique, Pacifique et Indien », indiquent-ils.

Par contre, ils ne constatent aucune connexion entre les populations de mangroves situées des deux côtés des continents américain et africain. Et si les archipels comme les Galapagos et ceux que l’on trouve en Polynésie sont plutôt isolés, ils servent néanmoins de « tremplins » à la dispersion dans l’océan Pacifique.

« Notre étude fournit une base de référence pour améliorer notre compréhension de la distribution des espèces de mangroves et, en combinaison avec les données climatiques, l’évolution potentielle de leur aire de répartition », concluent-ils.

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