« LaRa », premier instrument scientifique belge à se poser sur Mars

17 mai 2018
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

C’est l’histoire de l’œuf qu’on fait tourner sur une table. S’il est cuit dur, ou s’il est frais, il ne tournera pas de la même manière.

« Le liquide dans l’œuf frais modifie son mouvement de rotation », explique le Dr Véronique Dehant, mathématicienne et astrophysicienne, à l’Observatoire Royal de Belgique. « Pour la planète Mars, c’est exactement le même phénomène qui est en jeu. Et cela nous intéresse énormément ».

 

Le cœur liquide de Mars affecte sa rotation et sa nutation.
Le cœur liquide de Mars affecte sa rotation et sa nutation.

LaRa, le « Lander Radio Science » belge de la mission ExoMars 2020

Pour observer Mars tourner, la scientifique, qui est à la tête de la Direction opérationnelle « Systèmes de Référence et Planétologie » et chef de section à l’Observatoire royal de Belgique, met les petits plats dans les grands. Elle est à l’origine d’un instrument scientifique qui sera déposé sur Mars lors de la mission conjointe entre les Russes et les Européens « ExoMars 2020 ». Le nom de cet outil scientifique ? LaRa, acronyme de « Lander Radio science ».

Ce petit boîtier high-tech de deux kilos sera fixé sur l’atterrisseur de la mission ExoMars 2020. Cette mission ambitieuse prévoit la dépose sur le sol martien d’un module scientifique et d’un rover.

L'instrument LaRa et son système d'antennes développé à l'UCL. © Antwerp Space
L’instrument LaRa et son système d’antennes développé à l’UCL. © Antwerp Space

Ces derniers jours, LaRa a pris une forme plus définitive, même s’il reste quelques détails techniques à régler. Le contrat industriel pour la fabrication et la livraison de cet instrument « belge » a été signé entre l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et l’entreprise anversoise Antwerp Space. Le tout sous la supervision du Pr Dehant, la responsable scientifique de cette expérience géophysique.

Reconstruire l’histoire de la planète

« LaRa est un transpondeur, explique le Dr Dehant. « Une fois déposé à la surface martienne, nous allons lui envoyer, depuis la Terre, un signal radio.

Une vingtaine de minutes plus tard, ce signal sera réceptionné par notre instrument et immédiatement renvoyé vers la Terre. En comparant le signal initial et le signal de retour, nous obtenons des renseignements sur la vitesse relative de la planète Mars par rapport à la Terre, mais également des informations très précises sur sa vitesse de rotation propre et sur son orientation. Cela nous permet ensuite de reconstituer de manière très fine les variations infimes qui affectent sa rotation ».

Dans quel but? Nous en revenons ici à l’œuf dur et à l’œuf frais qu’on fait tourner sur une table. « En analysant sur le long terme ces modifications de la rotation martienne, nous en apprenons davantage sur l’intérieur de la planète, sur son cœur liquide », précise la scientifique. « Donc sur sa composition. Ce qui nous permet de reconstruire son histoire».

Deux mesures par semaine pour traquer les hoquets de la Planète rouge

Ce qui explique pourquoi une expérience de géophysique prend place à bord d’une mission (ExoMars) plutôt centrée sur la composition chimique et éventuellement biologique de la planète Mars.

Les missions ExoMars sont en effet plus spécifiquement destinées à mieux comprendre les conditions d’habitabilité de cette planète au fil de son histoire », précise l’astrophysicienne. « En reconstituant l’histoire de la planète, en analysant sa composition intérieure, nous allons sans doute pouvoir mieux comprendre comment la vie a peut-être pu apparaître à la surface de Mars avant de disparaître ».

Concrètement l’instrument Lara diffusera deux fois par semaine ses observations vers la Terre et ce pendant au moins une année martienne (l’équivalent de deux années terrestres). Les signaux seront émis et réceptionnés via les grandes antennes de l’Agence spatiale américaine (NASA), de son réseau de l’espace profond (Deep Space Network).

“Nous pourrions réaliser une observation par jour”, souligne le professeur Dehant, “mais cette fréquence est trop élevée pour l’étude que nous voulons réaliser. Ce que nous voulons c’est pouvoir observer de petites variations de la rotation de la planète Mars sur le long terme. C’est donc une longue série de mesures qui nous intéresse”.

Des antennes belges innovantes conçues à Louvain-la-Neuve

Rappelons-le, cet instrument LaRa est le premier instrument destiné au sol martien à être placé sous maîtrise scientifique et technologique belge. Une première pour le Dr Dehant mais aussi pour le Pr Christophe Craeye. Ce dernier dirige l’équipe « Antennes » au sein de l’Institut ICTEAM ( Institute of Information and Communication Technologies, Electronics and Applied Mathematics) de l’école polytechnique de Louvain (UCL).

Et c’est précisément le développement des trois antennes qui équipent LaRa qui lui a été confié par la société Antwerp Space. « Des antennes à la technologie innovante et qui sont capables de fonctionner dans des gammes de températures allant de – 125 degrés à + 80 degrés ont été développées grâce au travail de Sumit Karki, Assistant de Recherche dans l’équipe “antennes”», précise le Pr Craeye. Les conditions de température sur Mars ne sont pas aussi « tempérées » que la Terre!

En orbite, Nomad, l’autre instrument martien belge, est en plein travail

Si LaRa sera bien le premier instrument scientifique « belge » a être déposé sur Mars, on se rappellera toutefois que sur la première mission ExoMars, lancée en 2016, un autre instrument belge avait lui déjà été expédié vers la Planète rouge.

Il s’agit de Nomad, un instrument chargé de mesurer les gaz présents à l’état de traces dans l’atmosphère martienne, et ce depuis l’orbite martienne. Cet instrument Nomad est placé sous la responsabilité du Dr Ann-Carine Vandaele, de l’Institut d’Aéronomie spatiale de Belgique (IASB) et fournit d’excellents résultats.

 

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