La restauration d’animaux naturalisés, entre art et science

17 mai 2019
par Sarah Hassan
Durée de lecture : 5 min

Certains font leur métier avec passion et d’autres font de leur(s) passion(s) un métier. C’est cette deuxième option qu’a choisie Virginie Grignet, restauratrice d’animaux naturalisés à l’Africa Museum. Une profession rare et méconnue, à la croisée de l’art et de la science.

Dans un écrin de verdure à Tervuren, l’imposante bâtisse qui abrite l’AfricaMuseum a rouvert ses portes au public en décembre dernier. Le musée dédié à l’Afrique Centrale regorge de trésors anciens. Parmi eux : sa collection d’animaux naturalisés (empaillés). Lion à crinière noire, éléphant, girafe, okapis, serpents et autres espèces plus rares, sont exposés dans les salles centenaires. En tout, 10 millions de spécimens biologiques y sont conservés, souvent depuis des décennies.

L’incontournable éléphant d’Afrique restauré en 2017

Mais le temps a fait sont oeuvre sur ces merveilles anciennes. Les peaux fissurent, craquent, les poils tombent et les plumes s’abîment. Virginie Grignet s’est donnée comme mission de les restaurer.

Refléter la réalité biologique

Même si la restauratrice connaît les techniques de taxidermie, elle ne la pratique pas à proprement parler. Traitant chaque spécimen comme une véritable œuvre d’art, elle observe, entretient, et restaure si nécessaire. Virginie recolle les griffes, les écailles, ou les poils. Le travail est minutieux et exige de la patience mais aussi des recherches.

« Pour beaucoup d’oiseaux, j’ai dû changer les yeux parce qu’à l’époque les taxidermistes n’ont pas vérifié leur couleur. On se rend pas toujours compte que certains animaux ont les yeux aussi colorés », explique-t-elle.

Un travail qu’elle entreprend pour chaque nouvelle espèce animale qui arrive au musée. Elle se charge aussi de vérifier que les positions dans lesquelles sont figées les créatures soient conformes à la réalité biologique. « C’est la grande différence avec la retouche en art. Il faut que l’animal soit le plus réaliste possible».

Les règles d’or

A l’origine, Virginie a étudié la restauration d’œuvres d’art en peinture. « Je reprends ces techniques que j’ai utilisées en peinture pour les appliquer aux animaux », confie la jeune femme.

Couture réalisée par un taxidermiste.

« Il y a 3 règles d’or : la réversibilité, (on doit pouvoir enlever les produits et matériaux utilisés sans que l’objet ne soit affecté), la visibilité, (un professionnel doit pouvoir voir le travail que j’ai fait sur l’animal), et la compatibilité des matériaux entre eux. Par exemple, les taxidermistes utilisent n’importe quelle colle tandis que moi je dois faire attention. Il faut que, si ça continue à se détériorer, ce soit la déchirure que j’ai réparée qui craque et pas un autre endroit». Elle pointe la fragilité des animaux empaillés, sensibles aux changements d’humidité et de température.

Les animaux, des œuvres d’art méconnues

A quelques dizaines de mètres du musée, dans un petit bureau aux allures d’atelier de peintre, Virginie dispose de tout le matériel nécessaire à la restauration : pinces, scalpels, peintures acryliques, etc.

Sur les bureaux, différents volatiles colorés se côtoient. La restauratrice s’applique à prélever des plumes cachées sous l’aile d’un oiseau pour venir les lui réappliquer plus haut entre les ailes. L’étape suivante ? Mélanger les couleurs pour peindre les plumes déplacées dans la nuance exacte de celles qui les entourent.

De gauche à droite : les étapes successives d’une restauration sur un oiseau.

Pour les petits animaux, elle peut travailler au bureau. Mais lorsqu’il s’agit d’en restaurer de plus gros et qu’ils sont exposés, difficile de les déplacer. Elle le fait donc dans le musée. « Généralement, je travaille en dehors des heures d’ouverture, mais parfois, quand il y a des travaux plus spectaculaires à faire, on me demande de le faire quand le musée est ouvert comme ça les gens peuvent y assister », dit-elle en souriant.

Difficultés de haut niveau

“Aujourd’hui, les spécimens appartiennent au patrimoine scientifique, tous ceux qui sont exposés ne sont plus pour l’étude et sont plutôt des objets d’art et objets historiques. Il y en a beaucoup qu’on ne peut plus chasser et qui ne seront plus jamais naturalisés», affirme-t-elle. Dès lors, elle doit opérer avec les plus grands soin et respect pour ce patrimoine.

Une autre difficulté réside dans le fait que les animaux exposés sont parfois très difficiles d’accès. Léopard installé au-dessus d’une vitrine, vautour perché à plusieurs mètres de hauteur sur un podium, ou encore tête de girafe qui culmine à 4m du sol. Virginie doit parfois s’improviser acrobate, armée d’une échelle télescopique.

Restauratrices d’animaux naturalisés, une espèce rare

«J’adorais les musées de sciences naturelles. Donc quand j’ai dû choisir dans quel type de restauration j’allais me spécialiser, c’est cette branche que j’ai choisie », raconte-t-elle, enthousiaste. Une profession qu’elle est d’ailleurs l’une des seules à exercer en Belgique.

Le métier est souvent assimilé à celui de taxidermiste. Elle développe : « mon métier est généralement fait par des taxidermistes parce qu’il n’y a presque pas de restauratrice/teur d’animaux naturalisés en Belgique. Il y en a plus en France, où ça commence à se développer, et j’ai quelques stagiaires de temps en temps. Mais pour mon stage, j’ai dû aller en France ».

En parallèle à l’Africa Museum, Virginie Grignet travaille aussi au Musée de Sciences Naturelles de Bruxelles. La restauratrice s’est taillé un métier sur mesure, à la croisée de ses passions.

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