Auderghem, janvier 2017. Les traînées de condensation des avions forment des nuages de type homogenitus. © CDB (Cliquer pour agrandir)
Nuages de condensation générés par les avions survolant Bruxelles.

Climat: les nuages se font torrides et on l’avait oublié

17 juillet 2019
par Daily Science
Durée de lecture : 5 min

L’Union européenne des géosciences (EGU) et l’Université de Liège arrivent au même constat général. On ne tient pas assez compte des nuages dans les modèles climatiques. Et ces incertitudes nuisent à la qualité des projections. Notamment en ce qui concerne les traînées de condensation laissées par les avions : ces longs rubans blancs qui se déroulent derrière leurs réacteurs. Mais aussi en ce qui concerne la fonte de la calotte polaire du Groenland.

« L’impact climatique des nuages produits par les traînées de condensation des avions pourrait tripler d’ici 2050 », estime l’AGU. « Dans de bonnes conditions, les traînées de condensation des avions peuvent s’attarder dans le ciel sous forme de cirrus: des nuages de glace qui peuvent emprisonner la chaleur dans l’atmosphère. Mais leur impact sur le climat a été largement négligé dans les programmes mondiaux de compensation des émissions de l’aviation. Alors que les cirrus de condensation ont contribué davantage au réchauffement de l’atmosphère que tout le CO2 émis par les avions depuis le début de l’aviation ».

Les « contrails » créent un déséquilibre 

Ces cirrus de « Contrail » (« condensation trail » en anglais) modifient la nébulosité globale, ce qui crée un déséquilibre dans le bilan radiatif de la Terre (appelé « forçage radiatif » ), ce qui entraîne le réchauffement de la planète. Plus ce forçage radiatif est important, plus l’impact climatique est important.

« En 2005, le trafic aérien représentait environ 5 % de tous les forçages radiatifs anthropiques, les cirrus de condensation étant le principal responsable de l’impact climatique de l’aviation », estime l’AGU.

« Il est important de reconnaître l’impact significatif sur le climat des émissions autres que les émissions de CO2, tel celui des cirrus, et de prendre ces effets en considération lors de la mise en place de systèmes d’échange d’émissions ou de systèmes tels que l’accord Corsia », estime la Dre Lisa Bock, chercheuse au Centre aérospatial allemand (DLR), qui vient de s’intéresser à cette question. « Corsia, le programme de l’ONU pour compenser les émissions de carbone du trafic aérien à partir de 2020, ignore les impacts climatiques de l’aviation qui ne sont pas liés au CO2″.

Impact quadruplé d’ici 2050

Son étude sur la chimie et la physique de l’atmosphère montre que l’on ne peut négliger ces impacts climatiques non liés au CO2. « L’augmentation du forçage radiatif des cirrus est due à la croissance du trafic aérien, qui devrait être 4 fois plus importante en 2050 par rapport aux niveaux de 2006, et à un léger déplacement des routes de vol vers des altitudes plus élevées, ce qui favorise la formation de cirrus de condensation sous les tropiques. L’impact sur le climat dû aux cirrus sera plus fort sur l’Amérique du Nord et l’Europe, les zones de trafic aérien les plus fréquentées du monde, mais il augmentera également de manière significative en Asie ».

« L’impact principal des cirrus de condensation est le réchauffement de la haute atmosphère au niveau du trafic aérien et le changement de la nébulosité naturelle. L’ampleur de leur impact sur la température de surface et peut-être sur les précipitations en raison des modifications des nuages n’est pas claire », précise la chercheuse.

Fonte accélérée pour la calotte groenlandaise 

À l’Université de Liège comme à celle de Bristol, les climatologues acquiescent. Leurs dernières recherches suggèrent également que la représentation des nuages dans les modèles climatiques est aussi importante voire plus importante que les incertitudes liées à la quantité d’émissions de gaz à effet de serre. Ils ont plus spécifiquement travaillé sur les projections de la fonte de la calotte glaciaire du Groenland.

On estime actuellement que la totalité de la calotte glaciaire du Groenland pourrait disparaître d’ici un millier d’années, élevant ainsi le niveau de la mer de plus de sept mètres si le réchauffement global dépasse 4°C pendant 1000 ans. Cependant, la plupart des projections futures concernant l’avenir de la calotte glaciaire du Groenland se concentrent sur l’impact de différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre sur son évolution et ne tient pas assez compte de l’impact des nuages.

Effet additionnel de la microphysique des nuages

Les chercheurs liégeois et britanniques montrent, à l’aide du modèle MAR développé à l’ULiège, que la microphysique des nuages joue un rôle important en tant que gaz à effet de serre additionnel naturel et que, dans le cas de scénarios à fortes émissions, elle domine les incertitudes liées à la projection de la fonte de la calotte glaciaire.

La différence de potentiel de fonte provoquée par les changements de nébulosité provient principalement de la capacité des nuages à contrôler le rayonnement infrarouge à la surface de la calotte glaciaire. Ils agissent comme une couverture, amplifiant potentiellement la fonte d’un facteur deux si les nuages deviennent deux fois plus épais «optiquement».

« Les incertitudes liées à la fonte des glaces du Groenland, dues aux nuages, pourraient représenter jusqu’à 40 000 gigatonnes de fonte supplémentaire en 2100. Cela équivaut à 1500 ans d’approvisionnement en eau domestique des États-Unis ou à une élévation du niveau de la mer de 11 cm », indique l’Université de Liège.

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