Fusion de deux étoiles à neutrons et ondes gravitationnelles. (Interprétation artistique) © ESO
Fusion de deux étoiles à neutrons et ondes gravitationnelles. (Interprétation artistique) © ESO

Première en astronomie: une source d’ondes gravitationnelles observée en direct et en visuel

17 octobre 2017
par Daily Science
Durée de lecture : 6 min

C’était du jamais « vu » en astronomie. La source de l’émission d’ondes gravitationnelles détectées cet été par les instruments Ligo, aux Etats-Unis, et Virgo, en Italie, a été observée simultanément par des télescopes optiques sur Terre et dans l’espace. Il s’agit d’une « kilonova », soit un objet résultant de la fusion de deux étoiles à neutrons. Un tandem qui a fusionné dans une galaxie distante de 130 millions d’années-lumière de la Terre. Ce qui, à l’échelle de l’Univers, n’est pas très éloigné.

 

Les astronomes viennent donc, pour la toute première fois, d’observer simultanément les ondes gravitationnelles et lumineuses (rayonnement électromagnétique) produites par un seul et même événement, grâce à un effort collectif mondial et à la rapidité de réaction des plus grands observatoires astronomiques de la planète, l’ESO en tête (Observatoire austral européen, situé au Chili).

 

Le 17 août 2017, l’instrument Ligo (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) de la NSF aux Etats-Unis, en collaboration avec l’interféromètre Virgo basé en Italie, a détecté le passage d’ondes gravitationnelles au travers de la Terre. Cet événement, le cinquième détecté à ce jour, fut baptisé GW170817. Quelque deux secondes plus tard, deux observatoires spatiaux, le Fermi Gamma-ray Space Telescope de la NASA et l’INTErnational Gamma Ray Astrophysics Laboratory (INTEGRAL) de l’ESA (Agence spatiale européenne), ont détecté un sursaut gamma court en provenance de cette même région du ciel.

 

Sur cette image acquise par l’instrument VIMOS qui équipe le Very Large Telescope de l’ESO à l’Observatoire Paranal au Chili figure la galaxie NGC 4993, située à quelque 130 millions d’années lumière de la Terre. Cette galaxie est relativement classique, mais elle renferme un objet jamais observé jusque là : les restes de l’explosion d’une paire d’étoiles à neutrons en cours de fusion, un événement exceptionnel baptisé kilonova (indiqué par une flèche). La fusion a également donné lieu à l’émission d’ondes gravitationnelles et de rayons gamma, détectés par LIGO-Virgo et Fermi/INTEGRAL respectivement. © ESO
Sur cette image acquise par l’instrument VIMOS qui équipe le Very Large Telescope de l’ESO à l’Observatoire Paranal au Chili figure la galaxie NGC 4993, située à quelque 130 millions d’années lumière de la Terre. Cette galaxie est relativement classique, mais elle renferme un objet jamais observé jusque là : les restes de l’explosion d’une paire d’étoiles à neutrons en cours de fusion, un événement exceptionnel baptisé kilonova (indiqué par une flèche). La fusion a également donné lieu à l’émission d’ondes gravitationnelles et de rayons gamma, détectés par LIGO-Virgo et Fermi/INTEGRAL respectivement. © ESO

 

Le réseau d’observatoires LIGO-Virgo a localisé la source dans une vaste région du ciel austral, de dimensions équivalentes à celles de plusieurs centaines de pleines Lunes, et peuplée de millions d’étoiles.

 

Un nouvel œil éphémère pour l’Hydre

 

A la nuit tombée, de nombreux télescopes implantés au Chili ont sondé cette zone du ciel, à la recherche de nouvelles sources lumineuses. Parmi ces télescopes figuraient VISTA (Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy) et le VST (VLT Survey Telescope) installés à l’Observatoire de Paranal de l’ESO, le télescope italien REM (Rapid Eye Mount) qui opère depuis l’Observatoire de La Silla de l’ESO, le télescope LCO de 0,4 mètre à l’Observatoire Las Cumbres, et l’américain DECcam à l’Observatoire Inter-américain de Cerro Tololo.

 

Le télescope Swote d’1 mètre fut le premier à détecter une nouvelle source de lumière à proximité directe de NGC 4993, une galaxie lenticulaire située dans la constellation de l’Hydre. Les observations menées au moyen de VISTA ont quasi simultanément repéré cette même source à diverses longueurs d’onde infrarouges. A mesure que les régions occidentales du globe plongeaient dans l’obscurité, les télescopes hawaïens Pan-STARRS et Subaru l’ont à leur tour repérée et regardée évoluer rapidement.

 

Sur ce graphe figurent les variations de luminosité de la kilonova située au sein de la galaxie NGC 4993 mesurées au travers de différents filtres colorés. En lumière bleue, l’objet a perdu rapidement en luminosité. Aux longueurs d’onde plus longues toutefois, dans la partie infrarouge proche du spectre, il a moins brillé et a perdu rapidement en luminosité. En conséquence, l’objet a changé de couleur, passant de l’extrême bleu à l’extrême rouge en l’espace de quatre semaines seulement. © Tanvir et al.
Sur ce graphe figurent les variations de luminosité de la kilonova située au sein de la galaxie NGC 4993 mesurées au travers de différents filtres colorés. En lumière bleue, l’objet a perdu rapidement en luminosité. Aux longueurs d’onde plus longues toutefois, dans la partie infrarouge proche du spectre, il a moins brillé et a perdu rapidement en luminosité. En conséquence, l’objet a changé de couleur, passant de l’extrême bleu à l’extrême rouge en l’espace de quatre semaines seulement. © Tanvir et al.

 

70 télescopes pour suivre l’événement

 

L’ESO a lancé l’une des plus importantes campagnes d’observations qui soit et de nombreux télescopes de l’ESO et de partenaires de l’ESO ont suivi l’objet, des semaines durant après sa détection. Le VLT (Very Large Telescope), le NTT (New Technology Telescope), le VST de l’ESO, le télescope MPG/ESO de 2,2 mètres et ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) ont tous observé l’événement ainsi que ses conséquences sur une vaste gamme de longueurs d’onde. Quelque 70 observatoires disséminés dans le monde entier ont également observé cet événement, tel le Télescope Spatial Hubble du consortium NASA/ESA.

 

Les estimations de distance déduites des données concernant les ondes gravitationnelles ainsi que d’autres observations confirment la même distance à la Terre pour GW170817 (le petit nom de la source d’émission d’ondes gravitationnelles) et NGC 4993 – soit environ 130 millions d’années-lumière. Cette source constitue donc la source d’ondes gravitationnelles ainsi que l’une des sources de sursaut gamma les plus proches détectées à ce jour.

 

Usine cosmique à or et à platine

 

Suite à la fusion des deux étoiles à neutrons, un jet d’éléments chimiques lourds radioactifs en expansion rapide a quitté la kilonova, à une vitesse proche du cinquième de la vitesse de la lumière. Durant les jours qui suivirent, la couleur de la kilonova est passée du bleu profond au rouge intense. Ce changement s’est effectué en un temps bien plus court que celui caractérisant toute autre explosion stellaire connue.

 

Les conséquences cataclysmiques de ce type de fusion – des événements prédits de longue date et baptisés kilonovae – disséminent également des éléments lourds dans l’Univers, tels que l’or et le platine.

 

« Cette découverte apporte aussi la preuve irréfutable que les sursauts gamma de courte durée sont causés par les fusions d’étoiles à neutrons », estiment les astronomes.

 

Les oscillations de l’espace-temps baptisées ondes gravitationnelles, et prévue il y a un siècle par Einstein, résultent de masses en mouvement. Seules les plus intenses, générées par de brusques variations de vitesse d’objets très massifs, peuvent à l’heure actuelle être détectées. Parmi ces événements figure la fusion d’étoiles à neutrons, les noyaux extrêmement denses et effondrés d’étoiles de masse élevée ayant achevé leur existence en supernovae. Les astronomes estimaient que ces fusions étaient vraisemblablement à l’origine des sursauts gamma courts: un événement de nature explosive et de luminosité 1000 fois supérieure à celle d’une nova classique et baptisé kilonova . Ils viennent d’en avoir la démonstration par l’image.

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