Bactéries e-Coli.

Dans le Namurois, probiotique rime avec antibiotique

19 décembre 2017
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Quelques ultrasons et hop… une bactérie inoffensive se mue en antibiotique! Voilà, en résumé, la teneur de la découverte réalisée par les chercheurs de Vésale Pharma, une entreprise namuroise active dans le domaine des probiotiques. Les probiotiques sont des microorganismes vivants qui ingérés en quantités suffisantes présentent un effet bénéfique sur la santé.

« Nous venons effectivement de déposer en novembre un brevet concernant la bactérie appelée Lactobacillus Crispatus », explique Johan Quintens, le responsable scientifique (Chief scientific officer) de l’entreprise Vésale Pharma, basée à Noville sur Mehaigne. « Ce brevet couvre le traitement que nous appliquons à cette bactérie et à l’usage que nous en faisons ensuite », explique-t-il.

La sonificiation pour récupérer les métabolites

« Crispatus » est en réalité soumise à une séance de « sonification ». « Il s’agit de l’exposer à des ultrasons afin de la détruire », précise le microbiologiste. « En la disloquant  de la sorte, elle libère les molécules qu’elle renferme. On parle de métabolites. Et certaines de ces substances présentent un intéressant potentiel anti-infectieux ».

Lactobacillus Crispatus est une bactérie que l’on trouve naturellement et en quantité dans le microbiote vaginal. Toutes les cavités du corps humain qui sont en contact avec le monde extérieur disposent d’un microbiote. C’est le cas du système digestif par exemple, de la bouche, du nez ou encore du vagin. Un microbiote est composé d’un ensemble de familles de bactéries.

Protéger son environnement

« Dans le microbiote du vagin, Crispatus est un des lactobacilles dominants chez la femme en bonne santé et fertile », souligne le Dr Jean-Paul Warzée, président fondateur de la Ligue scientifique européenne des probiotiques.

« Cette bactérie, comme d’autres dans cet environnement, assurent diverses fonctions. Elles jouent notamment un rôle de protection contre les infections », précise le médecin. « Elles peuvent par exemple jouer un rôle de régulation du pH en le maintenant à un niveau inhospitalier pour d’éventuels pathogènes. Elles peuvent aussi se retrouver sous forme de biofilms comprenant diverses substances capables de tuer les pathogènes qui se seraient quand même installés dans la cavité. Les mécanismes à l’oeuvre dans ce cas sont encore mal connus. Nous les avons étudiés. »

Les métabolites de Crispatus protègent de Garnderella

C’est donc en travaillant sur Lactobacillus Crispatus que les chercheurs de Vésale Pharma lui ont découvert une propriété intéressante. Certains métabolite de Lactobacillus Crispatus, affichent un effet anti-infectieux. « Il s’agit plus précisément des substances issues des vacuoles », précise Johan Quintens.

« Nous les avons récupérées sous forme liquide après avoir disloqué des Lactobacillus Crispatus. Cette substance a ensuite été mise en contact avec un échantillon de bactéries pathogènes rencontrées dans le vagin: des Garnderella. Un autre échantillon de ces «mauvaises» bactéries a été mis en contact avec un produit placebo et un troisième avec des bactéries Lactobacillus Crispatus vivantes ».

Les résultats sont encourageants. Le pathogène occupait tout l’espace dans la boite de Petri avec placebo. « Dans celle avec les Lactobacillus Crispatus vivantes, nous avons encore compté 1800 colonies de pathogènes en développement. Quant à l’échantillon exposé aux métabolites de bactéries Crispatus réduites en bouillie, ce nombre tombait à 22 colonies de pathogènes seulement », précise le microbiologiste.

Un futur « medical device »?

L’effet anti-infectieux de ces métabolites mis au jour par les chercheurs de l’entreprise namuroise est prometteur. Il ne reste plus qu’à confirmer ces bons premiers résultats en réalisant des tests sur d’autres pathogènes. Et à étudier également les éventuels effets secondaires indésirables que ce produit générerait. De là à imaginer la mise sur le marché d’une nouvelle solution pour traiter localement les problèmes d’infections urogénitales, il faudra s’armer de patience.

« Nous disposons d’un produit sous forme liquide. Nous allons devoir mener une série de tests complémentaires mais aussi passer à sa transformation sous une forme sèche avant de pouvoir imaginer le conditionner sous forme de crème », indique encore le CSO de l’entreprise.

« Ce qui est ici intéressant, c’est que nous avons un produit endogène, qui n’est probablement pas toxique pour le milieu vaginal », estime le Dr Warzée. « Ce qui présente un autre avantage pour cette substance. Elle ne devrait pas tuer l’ensemble du microbiote infecté, contrairement à un traitement par antibiotiques classiques, qui laisse la cavité sans défense après son utilisation. Ce qui explique les rechutes fréquentes dans ce type d’infections après un traitement par antibiotiques ».

Johan Quintens est optimiste. Il verrait bien un nouveau produit basé sur cette découverte être disponible d’ici deux ans. « Il ne s’agit pas d’un médicament, mais d’un medical device », souligne Jehan Liénart, le patron de l’entreprise. « Si des tests cliniques seront incontournables, ils ne devraient pas être aussi longs que ceux imposés pour un produit pharmaceutique ».

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