Le Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli, physicienne des hautes énergies, est la lauréate pour l'Afrique et les Etats arabes, du prix "For Women in Science 2015". © Brigitte Lacombe
Le Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli, physicienne des hautes énergies, est la lauréate pour l'Afrique et les Etats arabes, du prix "For Women in Science 2015". © Brigitte Lacombe

Du boson aux nouveaux matériaux, la Science est aussi une affaire de femmes

20 mars 2015
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Cinq scientifiques d’exception ont été récompensées cette semaine à Paris par un prix L’Oréal-Unesco. Leur point commun? Il y en a deux. L’excellence de leurs travaux scientifiques et leur « genre ». Ces cinq chercheurs sont en réalité cinq femmes. Le fameux prix qu’elles viennent d’empocher vise tout particulièrement à attirer l’attention sur la place des femmes dans la recherche.

 

« Il y a encore trop peu de femmes dans la recherche », souligne Sara Ravella, la directrice de la Fondation L’Oréal, qui organise ces prix, et d’autres initiatives similaires au bénéfice des femmes et de la Science. « On estime aujourd’hui que 30% à peine des chercheurs dans le monde sont des femmes. La parité est loin d’être atteinte dans ce domaine ».

 

Les femmes et la science dans le monde : quelques chiffres de l'UNESCO.
Les femmes et la science dans le monde : quelques chiffres de l’UNESCO.

 

Une lauréate par continent

 

Le programme « Pour les femmes et la Science », initié voici 17 ans par le groupe international avec l’UNESCO, l’Agence des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, permet de faire évoluer peu à peu la situation.

 

« Mais cela va encore prendre des générations », estime le Pr Thaisa Storchi Bergmann, de l’Université fédérale de Rio Grande do Sul, à Porto Alegre (Brésil). Cette spécialiste des trous noirs supermassifs dans l’univers est une des cinq lauréates de l’année. « C’est la place de la femme dans la Société dans son ensemble qui est à prendre en considération », dit-elle.

 

Le prix récompense chaque année, depuis 1998, cinq chercheuses émérites issues des cinq continents. La cuvée 2015 est orientée vers la physique, un domaine relativement peu féminin par rapport à d’autres disciplines.

 

30% d’étudiantes en physique… au Maroc

 

Le Pr Bergmann est la lauréate pour l’Amérique Latine. La lauréate européenne est britannique: le Pr Carol Robinson (Université d’Oxford), spécialiste de la chimie physique. Le Pr Yi Xie, de l’Université des Sciences et Technologie de Chine à Hefei est récompensée pour ses travaux sur les nouveaux nanomatériaux. De son côté, le Pr Molly Shoichet, de l’université de Toronto (Canada) est la lauréate pour l’Amérique du Nord. Son domaine de prédilection: les biomatériaux pour la régénération des tissus nerveux.

 

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« Les mentalités changent », estime cependant le Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli, de l’Université Mohammed V, à Rabat (Maroc). Lauréate pour l’Afrique et les Etats arabes, le Pr Cherkauoi est une physicienne des hautes énergies. Elle travaille sur le détecteur Atlas, un des quatre grands détecteurs de particules élémentaires installés au LHC, le Grand collisionneur de hadrons du CERN, à Genève. Atlas a permis de co-découvrir (avec le détecteur CMS), le fameux boson de Brout, Englert et Higgs en 2012. Une découverte qui valut au Pr François Englert, de l’ULB, le prix Nobel de physique en 2013.

 

« Les femmes sont de plus en plus présentes dans les filières scientifiques chez nous », reprend le Pr Cherkaoui. « Elles sont même plus présentes qu’en Europe, y compris dans les études d’ingénieurs. Un exemple, 40% des étudiantes sont des étudiantes dans ce domaine, au Maroc. Et cette proportion est de 30% en physique. Malheureusement, après leurs études scientifiques, souvent, les femmes décrochent. Pour des raisons culturelles, la place traditionnelle réservée à la femme au sein de la famille notamment. Les choses évoluent cependant. Lentement. Mon conseil? Les femmes doivent foncer. Il ne faut pas dire d’emblée que ce n’est pas possible », clame le Pr Cherkaoui, par ailleurs vice-présidente à la Recherche de son université.

 

Une seule lauréate belge, en 2006

 

En Belgique, seule une scientifique a reçu un prix L’Oréal-Unesco. C’était en 2006. Le Pr Christine Vanbroeckhoven était récompensée pour ses travaux en biologie moléculaire et génétique sur la maladie d’Alzheimer à l’Université d’Anvers.

 

Selon l’Institut de statistiques de l’UNESCO, 52% des étudiants qui sortent des universités belges avec un Master en poche sont des femmes. Ce taux chute à 46% en ce qui concerne le doctorat et 34% lorsqu’on regarde la proportion de femmes qui poursuivent ensuite une carrière de chercheur. En France, ces chiffres sont respectivement: 55% (master), 47% (doctorat), 26% (recherche).

 

Un prix « Belge » pour les femmes et la science, avec le F.R.S.-FNRS

 
Pour faire bouger les choses, la Fondation L’Oréal a bien compris qu’il ne suffisait pas de décerner cinq prix prestigieux chaque année. Elle est désormais aussi active à un autre échelon.  A Paris, outre les 5 prix dont il est ici question, quinze autres chercheuses méritantes se sont vues attribuer une bourse de doctorat ou de post-doctorat afin de les encourager à continuer leur carrière scientifique

 

En Belgique, une déclinaison « nationale » de ces bourses a vu le jour en 2007. Les Bourses belges L’Oréal-Unesco «For Women in Science», sont attribuées en collaboration avec le Fonds de la Recherche Scientifique (F.R.S.FNRS).

 

Le prochain prix Nobel belge sera-t-il attribué à une femme? Pourquoi pas? Les 10 Belges récompensés par ce prix exceptionnel (plus une institution) sont aujourd’hui tous des hommes.

 

Ceci dit, les statistiques des Nobel ne sont pas un modèle de parité. Seuls 3% de ces fameux prix ont, jusqu’à présent, été attribués à des femmes.

 

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