© Richard Bartz
© Richard Bartz

Effet de serre: après les vaches, les mouches!

20 avril 2017
Par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

Parmi les animaux susceptibles d’aggraver les émissions atmosphériques de méthane, un puissant gaz à effet de serre, on connaissait déjà le rôle joué par les vaches. Un problème auquel des équipes wallonnes cherchent activement des solutions.

C’est désormais vers les mouches que les regards se tournent. Elles aussi, du moins les larves de l’espèce Chaoborus, contribueraient à l’émission de ce gaz.

 

C’est une équipe de chercheurs issus de plusieurs laboratoires européens (Suisse, Allemagne et Grande-Bretagne) qui pointent le rôle que joueraient ces mouches dans le réchauffement de la planète.

 

“Moustiques à plumes”

 

La mouche Chaoborus ressemble à un moustique dont les antennes sont garnies de « plumes ». On la retrouve partout dans le monde, sauf en Antarctique.

Lors de son cycle de vie, elle passe un à deux ans sous l’eau, à l’état larvaire, dans des lacs de moins de 70 mètres de profondeur. Durant cette période, la larve passe ses journées dans les sédiments du fond du lac et remonte la nuit à la surface pour se nourrir.

Le cycle de vie de la petite mouche Chaoborus est connu depuis un siècle. Les scientifiques de l’époque ont découvert qu’au stade larvaire, le plus long de son cycle, la larve possède des petits sacs d’air, les vésicules, qui lui permettent de naviguer entre la surface du lac et les sédiments des fonds lacustres, lieux où elle se protège des prédateurs et de la chaleur durant la journée.

 

Ascenseur gonflable

 

Elle est ainsi capable de gonfler ses poches d’air pour remonter à la surface, ou au contraire de les compresser pour redescendre, ajustant ainsi sa position dans l’eau. Toutefois, à 70 mètres de profondeur, il lui est impossible de regonfler ses vésicules à cause de la pression qu’exerce l’eau sur elle.

Dès lors, comment y parvient-elle ? C’est la question que s’est posée l’équipe du Professeur Daniel McGinnis, de la Faculté des sciences de l’Université de Genève, en collaboration avec des chercheurs de Berlin, de Postdam et de l’université de Swansea, au Royaume-Uni.

« Le méthane est un gaz peu soluble dans l’eau. Nous savons que dans les sédiments anoxiques, c’est-à-dire sans oxygène, le méthane s’y trouve en très grande quantité, surpasse la capacité de dissolution dans l’eau et forme des petites bulles ».

 

« Nous avons donc supposé que les larves de Chaoborus absorbaient les bulles d’excès de gaz afin de pouvoir regonfler leurs vésicules, malgré la pression de l’eau, et remonter à la surface », explique Daniel McGinnis. Et effectivement, ils ont découvert que le méthane, préférant l’air à l’eau, se glisse naturellement dans les sacs de gaz de la larve, lui permettant dès lors de les regonfler et de rejoindre la surface sans effort.

 

Grâce à cet ingénieux système d’ « ascenseur » gonflable, Chaoborus économise jusqu’à 80 % de l’énergie qu’elle dépenserait si elle devait nager. Elle a donc besoin de moins de nourriture et peut ainsi élargir son habitat.

 

Libération de méthane sédimentaire

 

Les scientifiques ont ensuite voulu savoir ce que faisaient les larves du méthane emmagasiné. « Nous avons d’abord placé les larves dans un espace contenant de l’eau riche en méthane, puis nous les avons déplacées dans de l’eau pauvre en méthane. Après avoir effectué des mesures, nous avons constaté que le taux de méthane augmentait proportionnellement à la quantité de larves présentes.

 

Celles-ci relâchent donc une grande partie de ce gaz dans l’air une fois parvenues à la surface », constate Daniel McGinnis.

 

L’eau douce contribue à 20 % des émissions naturelles de méthane et celui-ci absorbe 28 fois plus de chaleur que le CO2, c’est dire son importance sur l’effet de serre.

Normalement, le méthane est isolé dans les sédiments des lacs et y reste stocké. Mais les larves de Chaoborus le sortent de cet espace et augmentent ses chances d’accéder à l’atmosphère. Elles contribueraient ainsi en quelque sorte au réchauffement climatique.

 

La solution: améliorer la qualité des eaux de surface

Dès lors que faire ? « Les larves de Chaoborus spp, dont la densité varie de 2’000 à 130’000 individus par m2, ne sont présentes que lorsque l’eau est de mauvaise qualité, c’est-à-dire lorsqu’elle contient trop de nutriments. Il faut donc améliorer la qualité de l’eau et cela passe par un meilleur contrôle de l’agriculture et du traitement des eaux usées », ajoute Daniel McGinnis. De plus, en remontant des particules de sédiments, les larves permettent aussi à certains polluants de rejoindre la surface.

Haut depage