L’exclusion numérique concerne 15% de la population en Belgique

17 mars 2015
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Le fossé numérique n’existe plus! Gérard Valenduc est formel. Ce chercheur de la Fondation Travail-Université, à Namur, a déjà cosigné quelques épais rapports sur l’usage des TIC (technologies de l’information et de la communication) en Belgique. Pour ce professeur invité en sciences sociales à l’Université de Namur (UNamur) et à l’Université Catholique de Louvain (UCL), c’est clair, le fossé numérique est quelque chose qui appartient au passé.

 

« Mais méfions-nous de l’e-exclusion », ajoute-t-il aussitôt. « Une frange de la population n’a pas encore pris le “virage numérique”, Comme le montre notre étude de 2010 sur la  Diversité et la vulnérabilité dans les usages des TIC. Il faut veiller à ce que ces personnes ne restent pas exclues de l’univers digital ».

 

Une nouvelle approche des profils « d’exclus »

 

Le problème qui se pose désormais est précisément de cerner au mieux les catégories de citoyens qui ne sont pas encore passés au numérique. « Et cela ne se résume pas à une simple question technique », souligne Ilse Mariën, du laboratoire SMIT (Studies, Media, Information, Télécommunication) de la Vrije Universiteit Brussel (VUB). « Ni à un clivage classique entre jeunes et vieux, hommes et femmes, etc. Cerner l’e-exclusion nécessite plus de nuances et une nouvelle approche du problème ».

 

Pour prendre toute la mesure de la situation actuelle, elle va donc, avec son collègue namurois, piloter une vaste étude sur le sujet: le programme de recherche IDEALIC.

 

Le programme « BRAIN » et les grands défis sociaux

 

« Dans notre société de plus en plus numérisée, les exclus du digital se coupent de toute une série de services indispensables, publics ou privés. Je pense à des domaines comme la santé par exemple, la mobilité, l’accès à l’information, explique Gérard Valenduc. Grâce à IDEALIC, nous espérons mieux cerner ces « e-exclus », et formuler des recommandations utiles aux pouvoirs publics ».

 

« Le projet IDEALIC, qui vient de démarrer, est une recherche financée par la Politique Scientifique fédérale (BELSPO) dans le cadre de son programme général « BRAIN », souligne Frank Monteny, directeur général des programmes de recherches chez BELSPO. « Cette étude d’une durée de quatre ans relève du 5e axe thématique du programme BRAIN, celui concernant les grands défis sociaux », précise-t-il. Elle doit aussi aider à développer une stratégie durable d’e-inclusion dans le pays ».

 

Concrètement, les chercheurs de la Fondation Travail-Université (FTU) à Namur, et leurs collègues du laboratoire SMIT de la VUB vont d’abord cerner les principales questions théoriques qui se posent dans cette problématique. Par exemple, ce qui définit un usage autonome des technologies numériques, ou encore ce que signifient vraiment les concepts d’ « empowerment », d’inclusion, d’e- participation, et ce avec comme perspective les stratégies d’e-inclusion à privilégier.

 

Une radiographie des pratiques actuelles

 

Parallèlement, les scientifiques vont aussi s’intéresser au vécu de l’e-inclusion tout au long des âges de la vie. Ceci sera réalisé via une série d’interviews avec des témoins de générations et de conditions diverses.

 

Enfin, les chercheurs de la FTU et du laboratoire SMIT vont aussi analyser l’impact précis de l’e-inclusion (ou de e-exclusion) dans trois domaines : la santé, la mobilité et l’accès aux informations administratives, en prenant comme outil le site « brussels.be ».

 

En perspective: une note de politique sur l’e-inclusion

 

Ensuite, dans quatre ans, au terme de leurs travaux, mais sans doute déjà un peu plus tôt via un rapport intermédiaire, ils formuleront des avis et esquisseront des pistes d’actions pour les responsables politiques. Ce qui ravit le ministre fédéral en charge de l’Agenda numérique.

 

« L’objectif du gouvernement fédéral est de communiquer, d’ici 2020, principalement par voie numérique », explique Alexander De Croo (Open VLD), Vice-Premier ministre et ministre de l’Agenda numérique, des Télécommunications et de la Poste. « La communication digitale avec les citoyens sera donc la norme. A titre subsidiaire, la communication sur support papier existera encore. Mais nous voulons aussi nous assurer que nous ne laissons personne sur le côté. Le programme de recherches IDEALIC, et ses résultats intermédiaires, pourront guider nos choix vers une meilleure digitalisation en Belgique».

 

Ecoutez le Ministre Alexander De Croo dresser un tableau succinct de l’état de l’e-exclusion actuelle en Belgique

Un outil de nouvel entrepreneuriat

 

« Soutenir cette recherche, c’est aussi permettre, à terme, à chaque habitant du pays, d’être un citoyen à part entière, en lui permettant d’utiliser au mieux l’univers numérique », précise le ministre. « Actuellement, 15% de la population n’utilisent pas encore les TIC. C’est insoutenable à terme. Le numérique est aujourd’hui devenu un moteur d’émancipation sociale, de liberté, source d’un nouvel entrepreneuriat qui jusque là n’était pas aussi accessible ». Nous voulons faire mieux que cela en Belgique et réduire encore davantage l’e-exclusion ».

Haut depage