Alimentation : le local a la cote

28 mai 2015
par Elise Dubuisson
Durée de lecture : 5 min

Cultiver ses légumes, s’approvisionner auprès du fermier du coin, préférer les aliments bios aux autres, essayer de ne consommer que du belge, voilà une série de concepts qui plaisent de plus en plus. Ils véhiculent tous une même idée générale : se tourner vers des aliments de qualité dont on connaît la provenance.

 

Reste qu’en Belgique les circuits qui proposent ces aliments ne sont pas très bien connus. Raison pour laquelle, la Fédération Wallonie Bruxelles  a chargé des chercheurs de l’ULB et de l’ULg  de s’intéresser à une partie de ceux-ci : les circuits courts. Leur rôle ? Caractériser les changements de pratiques alimentaires des consommateurs qui se tournent vers ces modes d’approvisionnement et faire le bilan sur la manière dont ils fonctionnent en Belgique.

 

Une multitude d’initiatives

 

« Contrairement à d’autres pays européens comme la France, les statistiques dont la Belgique dispose ne permettent pas d’avoir une information précise sur les volumes et les modalités de la vente en circuits courts », explique le Dr Lou Plateau , chercheur au Centre Etudes Economiques et Sociales Environnement de l’ULB.
 
Toutefois, les travaux des chercheurs ont permis de constater l’émergence d’une multitude d’initiatives nous permettant de manger local.
 
« Cela va du groupe d’achat à la vente en ligne en passant par les marchés locaux et les sites de dépôts collectifs. Autant de possibilités qui arborent des formes juridiques différentes : ASBL, coopératives, SPRL, etc. Mais toutes ces formes peuvent-elles vraiment être considérées comme des circuits courts ? »

 

Un intermédiaire unique, en théorie…

 

Une question à laquelle il n’est pas simple de répondre. La définition qui semble faire consensus voudrait qu’il n’y ait qu’un intermédiaire entre le producteur et le consommateur pour que la vente soit considérée comme une vente en circuit court. Sauf que dans certaines des initiatives citées ci-dessus et considérées par le grand public comme du circuit court, il y a généralement plus d’un intermédiaire.

 

«Même si on a l’impression de faire appel à un seul intermédiaire en tant que consommateur, on ne sait pas ce qui se cache derrière lui. Une société de vente en ligne, par exemple, peut faire appel à des indépendants pour acheminer la marchandise et à une autre société pour livrer aux domiciles de ses clients, ce qui fait déjà deux intermédiaires de plus. Cette définition est donc idéalement à revoir car trop réductrice. Une des pistes pour que la définition corresponde mieux avec la réalité du terrain serait d’insister davantage sur l’ancrage territorial du circuit court que sur le nombre d’intermédiaires».

 

Comment répondre à la demande ?

 

Face à cette augmentation du nombre d’initiatives, les chercheurs dressent un constat.
 
« Ce foisonnement indique que la demande pour ce genre de service existe, mais il ouvre également une question centrale : comment offrir aux consommateurs, un maximum de produits locaux en un seul lieu ? ».
 
Et ce afin de répondre à une tendance. Les consommateurs préfèrent tout trouver au même endroit plutôt que de parcourir plusieurs kilomètres avant d’avoir la totalité des ingrédients pour une recette. Un service auquel la grande distribution nous a habitués, la proximité en moins.

 

«Nous avons constaté que tant les producteurs que les consommateurs agissent pour répondre à cette question. Les producteurs peuvent, par exemple, se regrouper en coopérative pour proposer une plus grande diversité de produits ou se fournir en aliments qu’ils ne produisent pas auprès d’autres producteurs ou de grossistes. Quant aux consommateurs, ils peuvent former des groupes d’achats pour lesquels ils gèrent la logistique afin d’être fournis en un maximum de produits. Autre possibilité : faire appel à un intermédiaire avec généralement une interface de vente en ligne, qui se charge d’assurer la diversité et qui vend tout au même endroit ».

 

Pourquoi avoir recours au circuit court ?

 

Dernière question qui a intéressé nos chercheurs : quel est le profil des consommateurs qui se fournissent en circuit court ?
 
« Nous avons constaté une grande diversité de profil. Chaque consommateur ayant notamment sa propre conception de ce qu’est un aliment de qualité. Nous avons posé la question à 130 personnes et nous avons eu presque 130 réponses différentes. Certains mettent l’accent sur la fraîcheur, sur le goût ou sur les labels, d’autres estiment qu’un aliment est de qualité quand ils savent d’où il provient ou lorsque la personne qui l’a produit a bien été rémunérée. Autant de critères qui font autant de raisons de consommer local. Nous avons cependant remarqué un point commun : le public des circuits courts est plutôt éduqué».

 

Beaucoup reste à faire

 

Pas de doute, la volonté de faire appel aux circuits courts est bel et bien présente, en tout cas, chez une partie de la population. Mais pour que cette tendance continue, il va falloir d’une part que le secteur réponde à certaines habitudes des consommateurs et d’autre part que les consommateurs fassent évoluer leurs pratiques alimentaires.

 

« Lors de nos entretiens, beaucoup nous ont dit que le fait de ne pouvoir tout trouver facilement en un seul lieu limitait leur consommation de produits locaux. Par ailleurs, la plupart des gens ont tendance à aller régulièrement au magasin, ça se voit à l’augmentation du nombre de supermarchés de proximité. Il faudra aussi que les circuits courts puissent se positionner face à cette tendance. Enfin, les produits prêts à l’emploi – les plats préparés, les confiseries, les soupes, etc. – sont devenus légions dans les supermarchés, le commerce en circuit court devrait aussi idéalement pouvoir proposer ce type de produits », conclut Lou Plateau.

 

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