Aux cliniques St-Luc (UCL), c’est « Bob l’Eponge » qui anesthésie les jeunes patients cancéreux

10 novembre 2015
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

L’innovation prend parfois des aspects étonnants. Depuis un an, tous les jeunes enfants qui doivent subir un traitement par radiothérapie bénéficient ainsi d’un sédatif d’un nouveau genre, aux Cliniques universitaires St-Luc (UCL), à Bruxelles. « Il s’agit de la projection d’une petite vidéo, généralement un dessin animé », explique le Pr Pierre Scaillet, chef du service de radiothérapie oncologique.

 

Vladi, un jeune garçon de quatre ans à l’époque, a été le premier à être « anesthésié » de la sorte. Son dessin animé favori? Bob l’Eponge! « Mais cela fonctionne aussi avec d’autres dessins animés », précise Philippe Humblet, technologue en radiologie oncologique, à l’origine de cette innovation avec sa consœur dosimétriste Catia Palhetinha Aguas.

 

On savait certains dessins animés soporifiques. En voici qui sont franchement anesthésiants. Et on s’en félicite aux Cliniques Saint-Luc. « Parce que cela nous permet d’éviter de devoir plonger les enfants dans une anesthésie totale à chaque séance de radiothérapie », reprend le Pr Scaillet. « Un traitement long, qui mobilise plusieurs professionnels et qui n’est jamais agréable, pour le patient, surtout au réveil, », précise-t-il. Quand on sait qu’un traitement par radiothérapie comprend régulièrement une trentaine de séances successives, on comprend mieux le confort que cette « anesthésie par vidéo » procure au patient.

 

Un effet hypnotique

 

Le but de cette projection en salle de traitement est simple: maintenir l’enfant immobile pendant que la machine bombarde ses tumeurs de rayons X. Une immobilité qui est sinon obtenue par sédation.

 

Préparation d’un jeune patient au service de radiothérapie oncologique des Cliniques Universitaires St-Luc (UCL). La dosimétriste Catia Palhetinha Aguas positionne le masque sur le visage du patient. Le système de projection vidéo se situe derrière la tête du patient, hors de portée des rayons ionisants de la machine de tomothérapie. Photo Hugues Depasse
Préparation d’un jeune patient au service de radiothérapie oncologique des Cliniques Universitaires St-Luc (UCL). La dosimétriste Catia Palhetinha Aguas positionne le masque sur le visage du patient. Le système de projection vidéo se situe derrière la tête du patient, hors de portée des rayons ionisants de la machine de tomothérapie. Photo Hugues Depasse (Cliquer pour agrandir)

« C’est lorsque la maman de Vladi a demandé à l’équipe s’il était possible que son enfant ne subisse pas d’anesthésie lors de chaque séance de tomothérapie qu’est née l’idée de la projection », explique Philippe Humblet.

 

Un système de projection, qui envoie l’image sur la paroi interne de la machine de tomographie, a été bricolé par Philippe Humblet et sa collègue dosimétriste Catia Palhetinha Aguas. L’enfant a été captivé par son dessin animé. Il est resté immobile pendant la séance. Le pari était gagné!

 

C’est le principe de « focalisation » induit par l’hypnose, également pratiquée au service de radiothérapie avec des adultes, qui a donné l’idée à l’équipe d’utiliser une projection de film. Les enfants étant facilement « absorbés » par un écran.

 

Suppression des anxiolytiques chez les patients adultes

 

Une douzaine d’enfants ont déjà pu bénéficier de ce système… Et autant d’adultes ! « Certains adultes sont claustrophobes, anxieux ou stressés pendant leur passage en tomographie », précise Philippe Humblet. « Nous leur projetons alors des films ou des documentaires. Cela marche aussi. Ils peuvent alors se passer de prendre des anxiolytiques ».

 

Le système de projection, baptisé Vladi en l’honneur du premier jeune patient qui a pu le tester, est désormais l’acronyme du projet : Video Launching Applied During Irradiation.

 

Il va à présent être amélioré, grâce au concours des étudiants en ingénierie de l’Ecam, la Haute Ecole Léonard De Vinci, voisine sur le campus de l’UCL. Des améliorations techniques destinées à étendre l’utilisation du système Vladi à un maximum de patients, quelle que soit leur pathologie ou la complexité de leur positionnement lors du traitement

 

En effet, certains patients sont traités en étant couchés sur le ventre ou sur le dos, ou encore en devant maintenir les bras au-dessus de la tête, parfois entourés d’accessoires volumineux.

 

 

La tomothérapie
La radiothérapie est l’un des principaux traitements contre le cancer. Elle consiste à diriger des rayons ionisants (radioactifs) sur une tumeur, afin de détruire les cellules cancéreuses.
Tout traitement réalisé au moyen d’un appareil de tomothérapie oblige le patient à rester immobile pendant environ une demi-heure. Ce traitement se déroule en trois étapes.
1. L’équipe réalise une « simulation de traitement » dans un scanner dédié, qui permet de cibler la zone à irradier. Cette étape indispensable permet notamment de voir comment l’enfant réagit face à la vidéo et s’il peut rester immobile. C’est également durant cette phase que l’on réalise un masque personnalisé que le patient apposera durant tout son traitement. C’est sur ce masque que l’on dessinera des lignes indiquant l’endroit précis où les rayons doivent être appliqués.

 

2. Le jour de son traitement par tomothérapie, le patient passe tout d’abord par un scanner de contrôle afin d’avoir la certitude d’irradier le patient au bon endroit (phase dite de « matching »). Cette étape minutieuse exige déjà que le patient se tienne immobile.
3. La séance de traitement à proprement parler débute alors, pour une durée de 3 à 20 minutes. La position du patient est à nouveau vérifiée sur la table. L’ensemble de ces opérations successives peut prendre jusqu’à 25 minutes durant lesquelles il est impératif que le patient reste immobile.

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