Chaine du Rwenzori. © Denis Samyn
Chaîne du Rwenzori, Glacier Savoia. © Denis Samyn

Les derniers glaciers africains sous haute surveillance

9 mars 2016
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

Avec des sommets qui dépassent les 5.000 mètres d’altitude, la chaine du Rwenzori, en Afrique centrale, abrite aujourd’hui encore quelques glaciers. « Ils sont très difficiles d’accès, mais surtout, ils sont en train de mourir », précise immédiatement le Dr Denis Samyn, géologue et glaciologue formé en Belgique à l’UCL et à l’ULB, aujourd’hui employé au Musée Royal de l’Afrique Centrale (MRAC), de Tervuren.

 

Depuis quelques mois, le scientifique, attaché à l’unité « Risques Naturels » du MRAC, surveille l’évolution de ces glaciers grâce à un projet « Marie Curie » de l’Union européenne. « Je documente leur fin de vie. Je fais de l’archivage », dit-il. « On sait qu’au cours du dernier siècle, 80 % de ces glaciers ont déjà disparu. Mon but est de titrer un maximum d’informations pertinentes sur ceux qui restent ».

 

Sur les trois sommets principaux de la chaine du Rwenzori, située à la frontière entre la République démocratique du Congo et l’Ouganda, on dénombrait voici 50 ans une quinzaine de glaciers par sommet. Aujourd’hui, un de ces sommets en est totalement dépourvu. « J’ai vu mourir le dernier », dit le chercheur. « Sa disparition s’est matérialisée par un gigantesque effondrement rocheux ».

 

Cinq jours d’expédition pour arriver à pied d’œuvre

 

Les deux autres sommets en hébergent encore une petite quinzaine au total. « Les plus grands n’ont que 1 à 2 km2 de superficie », précise le scientifique. « Pour les découvrir, il faut marcher au moins cinq jours dans la forêt. C’est une véritable expédition ».

 

Et précisément, le Dr Samyn vient de rentrer d’une telle expédition. La première de son projet « RIDEC » (Rwenzori Ice Dynamics and Environmental Changes).

 

Forage dans la glace, chaine du Rwenzori. © D.R.
Forage sur le glacier Stanley (4800m alt.), Chaîne du Rwenzori ». © D.S.

Il s’agissait de réaliser sur place toute une série de relevés au moyen de techniques complémentaires : radar de sol pour mesurer l’épaisseur de la glace, travaux de localisation, installation d’une station météorologique ou encore installation d’une caméra time-lapse, qui prend des images régulièrement. « Ce qui nous permet d’obtenir des informations sur la faune, la glace, la microbiologie… », dit le glaciologue.

 

Images satellitaires

 

L’autre alternative pour suivre l’évolution de ces masses glacées passe par la télédétection, l’imagerie par satellite. L’analyse des images disponibles dans différentes longueurs d’onde (visible et radar) permet de reconstruire l’histoire récente de ces glaciers. Le Dr Samyn s’y intéresse également.

 

Suivre l’agonie des glaciers africains, n’est-ce pas un peu morbide ? Le scientifique a une tout autre approche du problème. « C’est une occasion irremplaçable d’observer les effets des changements climatiques dans un environnement unique », dit le chercheur.  « Les glaciers du Rwenzori, qui figurent parmi les derniers en Afrique, sont voués à disparaître au cours des prochaines décennies. Leur étude est donc capitale ».

 

Conséquences sur l’environnement et sur les populations

 

« Ils s’écoulent au sein d’un environnement rude et austère. Mais à quelques centaines de mètres à peine en aval évolue une végétation luxuriante unique au monde et très particulière. Ces contrastes d’occupation du sol, alliés à l’accroissement global de température et aux récentes variations saisonnières de précipitation, confèrent aux hauteurs du massif un caractère très dynamique. Chaque modification de paramètre environnemental en entraîne une autre, souvent imprévisible. »

 

« La fonte accrue des glaciers du Rwenzori pose la question des conséquences de cette disparition, non seulement sur l’environnement, mais aussi sur les conditions de vie et le ressenti culturel des communautés locales vivant au pied du massif et qui ont toujours côtoyé de près ou de loin ces glaciers », explique le chercheur.

 

« Étant donné le peu d’études menées sur le terrain depuis la première expédition scientifique dans le massif en 1906, il est grand temps d’étudier ces glaciers et d’exploiter le potentiel de connaissances qui réside au sein de leurs strates avant leur disparition probable au cours des prochaines décennies », conclut-il.

 

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