Visualisation d’une thrombose de la branche inter-ventriculaire de l’artère coronaire gauche.
Visualisation d’une thrombose de la branche inter-ventriculaire de l’artère coronaire gauche.

L’imagerie médicale fait parler les morts

30 mars 2016
par Elise Dubuisson
Durée de lecture : 4 min

Aux Cliniques Universitaires Saint-Luc, à Bruxelles (Université Catholique de Louvain), 350 corps passent chaque année sur les tables d’analyse du service de médecine légale et anatomie pathologique. Il s’agit, notamment, de comprendre un décès lié à une intervention chirurgicale ou encore d’aider le système judiciaire à faire la lumière sur un meurtre ou une mort suspecte. Pour être encore plus performant dans ses constatations, le service de médecine légale s’est récemment tourné vers une nouvelle technique : l’imagerie médicale !

 

Au cœur des zones difficiles d’accès

 
« Jusqu’à présent, face à un décès inexpliqué, un médecin légiste réalisait des analyses tissulaires, toxicologiques ou d’ADN », explique le Dr Grégory Schmit, médecin légiste au Centre de Médecine Forensique des Cliniques Universitaires Saint-Luc.

 
« Si dans la majorité des cas, ces moyens suffisaient à tirer des conclusions, il restait une série de situations où le médecin ne disposait pas assez d’informations pour caractériser précisément la mort. Par exemple quand la zone concernée est difficile d’accès. C’est notamment le cas de la charnière crânienne, où la colonne vertébrale et le crâne se rejoignent. Beaucoup de tissus, de veines et d’artères potentiellement utiles pour le diagnostic entourent cette région du corps. Ce qui suppose que pour l’atteindre, on risquait d’abimer ces éléments ».

 
Autopsies virtuelles et protection du médecin légiste

 
Pour contourner cette difficulté, les “légistes” ont trouvé la parade : utiliser les mêmes techniques d’imagerie médicale que sur les vivants. C’est-à-dire la radiographie, les scanners et la résonance magnétique qui permettent d’effectuer des autopsies virtuelles avant même qu’un scalpel ne se soit approché du corps.

 

« Ces techniques ne sont pas vouées à remplacer les autopsies classiques, elles viennent en renfort », reprend le spécialiste. «Grâce à l’imagerie médicale, nous pouvons, par exemple, identifier l’organe qui a failli en cas de mort subite du nourrisson ou facilement localiser des projectiles comme des balles de fusil. Il nous suffit ensuite de donner l’information au médecin légiste qui réalisera l’autopsie classique, il saura directement où chercher. Sans ce support de l’imagerie, ce type de recherche peut prendre beaucoup de temps, voire ne jamais aboutir. »

 

Reconstruction d'une trajectoire balistique au CT-scan. (cliquer pour agrandir)
Reconstruction d’une trajectoire balistique au CT-scan. (cliquer pour agrandir)

 

Autre intérêt du scanner pré-autopsie classique: l’identification de maladies infectieuses, comme la tuberculose, dont le médecin légiste n’a pas connaissance. Cela lui permet de prendre toutes les précautions nécessaires pour se protéger d’une éventuelle contamination pendant son travail.

 

Des résultats plus accessibles au tribunal

 

Les images obtenues peuvent être conservées facilement. Elles permettent de réaliser des reconstitutions 3D d’un corps. Elles sont plus claires à produire face à un tribunal. « Ces reconstitution 3D permettent de montrer la manière dont une balle ou un couteau a pénétré dans le corps, une information qui est souvent très intéressante pour les juges. En outres, ces images virtuelles sont plus parlantes et moins difficiles à regarder que des photos qui ne fournissent qu’une seule dimension et qui ne sont pas forcément très lisibles pour des novices. »

 

Des angiographies post-mortem

 
L’intérêt de l’imagerie médicale ne s’arrête pour autant pas là ! Jessica Vanhaebost, médecin légiste dans le même service s’y intéresse également mais cette fois dans le cadre de l’angiographie post-mortem.

 

Plus question cette fois de rechercher une balle ou une fracture, mais bien de se concentrer sur les vaisseaux. « Il s’agit du même type d’examen que celui pratiqué sur les vivants. En pratique, on injecte un produit de contraste dans le système circulatoire et on analyse la diffusion de ce produit dans l’organisme. Ce qui nous permet de voir si une veine ou une artère est rompue ou obstruée », explique-t-elle.

 

Visualisation des cavités cardiaques, du réseau coronaire et du réseau artériel au départ de la crosse de l’aorte. (Cliquer pour agrandir)
Visualisation des cavités cardiaques, du réseau coronaire et du réseau artériel au départ de la crosse de l’aorte. (Cliquer pour agrandir)

Reste que pour que cette technique soit tout à fait efficace, il faut adapter le produit de contraste à la texture des vaisseaux sanguins d’un corps inerte ainsi que la pression à appliquer pour que le produit pénètre dans le système sans l’abimer.

 

Ce sur quoi travaille actuellement Jessica Vanhaebost. « Je m’intéresse plus particulièrement aux fœtus. Et pour cause, leurs vaisseaux sont extrêmement fins et fragiles et jusqu’à présent nous n’avions pas de moyens efficaces pour les étudier. Or, il est important pour des parents de connaître les raisons les plus précises possibles d’un décès in-utéro. Grâce à cette nouvelle technique, nous devrions bientôt pouvoir mieux identifier les malformations cardiaques, les transpositions de grands vaisseaux, etc. Ce qui permettra également de mieux préparer les futures grossesses », conclut la scientifique.

 

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