Données récoltées dans le cadre de l'étude liégeoise et publiées dans "Science".
Données récoltées dans le cadre de l'étude liégeoise et publiées dans "Science".

Pour bien apprendre, n’oubliez pas la sieste

22 août 2016
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

Pour bien mémoriser les apprentissages, pourquoi ne pas faire une petite sieste? C’est ce que proposent des chercheurs de l’Institut des neurosciences de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). De leur côté, les scientifiques de l’Université de Liège (Giga) pointent les effets du manque de sommeil sur le fonctionnement du cerveau. Ici, pas question de sieste, mais bien d’une veille prolongée: 42 heures sans dormir.

 

A Bruxelles, le Dr Charline Urbain, chargée de recherches F.R.S.-FNRS, et le Pr Philippe Peigneux, du Centre de recherche Cognition & Neuroscience (Faculté des Sciences psychologiques et de l’éducation – ULB), ont travaillé avec des enfants âgés d’une dizaine d’années. Ils ont mis en évidence le rôle du sommeil dans l’apprentissage. Une sieste d’une heure trente permettrait de mieux assimiler et mémoriser ces apprentissages.

 

Le rôle du sommeil sur les « mémoires » et la consolidation du souvenir

 

Pendant le sommeil, le cerveau est toujours en activité et deux grands types de mémoire sont alors consolidés: la mémoire «déclarative» liée aux apprentissages de concepts théoriques (par exemple, des définitions) et la mémoire procédurale, relative à des techniques acquises (par exemple, jouer du piano).

 

Par ailleurs, le sommeil joue aussi un rôle-clef dans la consolidation du souvenir: passage de la mémoire « à court terme » à la mémoire « à long terme ». En dormant, les informations sont transférées de l’hippocampe vers des zones du cortex pour une mémoire à long terme.

 

Double test sous le casque de magnétoencéphalograhie

 

Dans un premier temps, les chercheurs ont présenté aux enfants, des images d’objets imaginaires. Chaque objet était assorti d’une définition à apprendre. Grâce à la magnétoencéphalograhie (MEG) de l’hôpital Erasme, qui permet de voir « travailler » le cerveau en direct, les chercheurs ont observé que l’hippocampe était fortement sollicité pour cet apprentissage.

 

Dans un second temps, le groupe d’enfants a été scindé. Une partie a fait une sieste d’une heure trente, l’autre est restée au calme. Tous les enfants sont ensuite retournés dans la MEG où les chercheurs leur ont présenté à nouveau les images d’objets imaginaires, dont ils devaient restituer la définition.

 

La sieste facilite la consolidation de la mémoire

 
« Nous avons remarqué que chez les enfants qui avaient fait une sieste, le cortex préfrontal (et non plus de l’hippocampe) était majoritairement activé. En d’autres termes, avec une courte sieste d’une heure trente, la consolidation de la mémoire (passage au long terme) semble déjà présente chez l’enfant! », souligne Philippe Peigneux, directeur de l’équipe de recherche.

 

« Ce transfert de l’hippocampe vers le cortex préfrontal avait déjà été observé chez l’adulte mais seulement 3 mois après l’apprentissage. Notre étude suggère que le sommeil plus riche de l’enfant lui permet une assimilation plus rapide des nouveaux apprentissages et que la pratique de micro-siestes post-apprentissages pourrait améliorer la consolidation en mémoire », conclut Charline Urbain.

 

Privation de sommeil et rythme circadien influencent l’activité cérébrale

 

Dans le même contexte, une autre étude menée cette fois-ci à l’ULg permet de comprendre comment le cerveau, privé de sommeil pendant 42 heures, se met à dysfonctionner. Ce sont trois doctorants de l’ULg, Vincenzo Muto, Mathieu Jaspar et Christelle Meyer, du Centre de recherches du Cyclotron (GIGA), qui ont réalisé cette étude.

 

Ici aussi, l’imagerie fonctionnelle du cerveau a été mise à contribution. Au total, 33 volontaires belges et britanniques (l’étude a été réalisée en collaboration avec l’université du Surrey) ont été soumis une douzaine de fois à une IRM fonctionnelle sur une durée de 42 heures, durée pendant laquelle ils ont été maintenus éveillés.

 

Les résultats montrent que de nombreuses régions cérébrales diminuent progressivement leur réponse en proportion de la durée de veille préalable. Plus étonnant, la réponse de nombreuses aires cérébrales variait selon un cycle de 24 heures, suggérant la profonde influence de l’horloge circadienne sur le fonctionnement cérébral.

 

Mieux comprendre les effets du décalage horaire

 

« Cette étude confirme par une mesure directe de l’activité cérébrale que notre performance est à tout moment la résultante de deux effets principaux : la dette de sommeil et l’horloge circadienne », explique le neurologue, Pierre Maquet, professeur à l’ULg. « Elle suggère en outre une modulation locale de l’influence circadienne sur le fonctionnement cérébral. »

 

Ces résultats permettent de mieux comprendre les effets délétères du décalage horaire, du travail posté (en pauses) sur les performances humaines mais également ceux de pathologies nerveuses associées à des perturbations du sommeil, notamment les maladies neurodégénératives.

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