Les projets australiens de biocontrôle des carpes ne plaisent pas aux spécialistes liégeois

23 février 2018
par Daily Science
Durée de lecture : 3 min

La biodiversité australienne a un (nouveau) problème. Une espèce envahissante menace les poissons indigènes de ses cours d’eau. Cet envahisseur n’est autre que la carpe commune. Introduite jadis pour une production en ferme piscicole, l’animal a repris sa liberté et a depuis envahi tous les cours d’eau au point de dominer les espèces locales. Ou plus exactement, de menacer leur survie.

Le gouvernement australien ne lésine pas sur les moyens pour résoudre ce problème et opterait pour la lutte biologique : introduire l’herpèsvirus de la carpe, le cyprinid herpèsvirus 3 (CyHV-3, encore appelé Koi Herpèsvirus ou KHV), dans les cours d’eau pour tenter de réduire les populations de l’espèce envahissante.

« Mauvaise idée! » estiment le Dr Maxime Boutier et le Pr Alain Vanderplasschen, de l’Université de Liège. Avec quatre autres scientifiques australiens et britanniques, ils tirent cette semaine la sonnette d’alarme dans le journal « Science ».

Un risque pour les écosystèmes

« Ce type de biocontrôle de la carpe commune comprend de nombreux risques », estiment les chercheurs. « Cette mesure sera non seulement inefficace mais elle représente aussi un risque pour les écosystèmes », indique le Pr Vanderplasschen, directeur du Laboratoire d’Immunologie et Vaccinologie à la Faculté de Médecine vétérinaire de l’Université de Liège.

Le scientifique belge est également un des spécialistes de l’herpèsvirus de la carpe. Ses travaux ont  permis l’an dernier la mise au point de vaccins vétérinaires originaux contre cet herpèsvirus. Une avancée considérable. La carpe est un des principaux poissons élevés pour la consommation humaine en Asie, en Europe de l’Est et au Moyen-Orient. Un véritable pilier économique et alimentaire pour des millions de personnes dans le monde.

Spécialiste en immunologie et « Gentleman farmer »

La dissémination à grande échelle du CyHV-3 sera coûteuse (le plan proposé représente un budget de 18 millions de dollars) et irréversible. Mais surtout des évaluations doivent être réalisées au préalable sur la capacité réelle du virus à réduire durablement les populations de carpes australiennes vivant en liberté sans nuire aux écosystèmes indigènes. Les chercheurs belges et leurs collègues australiens et britanniques plaident pour la mise en place d’essais restreints afin d’évaluer en toute sécurité ces paramètres.

L’avis des scientifiques se fonde notamment sur les travaux menés depuis une dizaine d’années par le Professeur Alain Vanderplasschen à l’origine de la mise au point du premier vaccin contre le CyHV-3.

«La découverte dans notre laboratoire du rôle salutaire de la fièvre comportementale exprimée par les carpes ainsi que d’autres résultats récents indiquent que le plan de biocontrôle du gouvernement australien ne rencontrera pas ses objectifs. Pire, il pourrait même causer des dommages sérieux aux écosystèmes », estime le Pr Alain Vanderplasschen.

Les carpes malades se mettent au chaud pour survivre

«En nous exprimant dans “Science”, nous espérons que la mise en garde ne pourra être ignorée par les autorités australiennes », conclut-il.

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