Dis-moi ce que tu manges, je te dirai quelle langue tu parles

23 novembre 2018
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Au sein de deux pays occidentaux aux dimensions modestes comme la Suisse et la Belgique, des différences notables existent dans les habitudes alimentaires de leurs diverses communautés culturelles.

En Belgique, on ne mange pas tout à fait la même chose en Flandre qu’en Wallonie ni qu’à Bruxelles. En Suisse, le contenu du réfrigérateur des habitants des cantons francophones qui bordent le lac Léman est sensiblement différent de celui de leurs compatriotes baignés par le lac de Zürich.

Étonnant ? Ces constats ont été posés cette semaine à l’École de Santé publique de l’Université Libre de Bruxelles, qui accueillait quelques collègues de l’Université de Lausanne (Suisse). Deux journées d’échanges sur la thématique « alimentation et la santé publique » organisées par Wallonie-Bruxelles International.

Les stéréotypes ont la vie dure, mais ils se vérifient également !

En Suisse, c’est la chercheuse Angeline Chatelan, doctorante à l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive de l’Université de Lausanne, qui pose ce constat.

« Dans la partie germanophone de la Suisse, on mange effectivement plus de saucisses et on boit davantage de bière que dans la partie francophone où on préfère le vin », indique-t-elle en substance. Pour les boissons alcoolisées, elle pointe une similitude avec la Belgique où les francophones consomment plus de vin que les Flamands. Ces derniers étant de plus importants buveurs de bière…

Des tendances qu’elle chiffre au départ des enquêtes suisse et belge de consommation alimentaire réalisées en 2014-2015.

Quatre fois trop de sucreries, trois fois trop de viandes et de graisses

Le constat pourrait prêter à sourire. L’étude de la diététicienne met cependant en lumière l’inadéquation des habitudes alimentaires de la population avec les recommandations officielles. Les Suisses avalent quatre fois trop de sucreries, de snacks salés et de doses d’alcools que les valeurs recommandées par la pyramide alimentaire idéale. Ils mangent trois fois trop de viandes et de graisses d’origine animale tout en accusant un déficit de légumes et de fruits.

En Belgique, Lucille Desbouys, doctorante au Centre de recherche en épidémiologie, biostatistique et recherche clinique de l’École de Santé Publique de l’ULB, a tenté d’identifier les facteurs déterminants l’évolution des habitudes alimentaires chez les jeunes de 17 à 25 ans : un âge marqué par la transition entre la vie estudiantine et l’entrée dans la vie professionnelle.

« Une période de transition où s’acquiert un certain nombre de comportements favorables ou moins favorables pour la santé liés à l’apparition de futures maladies chroniques », rappelle-t-elle. Ses travaux sont basés sur des données de l’enquête de consommation alimentaire réalisée en 2014 en Belgique.

La chercheuse s’est notamment intéressée à l’impact des variables socioéconomiques et culturelles (type de ménage, niveau d’éducation, pays de naissance, langue parlée dans le ménage, région de résidence) pour affiner son travail.

Pour rester dans les comparaisons régionales (et linguistiques) comme évoquées par Angeline Chatelan pour la Suisse, Lucille Desbouys constate elle aussi des disparités de ce type en Belgique.

En ce qui concerne la consommation des fruits et légumes, elle constate qu’on en consomme davantage en Flandre qu’en Wallonie par exemple.

Un constat qui se double du fait que les jeunes adultes vivant en ménage monoparental consomment une plus faible quantité moyenne de fruits et légumes que les jeunes adultes vivant en ménage biparental. Les champions de la consommation de légumes et de fruits étant les couples sans enfants.

Autre constat en matière de boissons sucrées, des trois régions du pays, c’est en Flandre qu’on en consomme le plus.

 

En Belgique une autre dimension sociale importante est également à prendre en compte dans le cadre d’une politique visant à favoriser une alimentation bonne pour la santé : celle des migrations.

« En 2011, 14,8% des résidents belges étaient nés à l’étranger », rappelle Manon Rouche, chercheuse à l’École de Santé Publique de l’ULB. « Avec une situation toute particulière pour la Région de Bruxelles-Capitale où 42% de la population ne sont pas nés dans le pays ».

Son travail se base sur des données de l’enquête « Comportements, bien-être et santé des élèves » (Health Behaviour in School-Aged Children – HBSC) réalisée en 2014 dans des écoles francophones et néerlandophones en Belgique.

Son but ? Estimer les disparités socio-économiques relatives aux habitudes alimentaires selon le statut migratoire des adolescents en Belgique en 2014.

Ses constats : les immigrants ont des comportements alimentaires contrastés. Ils sont généralement plus favorables à la santé en ce qui concerne une bonne consommation de fruits, de légumes et de poisson, mais moins favorables à la santé en ce qui concerne la consommation de chips, frites et de boissons sucrées. Une situation qui tend à évoluer avec le temps suite au phénomène d’acculturation. C’est à dire l’intégration partielle au fil du temps des habitudes culturelles et alimentaires de la population hôte tout en maintenant une partie de ses comportements d’origine.

Au final, Manon Rouche estime que les habitudes alimentaires des adolescents en Belgique ne sont globalement pas favorables à la santé.

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