Dans les labos de l'IPG a Gosselies
Dans les labos de l'IPG a Gosselies

La théranostique déploie ses ailes en Belgique

24 avril 2014
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

La médecine personnalisée devient chaque jour plus concrète. En oncologie, un nouveau test d’analyse génétique des tumeurs solides, mis au point en Belgique, vient désormais compléter l’arsenal médical. Baptisé OncoDEEP, il permet aux oncologues et à leurs patients de caractériser très précisément divers types de cancers. Ce qui ouvre la voie à des thérapies plus ciblées.

 

“Tous les cancers sont différents”, explique le pharmacien industriel Jean-Pol Detiffe, à l’origine d’OncoDNA, la jeune entreprise basée à Gosselies qui a développé le nouveau produit. “Classiquement, on les traite surtout en fonction de leur localisation: le cancer du sein, le cancer des poumons, le cancer de la prostate… Et selon trois approches différentes et souvent complémentaires : la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie”.

 

“Désormais, avec nos tests de profilage moléculaire, nous nous intéressons davantage aux signatures génétiques des tumeurs plutôt qu’à leur localisation. Certains cancers apparemment très différents peuvent avoir comme origine une même série de mutations génétiques. Le savoir permet de proposer des traitements personnalisés, de recommander un médicament utilisé pour le traitement du cancer du sein afin de traquer une tumeur dans le système digestif, et d’ainsi obtenir de meilleurs résultats, notamment en matière de survie des patients”.

 

400 gènes étudiés dans le détail

C’est à l’Aéropôle de Gosselies, près de Charleroi, que cette révolution « théranostique » (un néologisme formé sur les termes “thérapie” et “diagnostique”) a pris son envol l’an dernier. Depuis juin 2013, OncoDNA, propose aux médecins de Belgique mais aussi d’une vingtaine d’autres pays, ses kits de tests moléculaires.

 

Le principe du profilage est simplissime. Un échantillon de tumeur est prélevé chez le patient. Il est figé dans un bloc de paraffine à température ambiante, ce qui évite de devoir passer par de coûteux systèmes de transports réfrigérés.

 

L’échantillon est envoyé à Gosselies par avion. Il y est séquencé dans les laboratoires de l’IPG (l’Institut de Pathologie et de Génétique) qui cible pour l’instant plus de 400 gènes dont les mutations sont connues pour avoir un lien avec le cancer.

 

Des résultats disponibles en une semaine

Les informations obtenues grâce au séquençage du génome des tumeurs ainsi que l’analyse de la présence et de l’activité de certaines protéines clefs sont ensuite transmises par voie électronique à l’oncologue qui peut alors orienter son traitement.

 

La durée de cette analyse est très courte : une semaine environ. Et son coût est relativement abordable grâce aux technologies récentes et performantes de séquençage (un test coûte tout de même entre 990 et 2900 euros, sans remboursement de la sécu !).

 

 Traiter le cancer comme une maladie chronique

Il existe actuellement une vingtaine de molécules thérapeutiques sur le marché. Plusieurs centaines d’autres sont en cours de développement. Avec une connaissance précise du profil précis des tumeurs, l’oncologue peut donc choisir le meilleur des traitements disponibles.

 

“En agissant rapidement et sur base d’analyses moléculaires, cela laisse entrevoir une mutation profonde dans la manière dont on traite les cancers”, souligne Jean-Pol Detiffe. “L’idée est ici de faire évoluer le traitement de ces pathologies vers une prise en charge du type « maladie chronique », un peu comme on traite le SIDA. Au final, cela permet une meilleure et une plus longue survie des patients”.

 

Programme Aurora

Le nouvel outil proposé par la jeune entreprise de Gosselies séduit la communauté scientifique. Le 23 avril, OncoDNA a officialisé sa collaboration avec l’institut Bordet (Bruxelles) dans le cadre du programme de recherche AURORA.

 

Ce programme est porté par le Breast International Group (BIG), créé en 1996 par le professeur Martine Piccart-Gebhart, oncologue et chef de Clinique du Service de Médecine de l’Institut Bordet, dans le but de centraliser tous les efforts de recherche à travers le monde dans le domaine du cancer du sein.

 

OncoDNA a notamment été choisi par le BIG car le test OncoDEEP a été utilisé durant plusieurs mois via une étude pilote menée sur plusieurs dizaines de patients. Les résultats ont été très satisfaisants.

 

Aurora va désormais permettre de tester la technologie d’OncoDNA sur quelques 1300 femmes souffrant de cancer du sein métastasé traitées dans quelque 60 hôpitaux européens afin de déterminer quel gain d’espérance de vie celle-ci peuvent bénéficier grâce à un ciblage moléculaire de leur maladie.

 

Ecoutez Jean-Pol Detiffe préciser la portée de l’étude Aurora

La jeune société innovante de Gosselies a réalisé l’an dernier 400 tests moléculaires de cancers grâce à ses kits. Elle espère en réaliser 2000 cette année.

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