Le placement d'une nouvelle valve aortique par la technique TAVI peut se réaliser par voie apicale (1), transaortique (2), ou transfémorale (3).
Le placement d'une nouvelle valve aortique par la technique TAVI peut se réaliser par voie apicale (1), transaortique (2), ou transfémorale (3).

Très chères valves cardiaques

27 mai 2014
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Les nouvelles sont encourageantes pour les personnes souffrant de problèmes cardiaques. En particulier pour les patients dont le fonctionnement de la valve aortique pose problème et qui sont, en théorie, « inopérables ». Ils peuvent désormais bénéficier d’une nouvelle valve dont la mise en place ne nécessite plus d’intervention chirurgicale classique, comme l’ouverture de la cage thoracique et une opération à cœur ouvert.

 

Leur sésame vers une meilleure qualité de vie s’appelle le TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation). Grâce à cette technique, la nouvelle valve est mise en place dans l’aorte via un cathéter, un fin tuyau qui achemine la valve artificielle à pied d’oeuvre en passant par l’artère fémorale ou via une petite incision entre les côtes par exemple. Plus de grande cicatrice sur la poitrine ni de douleurs postopératoires en perspective.

 

Voici une animation qui illustre le placement d’une valve aortique (source: NEJM video)

Une technique âgée de douze ans à peine

A Paris, la semaine dernière, les derniers progrès dans ce domaine étaient au centre des préoccupations des médecins venus assister à l’EUROPCR, le congrès européen des spécialistes en interventions cardiologiques percutanées. Le Dr Pierre-Yves Etienne, de la clinique Saint-Luc de Bouge (Namur), y était.

 

« Nous pratiquons le TAVI depuis cinq ans », explique le chirurgien belge. « A ce jour, nous avons utilisé cette technique pour 54 interventions, soit environ un dixième de nos patients chez lesquels une nouvelle valve aortique devait être placée. Les autres ont pu être traités par une intervention chirurgicale classique ».

 

Deux poids deux mesures? « Oui et non », explique le Pr Hélène Eltchaninoff, de l’hôpital universitaire de Rouen, où l’équipe de chirurgie fut la première à tester, il y a 12 ans, puis à valider et enfin à utiliser cette technique de manière routinière. « Les indications sont très précises. On n’utilise pas la technique TAVI systématiquement. Elle est réservée aux patients qui ne peuvent être soignés autrement à cause des risques supplémentaires qu’ils présentent comme des problèmes respiratoires, rénaux… »

 

Au CHU de Rouen, ce sont 165 patients qui ont été traités de la sorte en 2013. « L’intervention ne dure plus qu’une heure », souligne le Dr Eltchaninoff. « Nous en pratiquons désormais 4 à 5 par semaine ».

 

Ecoutez le Pr Hélène Eltchaninoff détailler les objectifs et les avantages de cette technique transcathéter.

En Belgique, le recours à cette technique reste confidentiel à cause notamment de son coût: on avoisine les 35.000 euros par intervention (dispositif et placement) Et la sécurité sociale n’intervient pas dans ces frais. Alors… qui paie ?

 

Les autres valves comme nouveaux défis technologiques
« A Bouge, c’est un choix de la Clinique, » reprend le Dr Etienne. « Il y a cinq ans, nous avons commencé à nous intéresser au TAVI parce qu’une catégorie de patients était tout simplement laissée sans alternative. A un certain stade de la pathologie, les médicaments ne sont plus efficaces. Il en va de même de la dilatation de l’artère au ballonnet qui n’offre qu’une solution transitoire et la chirurgie classique s’avère trop risquée.

 

Le TAVI était la seule alternative. Nous avons estimé que ces patients méritaient ce traitement. Nous l’avons donc pris en charge. C’est une démarche strictement privée de l’hôpital et des médecins de Bouge, lesquels mettent la main au portefeuille… En espérant que la situation évolue rapidement du côté de l’Inami. Ce mécénat hospitalier n’est en effet pas tenable ! ».

 

La technique serait par contre réellement “rentable”, d’un point de vue médical. En l’absence d’intervention, les patients inopérables souffrant d’une sténose aortique (le principal problème que connaît la valve aortique) décèdent dans les deux ans. « A Rouen, depuis que nous avons recours au TAVI, nos patients sont toujours en vie… huit ans après l’intervention, souligne le Pr Hélène Eltchaninoff ».

 

Le TAVI apparaît comme une solution prometteuse, sans doute aussi pour d’autres catégories de patients que les « inopérables ». La technologie ne demande qu’à se répandre (les fabricants étaient présents en masse à Paris) mais aussi à se développer. Notamment pour répondre à d’autres catégories de patients valvulaires. Notre cœur, outre la valve aortique, en compte encore trois autres: mitrale, tricuspide et pulmonaire. Ces valves présentent une morphologie différente. Ce qui pose d’autres défis aux médecins, qu’ils soient chirurgiens ou cardiologues.

 

« Avec le TAVI, cela a été une vraie révolution dans la manière de soigner nos patients », conclut le Pr Eltchaninoff. « Pour les autres pathologies valvulaires, la recherche dans ce domaine est en pleine effervescence ».

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