Le moustique tigre a déserté la Belgique

27 juin 2018
par Daily Science
Durée de lecture : 5 min

Les chercheurs de l’Institut de Médecine Tropicale (IMT) et leurs partenaires, dont l’Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique, sont formels. Depuis 2016, plus aucun moustique tigre n’a été repéré dans le pays. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle. L’animal est susceptible de propager des maladies virales comme la dengue, le chikungunya et le virus Zika.

Le moustique tigre a donc déserté la Belgique… Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs se fient à leurs captures régulières de moustiques effectuées dans une vingtaine de sites stratégiques répartis dans le pays.

« Les moustiques exotiques comme le moustique tigre ont pris pied dans le sud de l’Europe aidés par le réchauffement climatique et les échanges mondiaux de personnes et de marchandises », rappelle l’IMT. « Ils progressent vers nos contrées. Pour empêcher ces espèces de s’implanter chez nous, 23 points d’entrée répartis sur tout le territoire font l’objet d’une surveillance étroite. Il s’agit de dépôts de pneus, de jardineries, les ports et aéroports. Le moustique tigre voyage volontiers avec les pneus d’occasion et les bambous. L’eau qui stagne dans les pneus ou qui est transportée avec les plantes est un repaire idéal pour les œufs de ces moustiques.

Cette mission de surveillance a été confiée à l’IMT et ses partenaires par les autorités fédérales et régionales belges, dans le cadre du plan d’Action Nationale Environnement-Santé (NEHAP). Si le moustique tigre n’a plus été repéré depuis 2016 en Belgique. Il n’en va pas de même d’autres espèces exotiques.

Moins de 2% des moustiques en Belgique sont « exotiques »

Sur les 5400 moustiques et larves capturés d’août à novembre 2017 en Belgique par les scientifiques, quelque 2% étaient en effet des moustiques exotiques. On a ainsi noté la présence du moustique asiatique des bois ou Aedes japonicus à Namur et à la frontière allemande. « Sa présence étant liée aux populations de l’Aedes japonicus établies en Allemagne », indique l’Institut.

L’Aedes koreicus, déjà signalé en Belgique depuis 2007, est lui désormais établi dans nos contrées (aux environs de Maasmechelen). « Toutefois, la population est restreinte et ne cause pas de problème. Nos chercheurs suivent cette population de près », dit-on à l’Institut des maladies tropicales.

Un exemplaire de l’Anopheles pharoensis, un moustique africain capable de transmettre le paludisme, a pour sa part été trouvé à l’aéroport de Liège.

« Ce n’est pas parce qu’il y a quelques moustiques exotiques en Belgique qu’il faut s’attendre à des épidémies », indique encore l’IMT. Les moustiques en eux-mêmes ne sont pas un danger. Cependant, ils peuvent transmettre des virus d’une personne à une autre.

Pour ce faire, le moustique doit d’abord piquer une personne infectée. Ensuite, il pourra transmettre le virus en question à une autre personne. Pour que la transmission du virus soit possible, il faut que le virus et le moustique exotique soient présents au même endroit, au même moment. Ceci n’est possible que si la population de moustiques exotiques est suffisamment étendue.

En France, le moustique tigre progresse vers le Nord

En France, la situation concernant le moustique tigre est sensiblement différente. L’animal gagne du terrain. Et… se rapproche de la Belgique.

Les populations de moustiques tigres se sont développées de manière significative depuis 2004 en France. Il est désormais implanté dans 42 départements français, comme le montre la carte ci-dessous.

Ici aussi, les autorités pointent que ce n’est pas parce qu’il s’implante dans une région qu’il faut nécessairement y craindre une épidémie de Zika ou de chikungunya. Certes, des cas de contamination par ce virus ont déjà été diagnostiqués à de nombreuses reprises en France. Il s’agissait essentiellement de personnes ayant contracté la maladie lors d’un séjour dans un pays tiers, essentiellement sous les tropiques.

Le Ministère (français) des Solidarités et de la Santé diffuse également une autre carte du territoire plus explicite à ce propos. Elle recense le nombre et la localisation des cas autochtones de virus transmis par les moustiques exotiques. Deux départements seulement sont ici concernés.

Usutu : un virus africain émergent

Par ailleurs, un « nouveau » virus véhiculé par les moustiques occupe depuis peu les chercheurs français.

Il s’agit du virus Usutu. Caractérisé par des épisodes de surmortalités aviaires, ce virus avait été suspecté chez un patient hospitalisé en 2016 à Montpellier. Un diagnostic confirmé et publié en mai 2018 dans la revue Emerging infectious diseases. Deux souches du virus ont été détectées chez les moustiques en Camargue, dont une est mise en cause dans ce cas humain de 2016.

« C’est un virus transmis par les moustiques qui circule chez les oiseaux. Il peut s’attaquer au système neurologique de certains oiseaux, comme les merles noirs, et provoquer chez eux des mortalités importantes. Il a été découvert la première fois en 1959 en Afrique australe, au Swaziland » , révèle Serafin Gutierrez, chercheur virologiste au Cirad.

Ce virus appartient au genre des Flavivirus auquel appartiennent aussi les virus de la dengue, de la fièvre jaune, du Zika, de l’encéphalite japonaise et de la fièvre du Nil occidental.

« Nous avons été confrontés au virus Usutu alors que nous recherchions des virus associés aux moustiques sur le pourtour méditerranéen, et c’est ainsi que nous nous sommes intéressés à lui ». En Camargue, les chercheurs du Cirad l’ont détecté dans les moustiques de l’espèce Culex pipiens , vectrice également d’autres arbovirus. « Nous avons montré que le virus a circulé activement chez cette espèce de moustique en Camargue en 2015 car on l’a détecté de façon répétée dans plusieurs sites de juin à septembre » , précise le Dr Gutierrez. Deux souches du virus ont été détectées, dont une est mise en cause dans le cas humain à Montpellier, et l’autre dans des mortalités d’oiseaux en Europe en 2016 .

Seuls 28 cas d’infections humaines ont été rapportés en Europe ces 10 dernières années pour ce virus. Aucune de celles-ci n’a été mortelle mais certaines ont causé des atteintes neurologiques sévères.

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