Qui sont ces héros du quotidien ?

28 décembre 2017
par Céline Husson
Durée de lecture : 4 min
“Petit manuel pour héroïnes et héros en devenir” – Presses Universitaires de Namur. VP 15€, VE 10€

La figure du héros charismatique était au centre du « Festival dont vous êtes le héros », organisé en avril 2015 par le Forum Universitaire pour la Coopération Internationale au Développement (Fucid) de l’Université de Namur. Et particulièrement ceux, moins connus, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Le « Petit manuel pour héros et héroïnes en devenir » est la synthèse et le prolongement du « Festival H ». Dirigé par le Pr Marcel Rémon, cet ouvrage met l’accent sur la complexité du héros charismatique et permet de mettre en lumière les différentes figures héroïques.

« Héros », une notion subjective

De nombreux noms de héros viennent facilement à l’esprit : Nelson Mandela, Che Guevara, Martin Luther King ou Mahatma Ghandhi. Mais quelles sont les caractéristiques fondamentales du héros ? Il force l’admiration ? Oui, mais « le héros des uns n’est pas nécessairement celui des autres », précise Stéphane Leynens, professeur de philosophie à l’UNamur. Il est courageux ! Peut-être, mais une fois de plus, ce qui est du courage pour les uns peut constituer de la lâcheté pour les autres.

« Le déserteur de Boris Vian qui écrit au Président pour lui faire part de son refus de combattre est un exemple paradigmatique de courage pour les uns, mais en même temps une personnification du vil lâche pour les autres ».

Des figures parfois controversées

Il est forcément altruiste ? Question difficile puisque l’altruisme suppose le désintéressement total. Mère Teresa, la mère des orphelins du Caire, n’agissait-elle pas aussi afin de se donner bonne conscience ?
Et si l’on parle d’actes désintéressés, comment considérer ceux des kamikazes ? Bien entendu, la question est indissociable des valeurs mises en jeu. Alors, on peut certainement s’accorder sur le fait que le héros produit des exploits ? Non… Le courage de s’exposer à un char d’assaut, a-t-il vraiment plus de valeur que la sagesse d’une Malala qui se bat pour le droit à l’éducation ?

« Les héros cristallisent les aspirations d’une communauté ou d’un peuple à un monde plus juste et meilleur », préfère définir Stéphane Leynens.

 Les héros et… les héroïnes du quotidien

L’histoire de l’héroïsme s’écrit bien souvent au masculin. Pourtant, les femmes de manquent pas. Dans beaucoup de sociétés, la figure du héros est tributaire de force physique et d’actes extraordinaires.

Mais Marcela de la Peña Valdivia et Carla Sandoval, de l’ONG “Le monde selon les femmes“ne le voient pas ainsi. Pour elles, une femme héroïque fait preuve de « bravoure extraordinaire ». Par des actes quotidiens qui visent à prendre soin de leurs familles, de leurs communautés, tout en faisant face à la violence, la maladie, la pauvreté et la faim.

Máxima Acuña Chaupe est surnommée la « dame de la lagune bleue ». Elle habite sur les rives de la Laguna azul, au Pérou. Durant 5 ans, elle s’est opposée à la compagnie minière Yacocha, l’une des plus grosses transnationales d’exploitation du monde. Celle-ci avait pour projet de transformer les terres de la région en gigantesque mine d’or à ciel ouvert. Refusant une somme d’argent généreuse en contrepartie de son départ, la « dame de la lagune bleue » s’est exposée à l’ire de la police nationale et milices privées de l’entreprise. Saccages, violences et intimidations de sont pourtant pas venus à bout d’elle. Soutenue par des organisations régionales et internationales, et par des associations de femmes, elle est parvenue à faire valoir ses droits. Elle a finalement été acquittée et ne sera pas expulsée.

Nouveau paradigme de lutte sociale

Ces combats sont aussi ceux de femmes qui s’opposent à leur famille et à leur mari, et qui tentent de se faire respecter des hommes. Bien souvent, ces femmes ne sont pas reconnues comme des héros. Et elles ne le demandent pas. Pourtant, selon les auteurs, toute société y gagnerait. « Elles proposent un nouveau paradigme de lutte sociale pour la viabilité de la vie, car sans l’apport de ces femmes, les réalités de beaucoup de personnes changeraient dramatiquement : celles de leurs familles mais aussi celles de leurs communautés », écrivent-elles.

 « En cette période de super-héros », conclut Marcel Rémon, « l’héroïsme simplement humain semble dépassé. Et pourtant, il hante nos rêves, nos espoirs. (…) Contemplons-les, ces héros du Sud et d’ailleurs. (…) Avec eux, nous partageons la même humanité, les mêmes ressources d’indignation, de résistance et de résilience. Serons-nous au rendez-vous qu’ils nous donnent ? ».

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