L’astronomie au féminin



29 décembre 2014
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

« Astronomie ». Le nom de cette science est du genre féminin. Paradoxalement, les spécialistes de cette discipline sont quasi exclusivement des hommes. L’astronomie serait-elle une science machiste ?

 

"L'astronomie au féminin", par Yaël Nazé, CNRS Editions.
“L’astronomie au féminin”, par Yaël Nazé, CNRS Editions.

L’ingénieur en télécommunications et docteur en Sciences Yaël Nazé, (Institut d’astrophysique de l’Université de Liège), s’est étonnée de cette situation. En 2006, elle consacrait un livre aux femmes astronomes. Un ouvrage couronné par divers prix qui vient de faire l’objet d’une réédition augmentée et mise à jour.

 

Où sont les femmes en astronomie ? Yaël Nazé les a retrouvées.  Avec un constat : elles sont quasiment partout, même si l’Histoire n’a pas retenu leur nom, préférant celui de leur patron, de leur mari, de leur frère…

 

Sophie ? La sœur de Tycho Brahe !



 

Brahe, par exemple. Le fameux astronome danois (1546-1601) qui fit construire l’observatoire d’Uraniborg, avait une sœur : Sophie. C’est avec elle qu’il élabora divers catalogues de positions planétaires qui permirent à Kepler de découvrir les lois relatives au mouvement des planètes autour du Soleil.

 

Le Dr Nazé, chercheur qualifié FNRS, pointe aussi des situations moins souriantes. Certes, d’un point de vue scientifique, les femmes astronomes ont tout autant fait prodigieusement avancer la Science que leurs collègues masculins. Question reconnaissance publique, cela laisse parfois (souvent même!) à désirer. Le cas de Jocelyn Bell Burnell est édifiant à ce propos.

 



Jocelyn et la découverte des pulsars



 

La jeune étudiante Jocelyn Bell a été à l’origine de la découverte des pulsars : des étoiles qui pulsent, qui émettent des « bips », comme le rappelle Yaël Nazé. L’article scientifique annonçant cette découverte a été co-signé par deux scientifiques en 1968. Hewish, le patron de Jocelyn Bell, en était le premier auteur. Bell ne signant qu’en seconde place. Quelques années plus tard, Antony Hewish bénéficiera seul du Prix Nobel pour cette découverte !

 

De l’histoire ancienne ?  Dans « l’Astronomie au féminin », Yaël Nazé propose une série de portraits de femmes qui « ont fait l’astronomie ». Y compris très récemment. La scientifique de l’Université de Liège mentionne ainsi le nom de l’astronome française Catherine Césarsky, qui fut de 1999 à 2007 la première femme (et la seule à ce jour) « directeur général » de l’ESO (l’Observatoire austral européen). Madame Césarsky présida également l’Union astronomique internationale (UAI) de 2006 à 2009.

 



En Belgique, 17 % des astronomes sont des femmes

 

La féminisation de certains postes en vue dans la communauté astronomique internationale ne doit cependant pas occulter l’autre réalité du secteur. Sur les 10.600 membres (tous astronomes professionnels) que compte l’UAI en 2014, Yaël Nazé rappelle dans son livre que moins de 16 % sont des femmes. Avec bien entendu des disparités par pays.

 

Les astronomes du Vatican sont exclusivement des hommes par exemple. Au Honduras, 50 % des astronomes sont des femmes ! Mais ici avec un biais statistique important. La délégation de ce pays à l’UAI ne compte que deux astronomes : un homme et une femme !

 

Parmi les grands pays membres de l’UAI, on retrouve des proportions plus encourageantes en matière de genre. Aux Etats-Unis, 14 % des astronomes sont des femmes. En France, elles représentent 25 % du contingent. Et en Belgique ? On arrive à 17 %. Mais c’est une moyenne ! “Dans mon Institut, à Liège, nous sommes deux femmes astronomes”, précise l’astrophysicienne…

 
 

Yaël Nazé manie autant la plume que les algorithmes

 

Hasard du calendrier, alors que la réédition de « l’Astronomie au féminin » vient de sortir de presses, Yaël Nazé se voit également récompensée par le Prix Roberval 2014, dans la catégorie « Grand public », pour son précédent ouvrage « Voyager dans l’espace », publié lui aussi chez CNRS Éditions voici un an.

 

Parallèlement à ses recherches sur les propriétés multi-longueur d’onde des étoiles massives (isolées ou en amas), l’astronome belge excelle également dans la vulgarisation des Sciences. « C’est mon hobby », dit-elle. « Certains aiment faire du vélo pendant leur temps libre, moi, c’est la communication des sciences ».

 

Les ouvrages s’accumulent depuis dix ans, dont  “A la recherche d’autres mondes – les exoplanètes“, publié en 2013 aux Editions « l’Académie en poche », de l’Académie Royale de Belgique. Les récompenses aussi !

 

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