Chercheurs et sportifs, les Belges Gilles Denis et Nathan Goffart préparent l'expédition Nanok © Guille Gil

Un triathlon des glaces au service de la recherche sur le climat

1 avril 2021
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Traverser en autonomie complète la calotte polaire groenlandaise d’ouest en est. Longer ensuite la côte en kayak sur mille kilomètres. Réaliser enfin une ascension verticale d’une des plus grandes parois du sud du Groenland. L’expédition Nanok, des Belges Gilles Denis et Nathan Goffart, est assurément sportive. Elle est aussi scientifique.

Les deux hommes, qui se préparent activement à mener cette expédition glaciale en avril 2022, vont doubler leurs exploits sportifs d’une série de prélèvements de données à l’usage de scientifiques restés en Belgique. Actuellement en Suède, dans le Sarek, le vaste parc national du nord du pays, pour tester le matériel, le duo souhaite recueillir un maximum de données sur les environnements qu’il vont rencontrer.

Affiner les modèles numériques avec des données de terrain

« Au cours de la traversée de l’inlandsis, la calotte polaire groenlandaise, nous allons collaborer avec des chercheurs de l’Observatoire Royal de Belgique (ORB), mais aussi de l’université libre de Bruxelles (ULB) et de l’Université de Liège (ULiège) », explique Gilles Denis, physicien de l’UCLouvain.

« Sur nos pulkas (les lourds traîneaux qu’ils vont tirer derrière eux sur 600 km), il y aura une antenne GNSS et son récepteur satellite. L’idée est d’emmagasiner des données sur la qualité de l’ionosphère, mais également de mesurer en continu l’élévation de la calotte de glace que nous traversons. Ceci afin de comparer ces informations de terrain avec ce que disent les modèles numériques utilisés par les chercheurs. Le but étant de mieux pouvoir les calibrer à l’avenir. »

Skieur tirant une pulka © Gilles Denis et Antoine Denis

Le phosphore modifie l’albédo de la glace

À intervalles réguliers, les deux hommes vont également récolter, durant cette traversée glaciaire, des échantillons de neige et de cryoconite, cette couche de particules foncées qui s’accumulent à la surface de la neige et des glaciers. Ces échantillons seront ensuite expédiés à l’ULB où leurs différents composants seront analysés.

« De quoi permettre de déterminer la provenance des poussières contenues dans chaque échantillon », reprend Gilles Denis. En analysant ces poussières et en déterminant leurs origines, les chercheurs devraient pouvoir mieux calibrer leurs modèles de la circulation atmosphérique globale.

Les traces de phosphore retrouvées dans la neige seront également identifiées. « Cet élément permet la croissance d’un certain type d’algues sur la glace », précise le physicien. « Une algue qui, quand elle se développe, modifie l’albédo de la glace. En la rendant plus foncée, elle induit une accélération de sa fonte sous l’effet du rayonnement solaire. »

Essai du matériel © Guille Gil
Gilles Denis et Nathan Goffart © Guille Gil

Relevé des précipitations

Le troisième volet scientifique de cette traversée de l’inlandsis devrait bénéficier aux chercheurs de l’ULiège, mais également du GEUS, le Centre de recherche géologique du Groenland et du Danemark.

Chaque soir, il s’agira pour les deux aventuriers de creuser une fosse dans la neige et de déterminer le profil vertical des différentes couches rencontrées. L’idée est de calculer la profondeur des précipitations annuelles. Un peu comme les cernes de croissance d’un arbre racontent à leur manière les conditions météorologiques rencontrées au cours d’une année, ces strates neigeuses donnent une indication sur le volume des précipitations totales de l’année sur la calotte glaciaire. De quoi, encore une fois, affiner les modèles numériques.

Chasse aux micro-plastiques marins

Lors de la seconde partie de leur triathlon des glaces, quand ils longeront sur un millier de kilomètres la côte Est du Groenland en kayak, en direction de la pointe sud de cette île grande comme trois fois la France, c’est un dispositif aquatique qui sera mis en œuvre par les deux hommes, au profit d’une recherche portée par l’ULB.

« Doté d’une petite hélice, il mesurera des débits d’eau. Il récoltera également sur une distance quotidienne d’un kilomètre les micro-plastiques flottant dans cette partie de l’océan. En théorie, ces eaux côtières devraient encore être particulièrement préservées de ce type de pollution.»

L’expédition Nanok démarrera dans un an, en avril 2022. Le test actuel du matériel réalisé en Laponie suédoise doit permettre d’identifier les éventuels problèmes techniques et d’y remédier. Mais aussi de déterminer les meilleurs protocoles de récolte des données ainsi que les volumes optimaux d’échantillons à recueillir.

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