Dormir rend plus fort mentalement et physiquement

3 février 2023
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
« Le sommeil, c’est bon pour le cerveau », par Steven Laureys. Editions Odile Jacob. VP 22,90 euros, VN 17,99 euros

Un Belge sur trois ne dort pas bien, tout comme un Français, un Suisse ou un Québécois. La plupart des étudiants souffrent d’un manque de sommeil. Dans les hôpitaux, cette insuffisance peut être à l’origine de fautes médicales. Dans «Le sommeil, c’est bon pour le cerveau», le neuroscientifique Steven Laureys explique ce qu’on en sait et ce qu’on pense en comprendre. Son livre vient de paraître aux éditions Odile Jacob.

Avec l’appui de la science

Responsable du Centre du cerveau au CHU de Liège, le Dr Laureys veut aider le grand public. En décryptant le sommeil. En donnant des conseils fondés scientifiquement. Pour tout âge et tout problème.

«Il ne s’agit pas d’un manuel d’exercices pour vous aider à mieux dormir», précise le directeur de recherche au Fonds national de la recherche scientifique (FRS-FNRS). «Il s’agit simplement de quelques conseils, de petits trucs et astuces que j’ai moi-même essayés. Ou que je propose à mes patients.»

«Steven Laureys, un alpiniste chevronné des neurosciences de la conscience et de l’inconscient, s’est attaqué ici à deux puissants cols de moyenne altitude: l’éveil et le sommeil», constate le Pr Robert Poirrier, fondateur du Centre des troubles du sommeil au CHU de Liège. «Il nous livre un livre riche de son expérience la plus large. Celle-ci nous guidera, avec sécurité, sur les pistes scientifiques les plus actuelles. Et en même temps, sur des étapes quotidiennes de notre existence.»

Croissance et musculation nocturnes

Lors de la phase de sommeil profond, l’hypophyse, située à la base du cerveau, produit l’hormone essentielle à la croissance des enfants. Chez l’adulte, l’hormone de croissance rend plus fort physiquement. Renforce la masse musculaire.

«Ce pic de sécrétion est lié aux grandes ondes delta», explique le membre de l’Académie royale de médecine de Belgique et de la Fondation européenne du sommeil. «Nous n’en comprenons pas encore le mécanisme précis, mais nous pouvons observer un lien évident. Les gens qui s’endorment tard et ratent leur premier cycle de sommeil ne connaissent pas ce pic.»

«Par ailleurs, lorsque vous dormez, vous renforcez aussi votre masse osseuse. Et grâce à l’hormone de croissance, vos vaisseaux sanguins se régénèrent et vous brûlez les graisses. L’hormone de croissance lutte aussi contre les signes de vieillissement – la Belle au bois dormant n’est donc pas un mythe.»

En temps de pandémie

«Le sommeil augmente votre résistance aux maladies», assure Steven Laureys qui est au Québec en tant que professeur invité au centre de recherche en neurosciences Cervo de l’Université Laval. «Si vous dormez moins de 6 heures, vous avez plus de risque d’avoir un rhume qu’une personne qui dort au moins 7, voire plus. En ces temps de pandémie, c’est une raison suffisante pour respecter ses heures de sommeil.»

Les scanners cérébraux montrent qu’il faut dormir pour bien fonctionner psychologiquement, émotionnellement. Acquérir de nouvelles connaissances. Emmagasiner des informations. Créer.

«Nos études ont révélé, notamment, que le sommeil était crucial pour la mémorisation et pour la guérison après un traumatisme cérébral», dit le chercheur. «La frontière entre l’état de veille et le sommeil permet d’accéder à des approches plus innovantes. Une porte s’ouvre sur un mode de réflexion plus associatif. Ce qui peut être bénéfique lorsque l’on retourne un problème compliqué dans tous les sens en quête d’une solution.»

Commencer l’école plus tard

Seulement 15% des adolescents dorment les 9 heures recommandées. Un quart d’entre eux ne dorment que 6 heures.

«Il est bon, voire indispensable que les enfants puissent encore faire la sieste à la crèche et au cours de leur première année en classe maternelle», juge le conférencier au Collège Belgique. «Il a été prouvé à maintes reprises que commencer l’école plus tard influencerait positivement les résultats des étudiants. Commencer une heure plus tard contribuerait significativement à une augmentation de leur concentration. Et pourrait faire la différence entre un bon et un mauvais bulletin.»

«Les adolescents tireraient grandement profit d’un glissement du début des cours vers 9 h 30-10 heures. Lorsqu’ils doivent commencer à écouter à 8 h 30, la moitié d’entre eux sont distraits ou s’endorment. Les experts du sommeil sont quasiment unanimes pour dire que la société doit mieux s’adapter aux besoins des jeunes. Et non le contraire.»

«Le principal message que j’essaie de faire passer, c’est que nous devons absolument arrêter de considérer le sommeil comme du temps perdu», conclut le Pr Steven Laureys.

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