Découverte d’un petit lama immergé au lac Titicaca

3 septembre 2020
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Les fouilles subaquatiques, menées depuis plusieurs années au lac Titicaca (à cheval sur le Pérou et la Bolivie) par l’archéologue de l’ULB Christophe Delaere, livrent de nouvelles découvertes. Le chercheur-plongeur a mis la main sur un coffret en pierre, immergé par quelque 5 mètres de fonds. Sous son couvercle, il a découvert une double offrande inca:  un petit lama sculpté dans un coquillage de 2,8 sur 4 cm, et une feuille d’or enroulée sur elle-même.

Le lac Titicaca est situé dans les Andes, entre la Bolivie et le Pérou. C’est le plus grand lac d’Amérique du Sud. Il revêtait une grande importance pour de nombreuses cultures andines, dont celle des Tiwanaku et des Incas.  « Nous savions que les Incas faisaient des offrandes rituelles et qu’ils les faisaient dans le lac », indique José Capriles, professeur adjoint d’anthropologie à l’Université de Pennsylvanie, qui cosigne l’article scientifique sur cette découverte avec Christophe Delaere.

Des fouilles bruxelloises depuis 2012 autour des îles du côté bolivien

« Les chroniques des 16e et 17e siècles indiquent qu’on y immergeait régulièrement des offrandes. En 1977 déjà, des plongeurs amateurs y avaient découvert divers objets pouvant faire partie d’offrandes. Entre 1988 et 1992, des plongeurs professionnels ont étudié la zone du récif de Khoa et y ont trouvé des artefacts préincas et incas, notamment des boîtes en pierre avec des figurines », précisent les chercheurs. Toutefois, c’est près de l’archipel de K’akaya, également dans la partie bolivienne du lac, que la découverte du petit lama a été faite.

« Depuis 2012, l’Université libre de Bruxelles a mis en place un programme de recherche dans le but de localiser et d’inventorier le patrimoine sous-marin du lac Titicaca », rappelle  Christophe  Delaere. « Notre équipe a effectué des relevés systématiques autour des îles et des récifs de la partie bolivienne du lac Titicaca ».

La présence de ce lama montre que ces boîtes contenaient des objets précieux, estiment les chercheurs. Quant à la feuille d’or enroulée, elle représenterait une version miniature d’un « chipana », un bracelet habituellement porté par la noblesse inca à l’avant-bras droit. Les chercheurs précisent aussi que le lieu le plus proche où les Incas pouvaient se procurer une coquille de spondyle, une sorte d’huître épineuse, se situe dans les eaux chaudes de l’océan côtier, au large de la côte équatorienne.

L’archipel de K’akaya est situé à l’ouest de la baie de Challapata, sur la rive orientale du lac Titicaca. Il est constitué d’une île principale et de trois petites îles. Le récif de K’akaya est le dernier îlot de la petite chaîne. C’est à ses pieds que les plongeurs y ont récupéré la boîte à offrandes, que les courants avaient érodée d’un côté. La boîte était hermétiquement fermée par un bouchon circulaire en pierre, mais pas de façon étanche. Dans la boîte, sous le limon qui s’était infiltré, reposaient le lama sculpté et la feuille d’or roulée.

Haut lieu rituel des Incas

La découverte de cette boîte confirme aux chercheurs que le lac Titicaca était un lieu d’activités rituelles et cérémonielles pour les Incas. Des offrandes similaires ont été retrouvées dans d’autres parties de ce qui était l’Empire inca. Les chercheurs pensent que le lac a joué un rôle important dans la consolidation de l’empire.

L’Empire inca rayonnait de Cuzco au Pérou. Le lac Titicaca est un point central. Des preuves archéologiques antérieures indiquent que de nombreuses îles, récifs et archipels contiennent des ruines de temples et d’autres architectures monumentales.

« La plupart de ce que nous savons des Incas en dehors de l’archéologie vient des Espagnols », dit encore José Capriles. « Ces informations montrent que le lac Titicaca était un centre de pèlerinage pour les Incas, mais qu’il servait également de point de convergence pour des alliances avec d’autres groupes ».

« Un des objectifs de notre étude archéologique sous-marine était d’identifier l’existence de sites d’offrandes et, à notre grande surprise, nous en avons trouvé au moins un », indique de son côté Christophe Delaere, cité dans un communiqué de l’Université de Pennsylvanie. « Nos travaux débouchent non seulement sur l’une des rares découvertes d’une offrande sous-marine inca intacte, mais aussi sur le fait que celle-ci ait été faite à un endroit différent de ceux où des découvertes du même genre ont déjà été faites. Ce qui a une implication importante pour la compréhension de la relation entre l’Empire inca en expansion, les communautés locales qui vivaient autour du lac, et le lac Titicaca lui-même avant le contact avec les Européens », conclut-il.

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