Fortes inégalités des salaires en Europe

4 janvier 2018
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
«Inégalités salariales dans les pays européens» par François Ghesquière -éditions de l’Université de Bruxelles. VP 22€
«Inégalités salariales dans les pays européens» par François Ghesquière -éditions de l’Université de Bruxelles. VP 22€

À l’issue de 4 années de recherches menées dans le cadre d’une thèse de doctorat, François Ghesquière publie «Inégalités salariales dans les pays européens» aux éditions de l’Université de Bruxelles. Le collaborateur scientifique au Centre de recherche Metice de l’Institut de sociologie (ULB) a bénéficié de l’aide du Fonds de la recherche scientifique (F.R.S.-FNRS). Et de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS).

Pour un vaste public

«Aborder les inégalités par rapport au marché du travail à travers le salaire m’a semblé pertinent et intéressant pour plusieurs raisons», explique le sociologue. «D’abord, le salaire constitue la principale source de revenus d’une majorité de la population, et la vie sera tout à fait différente selon le niveau de revenu. Ensuite, le salaire est un enjeu de la relation de travail formalisée par un contrat ou un statut. C’est lui qui fait que, dans nos sociétés contemporaines, les activités productives sont organisées sous la forme communément désignée par l’expression marché du travail. Enfin, cet objet soulève de nombreuses questions. En effet, il n’existe pas un salaire, mais plusieurs salaires. Nets, bruts, différés dans le temps

Ce livre est destiné aux chercheurs en sciences sociales, responsables politiques, interlocuteurs sociaux et aux curieux intéressés par les différences salariales. Son objectif est double. Apporter une réflexion méthodologique sur la manière d’étudier les inégalités sur le marché du travail. Mettre en évidence des mécanismes qui produisent, renforcent ou limitent les inégalités.

La Wallonie, une des régions les plus égalitaires

Décrire l’ampleur des inégalités salariales au sein des pays européens n’est pas une mince affaire. Pour calculer les différences, François Ghesquière prend en compte la population active qui perçoit directement un salaire. La question de l’inclusion des indépendants s’est posée. La distinction indépendants-salariés n’est pas toujours très nette. Comme elle est avant tout juridique, nationale, il n’a pas été possible de l’utiliser de manière rigoureuse dans cette comparaison internationale.

L’expert en inégalités sociales commence par étudier le salaire brut total annuel au niveau des personnes. Il utilise le coefficient de Gini, la mesure de l’inégalité de revenu développée par le statisticien italien Corrado Gini décédé en 1965. Cet indicateur varie de 0, égalité parfaite, à 1, inégalité parfaite. En Wallonie, pour les revenus de 2015, ce coefficient valait 0,250 selon les Statistics on Income and Living Conditions (SILC). Ce qui en fait une des régions les plus égalitaires d’Europe.

Le chercheur emploie la Qualitative Comparative Analysis pour explorer les inégalités salariales entre 2003 et 2009. Les écarts entre les pays sont bien plus importants que les écarts entre les années. Les pays égalitaires étaient, en ordre décroissant, le Danemark, Malte, la Slovaquie, la République tchèque, la Belgique, la Finlande, la Norvège, la Slovénie, la Suède, l’Italie, l’Islande, la France, Chypre et l’Autriche. Le groupe des pays inégalitaires comprenait le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Lettonie, la Lithuanie, l’Irlande, la Grèce, le Royaume-Uni, la Roumanie, la Pologne et le Portugal.

L’influence des conventions collectives et de la syndicalisation

«En analysant les inégalités au niveau sociétal, je suis arrivé à la conclusion que le taux de couverture par des conventions collectives et, dans une moindre mesure, le taux de syndicalisation permettent de comprendre les variations de l’ampleur des inégalités salariales en Europe occidentale. Les pays les plus égalitaires sont ceux où ces deux taux sont les plus élevés.»

Dans les grands pays, l’effet du taux de couverture par des conventions collectives est plus important que celui de syndicalisation. A contrario, c’est le taux de syndicalisation qui joue un rôle crucial dans les petits pays.

François Ghesquière note aussi des effets indirects. Le taux de syndicalisation, le degré de centralisation de la négociation collective et les mécanismes d’extension des conventions collectives aux entreprises non-signataires réduisent les inégalités.

«Il serait intéressant de voir si ce résultat peut être étendu aux autres pays riches de la planète. Je pense en particulier aux pays d’Amérique du Nord, à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande

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