Requin-baleine entouré de plongeurs à Madagascar © Simon J. Pierce

Les jeunes requins-baleines apprécient les eaux malgaches

4 janvier 2022
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Les requins-baleines (Rhincodon typus) portent un nom qui peut prêter à confusion. Mais qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit bien de poissons (des requins, donc), qui empruntent aux baleines (des mammifères) leurs dimensions imposantes. « Les requins-baleines sont même les plus grands poissons connus à ce jour », souligne la biologiste Stella Diamant. « Nous avons observé des spécimens grands de 8 mètres de long ». Et encore, il ne s’agissait que de jeunes immatures », précise la Bruxelloise, qui a fondé en 2018 la « Madagascar Whale Shark Project ».

Deux études scientifiques qu’elle a dirigées viennent d’être publiées. La plus récente permet de mieux cerner la distribution géographique des jeunes requins-baleines au large de Nosy Be, une île côtière au nord-ouest de Madagascar. « La zone peut dorénavant être considérée comme un ‘hotspot’ mondial pour cette espèce encore très mystérieuse », assure la chercheuse. « Quand les individus ne sont pas en surface pour se nourrir, ils évoluent par 2.000 mètres de profondeur.»

Requin-baleine © Simon J. Pierce

Des taches sur la peau en guise de carte d’identité

Chaque année, entre septembre et décembre, les requins-baleines se rassemblent dans les eaux côtières au large de Nosy Be. Stella Diamant et son équipe ont entrepris en 2015 de compter et d’identifier ces gros poissons placides. Quand ils remontent en surface pour se nourrir, ils ne consomment généralement que du plancton, des poissons ou des oiseaux barbotant en surface.

« Leur identification passe par la photographie », précise la biologiste. « Leur dos présente une série de taches caractéristiques, uniques pour chaque animal, un peu comme une empreinte digitale. Comparer les photos, plongée après plongée, nous permet d’identifier avec certitude chaque individu et de déterminer s’ils reviennent ou non chaque année au large de l’île à la même période. »

Au cours de l’étude, menée entre 2015 et 2019, les requins-baleines étaient aperçus alors qu’ils recherchaient des poissons-appâts à la surface. Il s’agissait principalement de thons maquereaux (Euthynnus affinis) mais aussi des oiseaux de mer (Sternidae). Un total de 408 requins-baleines ont été identifiés individuellement au cours de cette période. Tous les individus étaient immatures, longs entre 3 et 8 mètres, et 82% des individus sexués étaient des mâles.

La fidélité de ces poissons pour cette région malgache n’est cependant pas extraordinaire. Sur cette période, 72% des individus n’ont été observés qu’une seule fois. Et en général, ils ne restaient dans la zone qu’une semaine en moyenne. Dix spécimens ont, par contre, été observés chaque année au cours de ces cinq saisons d’observation.

Requin-baleine entouré de touristes plongeurs © Simon J. Pierce

Écotourisme et protection de l’environnement

« Nager avec les requins-baleines est devenu une activité touristique importante dans la région, dénuée de tout danger pour les plongeurs », constate Stella Diamant. C’est d’ailleurs là ce qui l’a amenée à quantifier l’impact de cet écotourisme sur l’économie locale. Dans une étude récemment publiée, elle montre que les visiteurs venus spécialement pour observer les requins-baleines dépensent sensiblement plus (55%) que ceux qui découvrent ces poissons par hasard.

« Au cours des trois mois marqués par la présence des requins-baleines, les revenus pour l’industrie touristique de Nosy Be s’élèveraient à 1,5 millions de dollars », indique Stella Diamant. « Et 88,9 % des touristes seraient plus enclins à choisir une destination où les requins-baleines sont protégés. Ce qui plaide pour des efforts de conservation plus importants.»

« Bien qu’ils soient menacés d’extinction à l’échelle mondiale, les requins-baleines ne sont pas officiellement protégés dans les eaux malgaches et sont menacés par les prises accessoires de la pêche, les collisions avec les navires et la pollution », précise encore la chercheuse.

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