Le choix de l’Amérique du Nord, sans hésitation

4 avril 2018
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Série (2) / Chercheurs « WBI » à Montréal 

Les liens entre les scientifiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles et le Québec sont riches et multiples. Quatre scientifiques belges actuellement à Montréal en témoignent.

 

Après un Master en sciences biomédicales à l’Université de Liège, Thomas Lejeune a rejoint pendant un an une entreprise pharmaceutique. Une expérience qui l’a décidé à se lancer dans un doctorat. Sa spécialisation?  La physiopathologie du système digestif. Son itinéraire? Chargé!

Actuellement en troisième année de doctorat au sein du laboratoire de Valérie Abadie, à l’Université de Montréal, le scientifique s’intéresse plus particulièrement à la maladie cœliaque l’intolérance au gluten. Une maladie auto-immune.

« Cette maladie est connue depuis des dizaines d’années », explique-t-il. « À Montréal, j’essaie de mettre au point un modèle murin de cette pathologie. Un modèle qui résume l’ensemble de la symptomatologie de la maladie clinique ».

Mieux cerner le rôle des lymphocytes B

L’idée est de « fabriquer » une souris génétiquement modifiée qui exprime le paysage génétique de la maladie cœliaque. « Si nous réussissons, nous disposerons alors d’un outil formidable pour mieux comprendre cette maladie », précise-t-il.

« La deuxième partie de mon doctorat visera alors à exploiter ce modèle et à tenter de mieux cerner le rôle joué par les lymphocytes B dans cette pathologie. »

« Nous connaissons déjà le rôle joué par d’autres lymphocytes dans cette maladie : les lymphocytes T. Nous avons aussi que les lymphocytes B et T communiquent entre eux. Mais comment cette communication joue-t-elle sur la maladie? C’est ce que j’essaie de mettre en lumière ».

Cet été, direction Chicago

Les recherches de Thomas Lejeune sont menées en collaboration avec l’Université de Chicago. « L’été prochain, je quitte Montréal pour m’installer à Chicago et terminer ma thèse ! », annonce-t-il.  « Nouvelle ville, nouvelle mentalité, nouvelle société, nouvelle expérience, nouvelle possibilité de recherche, nouvelles possibilités professionnelles. Quelle opportunité! Impossible pour moi de ne pas la saisir ».

Des semaines de 60 heures

Les journées du chercheur sont bien remplies.  « Ma vie sociale occupe 5 % de mon temps », confesse-t-il. « Ma recherche mobilise les autres 95 %. J’ai donc parfois l’impression de vivre à Montréal, au Canada, sans pouvoir réellement en profiter. Et même si je le voulais, je n’y arriverais pas. Je ne peux pas penser ou agir autrement qu’en fonction de mon boulot. »

« Je travaille facilement plus de 60 heures par semaine, les weekends et les jours fériés y passent avant ma propre vie personnelle. C’est avant tout par choix, par passion, mais aussi grâce au « drive » de ma chef et de notre collègue de Chicago, qui ne visent que le meilleur, qui s’en donnent les moyens, et qui font preuve d’un mentoring à l’américaine, hautement transmissible. La vie, c’est le travail. J’adhère pleinement à ce point de vue actuellement. J’ai signé pour une thèse, et j’y consacre ma vie durant les années nécessaires, avec l’objectif du meilleur.  Et surtout, j’aime ce que je fais ».

Quand il jette un regard dans le rétroviseur, Thomas Lejeune est ravi de son expérience internationale.  « Oui, j’ai bien fait de partir », analyse-t-il. « Nous vivons une époque ou cela est devenu très aisé de s’envoler. Cette expérience de vie à l’étranger, même si elle se déroule dans un environnement francophone, n’en demeure pas moins riche de nouveaux apprentissages. C’est à mes yeux une étape devenue aujourd’hui quasi nécessaire à l’épanouissement des jeunes adultes que nous sommes ».

Un engouement qui n’occulte pas certains bémols

« Cette manière de voir le travail peut donc devenir vite obsessive et la pression est parfois très, très élevée », concède-t-il. « Côté personnel, il est certain que la distance avec la famille joue un rôle crucial ».

Si c’était à refaire? « Je signe à deux mains. Cette expérience présente des points positifs et des points négatifs. C’est un choix de vie en effet. Il y a des « pour » et des « contre ». Rester en Belgique ? Oui… et… non. Mais finalement mon caractère penche vers l’inconnu, le nouveau et le renouveau. Une possibilité de se compléter, de se construire, presque constamment ».

L’avenir? Idéalement, la Californie

« Le milieu académique est attrayant. Mais il est compétitif, très compétitif. Et je ne pense pas qu’il m’attire à un point tel que je continuerai ensuite par un post-doc. C’est une suite logique, mais je ne pense pas que cela me soit nécessaire pour l’objectif professionnel que je me fixe. Je sais ce que je veux. J’ai eu l’occasion de découvrir la sphère privée en travaillant chez Bayer avant ma thèse à Montréal. Je n’avais aucune expérience dans ce milieu, et pourtant, cela s’est très bien passé et fait partie de mes plus belles expériences de vie ».

« J’y pense d’ailleurs très souvent, parfois avec nostalgie. J’espère vraiment retourner dans le secteur privé, en recherche et développement, et devenir par exemple « product specialist ». La cerise sur le gâteau serait de le devenir chez BioLegend ou BD Bioscience, à San Diego (Californie). Ma compagne a vécu là-bas et je suis tombé amoureux de cette ville, qui semble être un des berceaux des techniques immunologiques, domaine de ma thèse »…

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