Expérience qui a mené à la découverte du boson de Brout-Englert-Higgs © CERN for the ATLAS and CMS

La découverte du boson de Brout-Englert-Higgs fête ses 10 ans

4 juillet 2022
Par Daily Science
Durée de lecture : 5 min

C’est un sacré anniversaire. Voilà pile dix ans que la découverte du fameux boson scalaire, le boson de Brout-Englert-Higgs était présentée lors d’un séminaire au CERN. L’occasion de revenir sur la genèse de cette avancée majeure en physique, et d’esquisser les traits de la recherche future.

Une théorie novatrice comme point de départ

L’histoire commence en 1964 quand Robert Brout et François Englert de l’ULB et Peter Higgs d’Édimbourg publient leurs travaux et proposent l’existence d’un nouveau champ « scalaire » (c’est-à-dire sans direction privilégiée) qui remplirait tout l’espace et avec lequel les particules élémentaires interagiraient.

Ils introduisent aussi la notion de brisure (spontanée) de symétrie. Cela permet alors de décrire le fait que certaines particules sont massives. La prédiction de l’existence du boson de Brout-Englert-Higgs (boson BEH) est la conséquence, le « condensat », du champ scalaire introduit.

A la recherche du boson scalaire

La quête du boson BEH a été longue. En effet, il a fallu attendre 48 ans avant de pouvoir découvrir cette fameuse particule.

Cela s’explique par le fait que le boson BEH est massif, mais surtout par son faible couplage aux particules stables. De plus le boson lui-même est instable et nous devons le détecter en analysant les produits de sa désintégration, qui peut se faire dans une série de canaux différents. C’est un peu comme essayer de reconstruire la forme d’un vase à partir de ses morceaux après que celui-ci se soit cassé.

Il a donc fallu concevoir une machine gigantesque, le LHC (grand collisionneur de hadrons), et des détecteurs extrêmement précis (ATLAS et CMS) afin d’espérer une découverte. L’ULB, avec ses collègues expérimentateurs des autres universités belges, a participé à la conception, à la construction et à la prise des données de l’expérience CMS depuis de nombreuses années.

L’annonce de la découverte

Le 4 juillet 2012, les expériences ATLAS et CMS annoncent lors d’un séminaire au CERN la découverte du boson de Brout-Englert-Higgs. Ce fut un moment très émouvant pour les expérimentateurs : après 2 années de prise de données, les deux expériences ont vu un signal compatible avec la production du boson BEH, et ont pu en déduire sa masse qui est de l’ordre de 125 GeV, soit 125 fois la masse du proton.

Il faut noter que lors de ce séminaire, les chercheurs de l’expérience CMS ne connaissaient pas le détail des résultats de l’expérience ATLAS, et inversement. Cela a donc été particulièrement fascinant de vivre ce moment de partage des résultats et de voir la cohérence du signal. « Pour les équipes de l’ULB, c’est un peu une boucle qui se referme : de la prédiction à l’observation, à presque 50 ans d’écart », note l’université bruxelloise.

Un premier prix Nobel de physique

En octobre 2013, on annonce à Peter Higgs et à François Englert qu’ils remportent un Prix Nobel.

« Nous avons fêté cela comme il se doit à l’ULB, au sein de la faculté des Sciences et au sein de l’université. C’étaient des moments très émouvants. François Englert est une personnalité hors du commun : brillante, engagée et attachante. Au-delà de la communauté scientifique, c’est l’ensemble de la population belge qui a été touchée par cette annonce, fière de ce tout premier prix Nobel de physique pour la Belgique. Il faut souligner l’effort fait par les journalistes et par la population pour essayer d’expliquer et de comprendre ce qu’est vraiment un boson scalaire … mission (presque) impossible si l’on n’a pas des notions de mécanique quantique et de relativité restreinte !»

De la recherche en cours …

« Cette découverte confirme notre compréhension du monde microscopique. Grâce à ce mécanisme introduit par Brout et Englert, nous pouvons inclure les termes de masse dans notre modèle. Ce qui est fondamental, nous savons tous, par exemple, qu’un électron qui est une particule élémentaire possède une masse non nulle », explique-t-on au sein du service de Physique théorique de l’ULB.

« Depuis 10 ans maintenant, les expérimentateurs de CMS et d’ATLAS ont étudié les propriétés du boson BEH, et désormais, nous connaissons avec précision sa masse, ses modes de production, et ses modes de désintégration les plus fréquents. Plus d’une centaine d’articles scientifiques ont été publiés par CMS et ATLAS sur l’étude du boson BEH. »

… Et des mystères à élucider

« De manière paradoxale, cela nous place aussi devant une grande difficulté : notre théorie, qui décrit si précisément toutes les expériences actuelles, ne peut être complète. En effet, elle ne peut expliquer ou décrire certaines observations cruciales actuelles comme, par exemple, quelle est la nature de la matière noire ? Pourquoi notre monde est composé de matière et non d’antimatière ? Pourquoi certaines particules fondamentales (les neutrinos) ont une masse très faible mais non nulle contrairement à la version minimale de notre modèle ? »

« Ces questions sont fondamentales ! Pour y répondre, nous devons donc aller au-delà de notre modèle actuel. C’est donc une nouvelle quête qui s’annonce, et nous pensons que le boson scalaire joue un rôle important dans celle-ci. »

Les expériences CMS et ATLAS vont continuer à collecter des données entre 2022 et 2025. Ensuite, après un arrêt technique et une mise à jour importante de la machine et des détecteurs, les expériences reprendront, accumulant au total 10 fois plus de données que dans la phase précédente. Avec l’espoir, au bout du chemin, de mettre en évidence une nouvelle physique et agrandir les connaissances de l’humanité.

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