Les citoyens, des scientifiques amateurs qui font toute la différence

6 avril 2020
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 6 min

Pas besoin d’être Einstein ! Enfants, ados, adultes, tout le monde peut apporter sa brique aux sciences participatives. Les sciences ne progressent pas uniquement par les travaux portés par des chercheurs du monde académique, mais se co-construisent parfois avec l’aide bénévole des citoyens. Astronomie, écologie, biologie, biochimie … les domaines couverts par les sciences participatives sont variés. Voilà une activité ludique et utile, à mener depuis son pc, en cette période de confinement.

Sans l’aide des citoyens, des découvertes astronomiques n’auraient pas eu lieu

« Les sciences participatives, c’est une belle opportunité d’initier le public à la science qui se construit sous leurs yeux ! Car les actions menées par les citoyens ont permis des découvertes qui auraient été impossibles sans leur concours. C’est vraiment de la science », explique Yaël Nazé, astrophysicienne, chercheuse qualifiée du FNRS au sein du Groupe d’Astrophysique des Hautes Energies de l’ULiège.

Et de préciser, «  l’an dernier, j’ai sorti une publication scientifique avec, comme co-auteurs, une tripotée d’astroamateurs qui ont suivi une étoile dans le Verseau. Cette étoile est entourée de matière. Les observations des citoyens ont permis de mettre en évidence l’évolution de cette matière au cours du temps. Elle a disparu à un moment pour réapparaître sous des structures différentes. Cette découverte aurait été impossible sans l’aide des astroamateurs, les télescopes de recherche n’étant pas dédiés à ce genre d’objet. »

Si le suivi d’objets célestes exige la possession de matériel d’observation astronomique, d’autres sujets de sciences participatives ne demandent rien d’autre qu’un ordinateur. Même en astronomie.

Des objets astronomiques dont on ignorait l’existence

C’est le cas de Galaxy Zoo, un projet  en ligne qui propose aux internautes de classifier plus d’un million de galaxies. Sur base de milliers de photos, les citoyens doivent identifier si la galaxie est spirale, si elle tourne à gauche ou à droite.

Parfois, ils tombent sur quelque chose de bizarre, d’une couleur étrange. C’est ainsi qu’ils ont découvert des objets exotiques dont le surprenant «Voorwerp» et des galaxies «petit pois» (ainsi nommées en raison de leur compacité et de leur couleur verte), formant beaucoup d’étoiles.

« Il faut des yeux humains pour faire ce genre de découvertes dont on ignorait l’existence. Cela aurait été impossible avec l’intelligence artificielle qui, elle, ne peut trouver que ce pour quoi elle est programmée. Or ce qui est intéressant, ce sont justement les surprises, les objets inattendus », poursuit Dre Nazé.

Le projet participatif Galaxy Zoo, lancé en 2007 et toujours en cours, « a aussi permis de déterminer qu’il n’y a pas de sens de rotation privilégié pour les galaxies, que la présence d’une «barre» se fait en fonction de la couleur de la galaxie et qu’un tiers des galaxies rouges, couleur traditionnellement associée aux galaxies elliptiques, sont en fait des galaxies spirales. » Une sacrée moisson de connaissances.

Exemples de photos de galaxies analysées par les citoyens dans le cadre de Galaxy Zoo © Galaxy Zoo

Compter les tâches solaires sur des documents d’archives

Les spécialistes du Soleil de l’Observatoire royal de Belgique font également appel au public. Leur projet de sciences participatives, baptisé Val-u-Sun, propose aux citoyens d’aider les chercheurs à mieux (re)compter les taches qui maculent de temps à autre la surface du Soleil et à délimiter ses « groupes de taches ».

Les observateurs du monde entier comptent les taches solaires et les dessinent à la main depuis plus de 400 ans. Dans le cadre de Val-u-Sun, les citoyens comptent celles reprises sur quelque 20.000 dessins originaux archivés.

Soleil et taches solaires dessinées à la main © ORB

 

Les mésanges belges sous la loupe des élèves pour les chercheurs de l’IRSNB

Confinés mais pas déconnectés !  En cette période particulière, le projet Xperibird.be, initié en 2016 par l’Institut Royal des sciences naturelles de Belgique avec Google.org, continue de plus belle à filmer et photographier les mésanges au nid.

Au cours des 3 dernières années, quelque 600 nichoirs, équipés d’une caméra contrôlée par un nano-ordinateur, ont été distribués gratuitement aux écoles primaires et secondaires à travers toute la Belgique. « Grâce à cette technologie, nous nous glissons dans l’intimité des mésanges sans les déranger. Observer, dater, comptabiliser… sans intrusion », explique-t-on à l’IRSNB. De quoi mettre sur pied un réseau d’observation et de suivi de la nidification de ces passereaux en Belgique sur le moyen et long-terme.

Les données collectées et encodées par les élèves sont visibles sur une carte interactive.

Pourquoi étudier une espèce aussi commune ? « Les populations d’oiseaux communs, tels que les mésanges, sont constituées d’un grand nombre d’individus, contrairement aux espèces plus rares. Des indicateurs spécifiques de ces populations sont donc efficaces pour juger de la santé de leur écosystème. Les mésanges, nichent-elles toujours à la même période de l’année où que l’on soit en Belgique ? Le nombre de petits, varie-il selon la période d’installation ? Observe-t-on des différences d’année en année ? », expliquent les biologistes derrière ce projet.

Et d’ajouter, « les oiseaux sont souvent situés à un niveau élevé de la chaîne alimentaire. Si une perturbation touche un des composants de l’écosystème, il y a plus de risques que ces espèces y soient également sensibles. » Et collecter des données sur plusieurs années consécutives permet d’établir des tendances fiables.

Initialement prévu pour trois ans, le projet Xperibird.be a été prolongé pour l’année scolaire 2019-2020 grâce au soutien financier du Fonds international Wernaers pour la recherche et la diffusion des connaissances.

Participer à la recherche sur le coronavirus depuis son salon

Grâce aux sciences participatives, vous pouvez également être acteurs de la recherche sur le coronavirus. Avec FoldIt, développé par l’Université de Washington, la résolution collective et en ligne de puzzles aident à comprendre la structure des protéines qui entourent le virus.

« Les coronavirus présentent à leur surface une protéine qui se lie étroitement à un récepteur situé à la surface des cellules humaines. Au cours des dernières semaines, les chercheurs ont déterminé la structure de la protéine du virus et la façon dont elle se lie aux récepteurs humains. Si nous parvenons à concevoir une protéine capable de se lier à cette protéine virale, elle pourrait être utilisée pour bloquer l’interaction avec les cellules humaines et stopper l’infection », expliquent les concepteurs du jeu.

Et si le confinement ne vous offre que très peu de temps libre, vous pouvez tout de même aider la science à progresser. Folding@home est un petit programme d’étude des protéines de l’Université de Stanford qui utilise la puissance de votre ordinateur pendant que vous ne l’utilisez pas.

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