Cultures hors-sol de plantes à potentiel pharmaceutique dans la serre rénovée © Laboratoire de Physiologie Végétale/ULiège

Des plantes à haut potentiel pharmaceutique cultivées hors-sol

6 août 2020
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 6 min

Le projet « Plant’HP », porté par des chercheurs du Laboratoire de Physiologie Végétale de l’ULiège, vient d’équiper une serre de recherche pour tester la culture hors-sol de plantes médicinales. Et ce, afin d’en évaluer le potentiel pour la production de molécules à haute valeur ajoutée. Un trio de plantes dont les extraits sont dotés de capacités antivirales est actuellement à l’étude.

Un projet en amont

Le projet Plant’HP fait partie d’un portefeuille de projets, financés par le fonds FEDER 2014-2020, et rassemblés sous l’appellation Tropical Plant Factory. Cet ensemble de projets a comme objectif de démontrer la faisabilité d’une chaîne de valeur depuis la culture de plantes jusqu’à l’extraction de molécules d’intérêt. Et ce, dans une échelle qui, à terme, devrait être celle d’une grande serre de production.

Plant’HP, pour « plantes à haut potentiel », est le projet le plus en amont de cet ensemble. « Notre rôle est de déterminer, pour les plantes sélectionnées, les conditions de culture et environnementales dans lesquelles elles sont les plus productrices de molécules d’intérêt », explique Pre Claire Périlleux, directrice du Laboratoire de Physiologie végétale de l’ULiège.

Phytotron © Laboratoire de Physiologie Végétale/ULiège

Dans le phytotron, tout est sous contrôle

Le projet se déroule en différentes étapes. La première a lieu dans un phytotron, une enceinte complètement close où tous les paramètres sont contrôlés. Que ce soient la durée et la qualité de la lumière, la température diurne et nocturne, l’humidité de l’air. Mais aussi l’enrichissement en CO2, le contrôle de la nutrition minérale ou l’administration de traitements avec des hormones, etc.

Une fois les plantes placées dans des conditions extrêmement précises, leur biomasse végétale est donnée à extraire aux chimistes et pharmaciens. Leurs résultats indiquent si les conditions appliquées sont plus ou moins favorables que celles testées préalablement. « De cette façon, on progresse vers la définition de conditions optimales pour révéler le potentiel des plantes. »

A plus grande échelle, la production a peu de chance de se dérouler dans le même genre d’enceinte sophistiquée qu’est le phytotron. Le projet Tropical Plant Factory prévoit, en phase ultime, la transposition dans une serre à côté d’un incinérateur pour, bien entendu, bénéficier de sa chaleur. Pour y parvenir, les chercheurs ont recours à une phase intermédiaire.

Une serre rénovée pour transiter vers la serre industrielle

C’est ainsi que la deuxième étape du projet Plant’HP fait la transition entre le phytotron et la serre de production. Elle se va se dérouler dans la serre fraîchement équipée d’un matériel de pointe.

« On va identifier les paramètres à optimiser dans ces conditions particulières. Par exemple, en utilisant des LED, et des systèmes de culture verticale. Cette serre de recherche est particulière, car modulable, subdivisée en compartiments où on va essayer d’adapter les résultats des recherches menées dans le phytotron », poursuit Pre Périlleux.

La chose n’est pas aisée, car si dans le phytotron, tout était sous le contrôle des chercheurs, dans cette serre de recherche, il leur faudra faire avec l’apport de lumière naturelle. S’ils pourront maîtriser la luminosité en apportant des LED en compléments, la régulation de la température sera plus compliquée.

En effet, la température extérieure influence énormément une serre. Il faut avoir recours à un système de régulation suffisamment performant pour éviter de soumettre les plantes à des températures qui leur seraient délétères.

© Laboratoire de Physiologie Végétale/ULiège

Cultiver hors-sol diminue le risque de rupture de production

Dans le phytotron et dans la serre fraîchement rénovée, les chercheurs expérimentent la culture hors-sol. Et ce, dans la volonté d’assurer une production continue de molécules d’intérêt, et d’une qualité égale.

« Lorsque l’on cultive en extérieur, il est impossible de savoir si la production sera bonne quantitativement ; ou si, à cause d’aléas climatiques ou autres, elle sera désastreuse. A cela s’ajoute le fait que vous ne savez pas non plus garantir que le matériel, qualitativement parlant, est bien celui que le client attend. En effet, les plantes fabriquent les molécules d’intérêt pharmaceutique pour se défendre elles-mêmes contre certains stress. Dès lors, selon les conditions extérieures, leur composition peut être très différente. » D’où l’intérêt de travailler en conditions contrôlées.

D’autre part, en travaillant hors-sol, l’équipe de recherche se positionne dans une évolution globale de société.De plus en plus d’usines végétales éclosent, produisant des plantes d’intérêt (comme des légumes) hors-sol, sur des toits, etc. A noter que cette évolution sociétale est critiquée par certains qui voient là une production moins nutritive (notamment en vitamines), mais aussi bien plus gourmande en eau et davantage émettrice de CO2 qu’une culture sur sol vivant.

Culture hors-sol d’Euphorbia peplus © Laboratoire de Physiologie Végétale/ULiège

Un revers lié à une molécule produite par une euphorbe …

Les plantes d’intérêt pharmaceutique sont nombreuses. Sur quelles espèces les chercheurs de Plant’HP ont-ils focalisé leur attention ? « Pour la rédaction du projet Tropical Plant Factory, nous avons dû réaliser une étude de marché. Le choix des plantes à étudier a été dicté par ces contraintes économiques. Il nous a été demandé de travailler sur le chanvre à fibres, producteur de CBD (cannabidiol), et sur le groupe des Euphorbes au sein duquel plusieurs espèces étaient susceptibles de produire des molécules d’intérêt », explique Pre Claire Périlleux.

« Nous avons resserré notre champ d’investigation sur Euphorbia peplus qui produit un latex contenant une molécule d’intérêt, l’ingénol mébutate. Celle-ci avait un intérêt dans le traitement de certaines maladies cutanées, notamment une maladie précancéreuse qui se développe après une exposition au soleil. Toutefois, elle a été retirée du marché récemment en raison d’effets secondaires », poursuit la chercheuse.

C’est un coup dur pour l’équipe de recherche. Les conditions d’extraction de cette molécule avaient été mises au point. Et les pharmaciens avaient réalisé des tests biologiques sur différents systèmes biologiques, notamment des cultures de cellules cancéreuses.

… et une opportunité amenée par la covid-19

Artemisia annua © Laboratoire de Physiologie Végétale/ULiège

La crise sanitaire liée au virus SARS-CoV-2 offre à l’équipe de recherche de se réorienter progressivement.

« Nous avons décidé d’étudier un trio de plantes dont la littérature démontre une activité antivirale de leurs extraits : Artemisia annua (connue pour son pouvoir antipaludique, NDLR), Pelargonium sidoides et Echinacea purpurea. Nous avons commencé, dans la serre de production, à multiplier les plantes sur lesquelles nous allons faire des analyses qualitatives, d’extraction, etc. »

« C’est aussi le but du projet de démontrer la flexibilité de la plateforme pour d’autres applications», conclut Claire Périlleux.

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