L'endoscopie connaît des progrès techniques fulgurants, grâce notamment aux chercheurs de Bruxelles (ULB) et Mons (UMons)
L'endoscopie connaît des progrès techniques fulgurants, grâce notamment aux chercheurs de Bruxelles (ULB) et Mons (UMons)

Voir et soigner « de l’intérieur »

9 avril 2014
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

En chirurgie classique, les médecins ouvrent les corps pour découvrir comment ils (dys)fonctionnent et pour les soigner. Aujourd’hui, les spécialistes explorent les corps grâce à des outils miniaturisés que les patients ne sentent quasi plus « passer ». Demain, grâce aux ingénieurs médicaux, ces endoscopes (qui explorent nos voies naturelles) seront encore plus perfectionnés.

 

Non seulement, ils permettront de mieux voir ce qui se passe dans l’un ou l’autre tuyau de la machinerie humaine, mais de plus, ils faciliteront diverses interventions chirurgicales. Et certains caractériseront même en direct la nature d’une tumeur !

 

« Nous travaillons effectivement sur tous ces axes de recherche », confirme le Pr Jacques Devière, chef du service de Gastro-Entérologie à l’hôpital Erasme (ULB).  « Avec le concours d’ingénieurs de l’Ecole polytechnique de Bruxelles, nous développons de nouveaux outils pour l’endoscopie digestive mais également pour la bronchoscopie. Et l’attrait de ces nouveaux outils ne se limitera pas à ces seules disciplines. »

 

Biocapteurs lumineux

 

Sept programmes de recherche dans ce secteur sont actuellement en cours à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Le plus marquant et le plus récent est sans aucun doute celui baptisé “PREDICTION”. Mené en collaboration avec les chercheurs de l’Université de Mons (UMons), il vise à mettre au point une minuscule sonde (moins de 2 mm de diamètre) pour explorer les poumons.

 

« L’idée est de disposer d’un outil qui permette à la fois de pénétrer dans les bronchioles, d’observer diverses tumeurs mais aussi de les caractériser », précise l’ingénieur Nicolas Cauche, du service BEAMS (Bio, Electro And Mechanical Systems) de l’ULB.

 

Outre la miniaturisation de la sonde, l’exploit technologique réside dans l’intelligence de la tête de la sonde. Pour qu’elle puisse caractériser, en direct, une tumeur, les partenaires du projet développent des biocapteurs capables de reconnaître les diverses protéines présentes à sa surface. Ce sont ces protéines qui signent la nature exacte des tumeurs. Dans ce cadre, les spécialistes bruxellois travaillent avec les chercheurs du Service de Protéomique et microbiologie de l’UMons.

 

Identifier la couleur des tumeurs

 

Le défi technologique à relever est important. Le biocapteur doit tenir sur une tête d’épingle: une fibre optique de 125 microns d’épaisseur, à peine plus que l’épaisseur d’un cheveu. La fibre qui le porte doit être suffisamment rigide pour pouvoir être guidée dans les bronchioles mais aussi suffisamment flexible pour ne pas les endommager. Et surtout, le biocapteur doit pouvoir lire la signature lumineuse de la tumeur.

 

Car c’est bien sur l’identification de signatures lumineuses que travaillent les chercheurs. C’est le changement de couleur capté par la fibre, soit la réfraction de la lumière par la tumeur et son changement de longueur d’onde, qui va renseigner les médecins sur sa nature exacte.

 

« Ces signatures vont par exemple nous dire s’il s’agit de tumeurs primitives ou de métastases. Les traitements à envisager dépendent notamment de ce genre d’informations », précise le Dr Devière.

 

Retour de force

 

Le problème identifié et compris, il reste à offrir les meilleurs soins au patient. Ici aussi, les progrès technologiques sont en marche. L’équipe bruxelloise travaille à la mise au point d’un système endoscopique « à retour de force ».

 

« Quand on perce une muqueuse lors d’une intervention endoscopique, on ne ressent guère de différences de résistance », indique le médecin. « Pouvoir apprécier dans quelle sous-couche de la muqueuse nous nous trouvons a également une grande importance ».

 

L’équipe bruxelloise vient ainsi de s’intéresser à cette problématique pendant cinq ans grâce à un soutien de la Région Wallonne. Leur projet Sensedo a été financé par le programme Waleo3 à hauteur de plus d’un million d’euros. Son but : faire ressentir au médecin qui manipule l’instrument des différences de pression infimes exercées sur l’extrémité de son outil.

 

Voir en 3D sur un écran plat

 

Pour en revenir à l’aspect visuel de la chose, il faut encore mentionner l’épineux problème de la restitution en trois dimensions des structures observées lors d’une endoscopie. Les médecins manipulent les sondes des deux mains. L’image qu’ils reçoivent en retour est une image en 2D, diffusée sur un grand écran. Ici aussi, l’équipe d’Erasme tente de résoudre ce problème de la troisième dimension, souvent crucial quand il s’agit d’apprécier les dimensions réelles d’une lésion.

 

« Pouvoir observer et mesurer précisément cette taille permet d’orienter le traitement », précise le médecin. Mais comment voir en 3D quand on ne dispose que d’une fibre optique et non de deux yeux aptes à discerner le relief ?

 

La réponse se trouve une nouvelle fois dans le camp des ingénieurs. « Nous testons actuellement la technique de la lumière structurée », explique Nicolas Cauche. « Et ce par un système d’optique diffractive basé sur des franges de Young ».

 

En clair, la fibre optique unique de l’endoscope projette une série de lignes lumineuses sur la structure interne à observer. Chaque point de chaque ligne est ensuite parfaitement localisé dans l’espace, ce qui permet de reconstruire l’ensemble de la structure observée par calculs informatiques.

 

Outil de médecine personnalisée

 

Le principe est en soi assez simple. Le traitement des informations récupérées est lui plutôt ambitieux. Il faut traiter efficacement et en temps réel une masse de données et les transformer en une image tridimensionnelle. Ici aussi l’alliance stratégique entre ingénieurs et médecins assure des progrès rapides dans cette problématique.

 

Quels bénéfices les patients retirent-ils de ces avancées technologiques ?  Le Pr Devière en identifie plusieurs.

Et il conclut: « ces progrès technologiques constituent quelques pas supplémentaires vers une médecine toujours plus efficace. Tout simplement parce qu’ils permettent une personnalisation plus grande de la médecine, pour chaque patient ».

 

 

Découvrez ici en vidéo une courte illustration de ces progrès réalisés à l’ULB.  Le document complet sera bientôt en ligne sur la chaîne « Images de sciences » de ULB TV.

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