Des particules d’or reprogramment la machine immunitaire

9 avril 2021
par Camille Stassart
Durée de lecture : 4 min

« La recherche sur le cancer a eu tendance, ces dernières décennies, à se focaliser sur la meilleure manière d’attaquer les cellules cancéreuses qui forment les tumeurs. Or, dans une tumeur, on trouve aussi des cellules du système immunitaire, que l’on peut exploiter à notre avantage », indique Anne-Catherine Heuskin, chargée de cours à l’UNamur et chercheuse à l’Unité de recherche en analyses par réactions nucléaires (LARN).

De ce constat, est né le projet REPTAM. Financé par le FNRS, il a pour ambition de reprogrammer les globules blancs présents au sein même des cellules tumorales afin de provoquer une meilleure réponse de l’organisme face au cancer.

Pour y parvenir, l’équipe du projet mise sur l’association innovante de nanoparticules d’or et de protonthérapie, une technique de radiothérapie basée sur l’irradiation par protons.

Reconfigurer la réponse inflammatoire dans une tumeur

Les scientifiques s’intéressent à des cellules immunitaires spécifiques : les macrophages. Dans le micro-environnement tumoral, on en trouve de deux types : les M1 et le M2.

« Les macrophages de phénotype M1 auront une action pro-inflammatoire au sein de la tumeur et joueront un rôle bénéfique, en stimulant le système immunitaire du patient. Au contraire des M2, dont l’action est anti-inflammatoire, et qui freineront, en quelques sortes, les défenses de l’organisme », informe la Dre Heuskin, coordinatrice du projet.

Récemment, une thèse menée dans son laboratoire a montré qu’il est possible de reprogrammer, partiellement, les macrophages du type M2 vers le M1, en les irradiant avec un faisceau de protons. « Les protons vont favoriser la production de radicaux libres dans l’environnement du macrophage. Ce qui va encourager sa reprogrammation. »

Pour augmenter encore la présence de ces radicaux libres, et donc optimiser la reconfiguration des macrophages M2, les scientifiques comptent exploiter des nanoparticules d’or. « Nous savons que l’injection de ce matériau dans une cellule va inhiber sa capacité à éliminer les radicaux libres », indique encore la responsable de l’étude.

Le projet REPTAM visera à étudier les effets de la combinaison de ces deux techniques sur les macrophages du type M2.

Quand les radicaux libres reprogramment les globules blancs

Les scientifiques namurois réaliseront des expériences in vitro, puis in vivo, dans un modèle de tumeur du pancréas.

« L’idée est de développer un nouveau modèle de nanoparticules d’or, que l’on va injecter directement dans la masse tumorale. Elles iront d’abord infiltrer son micro-environnement, puis les macrophages M2. Une fois à l’intérieur de ces derniers, la nanoparticule les empêchera de détruire les radicaux libres, favorisant ainsi leur accumulation », développe la docteure en physique.

« En parallèle, on exposera ce macrophage à un faisceau de protons, ce qui amplifiera davantage la production de radicaux libres. Et conduira, finalement, à la reprogrammation complète du macrophage vers le type M1. »

L’hypothèse étant qu’une présence accrue de cellules pro-inflammatoires dans l’environnement tumoral augmente les chances de l’organisme de combattre cette tumeur. Et ce, de l’intérieur. « À terme, nous nous attendons à ce que la taille de la tumeur décroisse », confirme la chercheuse. Rendant la prise en charge du patient plus aisée.

L’espoir d’un nouveau traitement ciblé

Les intérêts de ces deux techniques sont multiples. L’or étant biocompatible, il ne provoque aucune toxicité. Par ailleurs, le couplage de nanoparticules d’or avec un anticorps spécifique aux M2 permet de cibler et de localiser des cellules avec plus de précision. C’est également l’un des avantages de la protonthérapie. Contrairement au faisceau de photons (rayons X), les protons permettent de mieux viser les tumeurs, et épargnent de cette façon davantage les tissus sains qui les entourent.

Mettre en place cette solution pose encore toutefois quelques difficultés. « Comme pour tous les autres médicaments, l’action du foie pose problème dans les tests in vivo. De fait, un de ses rôles consiste à capter et à éliminer, via les reins, toutes les substances étrangères qui se trouveraient dans notre organisme. Y compris les nanoparticules. Plusieurs études planchent actuellement sur une solution. »

Si cette nouvelle méthode de traitement porte ses fruits, elle représentera une arme supplémentaire et peu invasive pour certains patients, dans leur lutte contre le cancer.

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