Climat : le Giec n’en finit plus de tirer la sonnette d’alarme

9 août 2021
par Daily Science
Durée de lecture : 6 min

La maison brûle! Et il est urgent de s’en inquiéter. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) en apporte les preuves scientifiques dans le premier volet de son sixième rapport d’évaluation. Ce rapport, dont la rédaction a débuté en 2017-2018, rassemble les connaissances scientifiques les plus récentes et les plus complètes du système climatique et des changements climatiques à ce jour. Le précédent rapport de ce type datait de 2013-2014.

Un système climatique sans précédent

« L’influence humaine sur le système climatique est scientifiquement établie : elle se manifeste par un changement rapide et à grande échelle de différentes composantes du système climatique (atmosphère, océans, cryosphère et biosphère), qui modifient notamment sur les phénomènes climatiques extrêmes », notent d’emblée les scientifiques.

« L’ampleur des changements récents dans l’ensemble du système climatique et l’état actuel de nombreux aspects du système climatique sont sans précédent depuis plusieurs siècles à plusieurs millénaires. Et toutes les régions du monde subissent déjà les effets du changement climatique. »

« De nombreuses conséquences du changement climatique en cours sont irréversibles à des échelles de temps séculaires, voire millénaires, en particulier en ce qui concerne les océans, les calottes glaciaires et le niveau de la mer. »

« Ce nouveau rapport du Giec décrit avec un niveau de détail et de certitude encore plus grand que les précédents le diagnostic des « médecins de la planète » que sont les climatologues. Il confirme les diagnostics précédents : la fièvre [qui] affecte de nombreux organes et la dégradation de la santé du patient [qui] risque de s’accélérer s’il n’arrive pas à se libérer de son addiction au carbone », explique Pr Jean-Pascal van Ypersele (UCLouvain), chef de la délégation belge et ancien vice-président du Giec.

Catastrophes en cascade

Le réchauffement se renforcera d’ici 2050 d’après tous les scénarios pris en considération. Le réchauffement planétaire dépassera 1,5 °C, voire 2 °C, au cours du 21e siècle, à moins que des réductions importantes des émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre n’interviennent au cours des prochaines décennies.

Les conséquences de ce réchauffement sont multiples. Citons « un accroissement de nombreux changements dans le système climatique, dont notamment l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur, des fortes précipitations, des sécheresses, ainsi que la réduction de la banquise arctique, de la couverture neigeuse et du pergélisol », expliquent les scientifiques.

« Mais aussi une intensification des changements dans le cycle hydrologique. C’est-à-dire davantage de variabilité interannuelle ou de gravité des phénomènes extrêmes comme les sécheresses ou les inondations par exemple », poursuivent-ils.

D’après les scénarios où les émissions de CO2 grimpent, le taux de croissance du CO2 dans l’atmosphère augmentera, car les puits de carbone océaniques et terrestres (qui permettent actuellement d’absorber une partie du CO2 présent dans l’atmosphère) perdront en efficacité.

Les changements de plusieurs facteurs climatiques qui ont des répercussions seraient plus prononcés à 2 °C qu’à 1,5 °C et encore davantage pour des niveaux de réchauffement plus élevés.

La carte montre la tendance de la température de l’air à l’échelle mondiale pour la période 1950-2018, avec le
réchauffement dans différentes villes du monde par rapport à leurs zones environnantes (cercles) © IRM / Giec – Cliquez pour agrandir

Réduire tous les gaz à effet de serre

Pour limiter le réchauffement climatique à un niveau donné, il faut limiter les émissions cumulées de CO2, en parvenant au moins à des émissions nettes de CO2 nulles.

« Réduire fortement les émissions des autres gaz à effet de serre est également nécessaire, notamment le méthane (CH4). En effet, des réductions fortes, rapides et durables des émissions de ce gaz contrebalanceraient le réchauffement associé à la réduction de polluants atmosphériques (qui génèrent des aérosols) et amélioreraient la qualité de l’air », notent les chercheurs.

Des démonstrations à effet retard

« Réduire drastiquement les émissions de CO2 et des autres gaz à effet de serre aura des incidences notables sur la composition atmosphérique et la qualité de l’air à court terme, soit en quelques années. Mais, ce n’est qu’après une vingtaine d’années qu’il sera possible de prouver scientifiquement que les effets de ces réductions sur les températures à la surface du globe ne sont pas dus à la variabilité annuelle ; et qu’après une plus longue période encore pour les de nombreux autres facteurs. »

Enfin, « certains phénomènes, dont la probabilité est faible, mais qui peuvent conduire à des perturbations beaucoup plus importantes à l’échelle régionale ou mondiale ne peuvent être exclus et doivent être pris en compte dans l’évaluation des risques. »

Toute l’Europe sera touchée

Spécifiquement pour l’Europe, le Giec conclut avec une grande certitude que, quelle que soit l’intensité du réchauffement à venir, toutes les régions connaîtront une augmentation de température plus rapide que l’augmentation moyenne mondiale.

Le nombre et la gravité des épisodes de chaleur extrême ont augmenté au cours des dernières décennies et continueront d’augmenter selon les prévisions, indépendamment des scénarios d’émission. En outre, le nombre de vagues de froid et de jours de gel diminuera pour tous les scénarios d’émission et tous les horizons temporels, ce qui est déjà visible dans les observations historiques.

En Belgique, augmentation des inondations

« Plus spécifiquement pour l’Europe occidentale et centrale (la région dans laquelle se trouve la Belgique), les résultats indiquent avec une certitude modérée une augmentation des inondations pluviales comme conséquence directe des précipitations intenses à un réchauffement global de 1,5 °C (pour 2 °C ou plus la certitude est élevée). »

En outre, le Giec conclut avec une grande certitude que l’augmentation observée des inondations fluviales en Europe occidentale et centrale se poursuivra avec un réchauffement de 2°C.

L’urbanisation aggrave les conséquences du réchauffement mondial

Les travaux de recherche et l’expertise de Rafiq Hamdi, un des scientifiques de l’Institut royal météorologique (IRM), sur le climat urbain figurent également dans le nouveau rapport du Giec.

Les villes, hotspots de chaleur © IRM / Giec – Cliquez pour agrandir

« Les villes sont souvent quelques degrés plus chaudes que leurs campagnes environnantes, à la suite de l’effet d’îlot de chaleur urbain. Ce phénomène est la conséquence de différents facteurs : mauvaise circulation de l’air, chaleur piégée par les hauts bâtiments, chaleur due aux activités humaines, des matériaux de construction qui absorbent la chaleur et une présence limitée de végétation », explique-t-il.

« Bien que l’on peut affirmer avec un haut degré de certitude que l’influence de l’urbanisation sur le réchauffement global de la température moyenne annuelle de surface est négligeable, l’urbanisation a amplifié les effets du réchauffement global dans les villes », poursuit-il.

Le Giec affirme donc avec une grande certitude qu’à l’avenir, la poursuite de l’urbanisation combinée à l’augmentation des valeurs extrêmes de chaleur augmentera l’intensité des vagues de chaleur dans les villes.

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