Gentianes

Les pelouses calcaires mosanes trouvent un nouveau souffle

13 décembre 2022
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 4 min

Au terme de 8 années de travail, LIFE Pays mosan, un projet mené entre Wallonie, Flandre et Pays-Bas, a permis la protection et la restauration de plus de 450 hectares de milieux naturels, dont 242 ha en Wallonie. Parmi ceux-ci des pelouses calcaires, écosystèmes abritant environ 30% des espèces végétales régionales ! Une bouffée d’espoir pour notre patrimoine naturel. D’autant plus que ces pelouses maigres sont résilientes face au changement climatique.

Un calcaire ancestral

Voilà plusieurs centaines de millions d’années, le sol qui deviendrait bien plus tard la Belgique ne se trouvait pas dans l’hémisphère nord comme aujourd’hui. En ces temps lointains, il était, au contraire, sis non loin de l’Antarctique, dans l’hémisphère sud. Ces terres étaient immergées dans l’Océan d’alors. Si bien que des squelettes d’animaux marins et de coraux, des structures de micro-algues et des coquilles de mollusques, se sont déposés sur le fond marin, formant une épaisse couche de calcaire. C’est l’origine des sols calcaires caractérisant la région mosane.

Ces sols particuliers ont généré des grottes et des nappes phréatiques par érosion chimique et mécanique de l’eau. Ils ont aussi permis, ces derniers siècles, avec l’aide de pratiques agropastorales de subsistance, l’émergence de pelouses sèches calcaires, des écosystèmes riches et vulnérables, à la biodiversité singulière.

Des zones exploitées en monoculture ou laissées à l’abandon

Au fil des siècles, les pratiques agropastorales traditionnelles extensives ont favorisé la progression de plantes méridionales, steppiques voire montagnardes adaptées à la sécheresse et la chaleur qui règnent sur ces coteaux calcaires.

« Mais au XIXe siècle, la société s’industrialisant, l’idylle tourne au désamour. Ces terrains peu productifs sont alors délaissés par les troupeaux. Et ce, pour être majoritairement reconvertis en plantations mono-spécifiques de résineux, pauvres en termes de biodiversité, ou en zones agricoles aux pratiques intensives », explique-t-on chez Natagora, organisation environnementale qui, avec Natuurpunt et Natuurmonumenten, font partie des sept acteurs wallons, flamands et néerlandais du projet LIFE Pays mosan.

Un milieu riche et résilient

« Les pelouses sèches se sont donc trouvées morcelées, réduisant les échanges génétiques entre populations. De nombreux fragments restants ont, en outre, vu leur diversité floristique perturbée par le reboisement naturel, l’épandage d’amendements et l’accumulation de dépôts de matière organique ou de polluants. »

«  Or, les pelouses calcaires constituent, sous nos latitudes, l’un des milieux parmi les plus diversifiés : dans la zone du projet LIFE Pays Mosan, un tiers des espèces végétales régionales y sont présentes. Et la richesse des plantes va de pair avec celle de nombreuses espèces d’insectes, notamment pollinisateurs, et de reptiles. Le milieu calcaire constitue aussi un habitat apprécié par les chauves-souris, qui utilisent les nombreuses cavités souterraines comme gîtes d’hiver. Cette diversité d’espèces permet à ces écosystèmes d’être plus résilients, notamment face au réchauffement climatique. »

Pie-grièche écorcheur

Le retour de l’agropastoralisme

Financé à hauteur de 16 millions d’euros (dont 75 % amenés par l’Union Européenne), LIFE Pays mosan a, notamment, consisté à protéger et restaurer ces pelouses calcaires dans le bassin de la Meuse et de ses affluents.

La liste des actions menées en leur faveur est longue et variée. Elle s’étend de l’abattage de résineux, du débroussaillage et de la fauche à l’étrépage des sols pour les appauvrir (c’est-à-dire au raclage d’une couche superficielle de sol riche en phosphates ), à l’établissement de corridors de connexion entre pelouses calcaires (lisières, fourrés), notamment le long du canal Albert. Mais aussi à la création ou au curetage de mares.

Des mesures de gestion à long terme ont aussi été mises en place. « Outre l’entretien par les équipes et volontaires des associations, des conventions ont été passées avec des agriculteurs pour la gestion écologique des prairies. C’est ainsi que l’on voit à nouveau des troupeaux de moutons paître dans les collines mosanes. »

La plus belle récompense, après 8 ans d’efforts menés par quelque 30 travailleurs, dont 18 chez Natagora, est le retour d’espèces rares. « Orchis, thym, gentianes et autres plantes recolonisent leur milieu naturel, suivies par des papillons typiques. Pie-grièche, chardonneret et alouette lulu sont aussi de retour. De même que la coronelle lisse, une couleuvre rare », se réjouissent les naturalistes.

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